Marseille, l’autre campagne
PARU DANS FEU LE BLOG ” MARSEILLE INTERNATIONALE
Jean-Louis Commolli et Michel Samson sont-ils quelque part entre les permanences des militants et les états-majors de campagne des dirigeants, dans les meetings et les tractages, en train de tourner un nouvel épisode de la saga politique « Marseille contre Marseille » en vue des législatives des 10 et 17 juin prochain ? Certes, leurs résultats dépendront en partie de l’élection présidentielle, mais on peut également observer les positionnements des uns et des autres dans cette campagne à la lumière, non pas, du champ politique national, mais des luttes politiques locales dont le rendez-vous majeur demeure le choix du futur maire qui aura lieu en mars 2014 – et dont la date coïncidera avec celle des élections territoriales.
Avant d’en venir au tour d’horizon des forces en présence par circonscription, il faut dire un mot sur les territoires politiques des joutes. La loi sur le “bizarre” rédécoupage électoral de 2009, a fait passer le nombre total de circonscriptions dans la ville de huit à sept. En cause : la population intra-muros a augmenté moins vite que celle du département, reposant une nouvelle fois la question du déclin démographique de Marseille et d’une nouvelle étape de fuite vers les périphéries des classes moyennes, pour la première fois depuis leur enraiement au milieu des années 1990. Lorsqu’il a été annoncé, le redécoupage a suscité de nombreuses réactions qui n’ont pas été l’apanage d’un parti plutôt qu’un autre. À gauche, la profonde transformation qui touche les quartiers Nord a été perçu comme représentant un risque de fragiliser la position des sortants socialistes (Sylvie Andrieux, ex-7ème et Henri Jibrayel, ex-4ème). À droite, Valérie Boyer, dans les quartiers Est peste contre le partage en deux unités de la 8ème circonscription dont elle fut difficilement élus, ravivant à la gauche un siège qu’elle détenait depuis sa création en 1981.
Examinons d’abord les situations dans les quartiers Sud (2ème et 6ème circonscriptions) et du Centre (4ème, et 5ème circonscriptions) relativement peu épargnés par le redécoupage avant de dresser un aperçu des forces en présence dans les quartiers Est et Nord (1ère, 3ème et 7ème)
La 2ème circonscription : Tian dans un fauteuil et banc d’essai pour parachute
Emblématique des quartiers résidentiels et aisés de la ville, la 2ème circonscription regroupe les cantons de La Pointe Rouge, de Saint-Giniez et de Vauban dans les riches VII et VIIIe arrondissements de Marseille. Elle fut le fief de Charles-Emile Loo (SFIO) durant la période Defferiste, puis de Jean-Claude Gaudin entre 1978 et 1989, date à laquelle il devient sénateur et laisse le siège à Jean-François Mattéi. Enfin, Dominique Tian (UMP) lui succède lorsque Mattéi devient Ministre de la Santé en 2002. Il y est élu confortablement au premier tour avec 57% des voix. Sans surprise, l’UMP l’investit et Dominique Tian pourra continuer à nourrir ses ambitions dans le centre-ville. Si le résultat ne sera sans doute pas contesté par son challenger socialiste, les chiffres de l’avocat Jean-Pierre Mignard, candidat parachuté, seront particulièrement scrutés par la rue de Solférino dans une opération de reconquête de long terme.
La 6ème circonscription : Tessier face au test pré-2014
Le cas de figure de la 6ème circonscription est voisin. Des quartiers aisés, un député UMP, Guy Tessier, implanté depuis 1988 (dont le parcours a néanmoins subi une coupure avec l’élection en 1989 de Bernard Tapie), et les chances de voir son concurrent écologiste (le PS ne présentant pas de candidat en vertu de l’accord passé entre les deux formation) Pierre Sémériva, le battre sont quasi-nulles. Néanmoins, Guy Tessier subira un test dans le duel à distance qui l’oppose à son camarade Renaud Muselier en vue de la succession du maire. Elu en 2007 au premier tour avec 55%, tout résultat inférieur ne sera pas sans effet.
La 4ème circonscription : PS contre PS, épisode I
À l’issue du redécoupage, la nouvelle 4ème circonscription regroupe les Ier, IIe et IIIe arrondissements, ainsi que la partie Sud du XIVe arrondissement. De nombreuses incertidues pèsent sur le scrutin pour lequel, l’UMP présente Solange Biaggi, la conseillère générale du canton qui fait figure paradoxale de favori-surprise en raison de la division des socialistes. Si Patrick Mennucci, maire du Ier secteur (Ie et VIIe arrondissements) et qui voulait faire de cette campagne un test grandeur nature en prévision des élections municipales de 2014, est le candidat investi par le PS, Lisette Narducci, maire du IIe secteur (IIe et IIIe arrondissements) proche de Jean-Noël Guérini a annoncé sa candidature. Premier épisode de la lutte fratricide à gauche. Pour le Front de gauche, à noter la présence de l’ancien député et maire de secteur communiste dans les quartiers Nord, Frédéric Dutoit qui ne devrait cependant pas peser lourd dans ce combat à trois.
La 5ème circonscription : Muselier, l’ombre d’un doute
Député sortant, Renaud Muselier part le grand favori de la bataille de la 5ème circonscription (IVe, Ve et une partie du VIe arrondissement). Il aura néanmoins la partie moins facile que Guy Tessier puisqu’il devra affronter Marie-Arlette Carlotti, l’une des rares frondeuses dans l’opposition socialiste, timide, au Président du Conseil général– ce qui enlève une carte au chevalier blanc de la lutte contre le système Guérini.
La 1ère circonscription : le classico de l’Est marseillais
L’une des grandes inconnues du scrutin. Ce nouveau territoire politique est issu du fractionnement de la grande circonscription qui couvrait l’Est Marseillais (l’ancienne 8ème circonscription). En dépit de cette reconfiguration, l’affiche, qualifiée de poule de la mort par Marsactu, est un classique de la politique marseillaise, tant lors des élections législatives que municipales (XIe et XIIe arrondissements). À droite, Valérie Boyer, la député sortante, la défenseuse de la cause arménienne – rappelons que la communauté arménienne de Marseille forte de près de 100 000 membres à l’échelle de la ville est particulièrement présente dans ces quartiers de l’Est (particulièrement Beaumont et Saint-Jérôme) ; à gauche, Christophe Masse, l’héritier de la dynastie éponyme, qui voudra prendre sa revanche sur les élections de 2007 à l’issue desquelles il avait perdu le fauteuil de son père par moins de 200 voix. Valérie Boyer qui devait être la grande perdante du redécoupage profite du retrait de Roland Blum, député depuis plus de vingt-cinq ans de feu la 1ère circonscription, et de l’arbitrage élyséen qui a écarté le maire Nouveau centre du 6ème secteur et suppléant de Roland Blum, Robert Assante. Celui-ci appelé à « s’exiler » dans la 3e circonscription menace néanmoins de présenter une candidature dissidente.
La 3ème circonscription : un boulevard pour Andrieux
La 3ème circonscription est la fraction Nord de l’ancienne 8ème. Elle correspond peu ou prou aux limites des XIII et XIVème arrondissements (7ème secteur, le maire en est Garo Hovsépian, PS) et font l’objet d’une entreprise de restauration de l’image qui vise à les éloigner du stigmate des quartiers Nord. À gauche, Sylvie Andrieux, députée sortante, est investie par le PS en dépit des accusations de complicité de détournement de fonds publics qui pèsent sur elle et qui pourraient la conduire à comparaître devant un procès en correctionnelle suivant la demande du parquet. À droite, devant le refus de Robert Assante, puis d’Arlette Fructus (Parti radical valoisine) de s’y présenter, l’UMP a gelé le processus d’investiture. Nora Preziosi, adjointe de Gaudin à l’action familiale, est cependant en pôle position pour défendre les couleurs de la sarkozie et résoudre « l’inconnue de la 3ème circonscripton ». Des sondages réalisés par l’UMP indiquent néanmoins que l’élection ne devrait pas échapper à la gauche. Dans ces quartiers populaires en pleine mutation, on regardera avec intérêt les scores du Front de Gauche (Marie Batoux qui vient d’ouvrir un blog hébergé par Médiapart) qui pourrait profiter d’un effet Mélenchon.
La 7ème circonscription : la rose et les coups de poing
La 7ème circonscription nage en pleine confusion. Outre la présence d’un candidat socialiste PS (Rebia Benarioua) et en dépit de l’accord électoral PS/Vert, Henri Jibrayel, député sortant, investi par la rue de Solférino doit faire face à la candidature de l’élu communautaire Europe Écologie les Verts, par ailleurs Président de la RTM, Karim Zéribi. Protagoniste de divers conflits ouverts et musclés avec Samia Ghali (la maire socialiste du 8ème secteur, XVe et du XVIe arrondissements), et Jean-Noël Guérini. Henri Jibrayel s’oppose cette fois à son camarade écologiste avec une violence qui n’a plus rien de symbolique depuis l’altercation entre des colleurs d’affiche de chaque camp. Des plaintes ont été déposées par les militants qui se renvoient la responsabilité. Le communiste Jean-Marc Coppola peut espérer bénéficier de ce climat délétère à gauche, alors qu’à droite, la victoire y est tellement envisagée qu’aucun-e candidat-e n’est à ce jour investi-e. Certes, Maryse Rétali (membre d’une petite formation écologiste de droite, Le Trèfle) était pressentie, mais elle a été invitée à se retirer par Robert Assante, dont elle n’est autre que l’adjointe à la mairie du 6ème secteur (XIe et XIIe arrondissement) et qui voulait manifester son mécontentement de ne pas avoir obtenu le soutien du parti dans la 1ère circonscription.
Banc d’essai électoral avant les échéances de 2014 (Muselier, Tessier, Mennucci) ou volonté de consolider un fief contesté (Masse, Boyer, Jibrayel) ou assuré (Tian, Andrieux) sur fond d’affaire Guérini et de luttes de succession, les législatives de mai prochain constituent un moment charnière dans la recomposition du leadership au sein des formations politiques et pour l’exercice du pouvoir municipal. Cet aperçu incomplet le serait d’autant plus si nous ne mentionnons pas l’hypothèse d’un Front national capable, comme il l’a prouvé lors des élections cantonales de mars 2010, de se maintenir au second tour ici ou là (3ème, 4ème et 7ème, là où la gauche est divisée et la droite faible), et d’une abstention qui s’annonce une nouvelle fois massive, ajoutant, s’il le fallait de l’incertitude à la complexité.
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