LES MULTIPLES DÉGRADATIONS DE LA VILLE

Billet de blog
le 30 Août 2024
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Marseille est en crise. Les dégradations qui affectent la ville en menaçant son présent et même, peut-être, son avenir sont de multiples sortes. Il y a urgence à élaborer une véritable politique de la ville et à la mettre en œuvre.

Dégradations fonctionnelles

Les dégradations les plus évidentes sont celles qui concernent nos usages de la ville. Les transports, les services publics, même la santé, ne répondent plus à ce que l’on peut attendre des services publics d’une grande ville. Habiter une ville permet d’attendre, en principe, de la municipalité et des institutions qui la dirigent, des services publics qui font de cette ville un véritable espace urbain et métropolitain. Une grande ville et une métropole sont censées mettre les pouvoirs importants qui sont les leurs au service de la vie quotidienne de celles et ceux qui ont élus leurs dirigeants. Il s’agit d’instituer ce que l’on pourrait appeler une véritable « ville quotidienne ». Mais ce n’est pas le cas. Les services publics, comme, pour commencer, les transports publics et les services comme la distribution de l’eau, ne fonctionnent pas bien. Ils ont fonctionné, mais c’est peu à peu que les dégradations sont arrivées – dues à la fois à la privatisation de nombre des services publics et à l’absence d’engagement des municipalités, à commencer par celle de la droite. Mais, tout de même, il faut en finir avec ces règlements de comptes. Je ne suis pas sûr qu’après quatre ans de municipalité Payan les choses se soient véritablement transformées. La municipalité ne fonctionne pas comme l’ensemble des services publics qu’elle devrait être.

 

Dégradations sociales

Les multiples dégradations sociales de Marseille sont celles qui touchent aux inégalités dans le fait d’habiter Marseille. Il y a plusieurs Marseille et la crise tient au fait qu’elles ne se rencontrent pas. Les inégalités entre les quartiers portent à la fois sur l’habitat, sur les conditions de la vie quotidienne, sur les aménagements comme les commerces ou les écoles, et sans doute se sont-elles aggravées. Les dégradations sociales de la ville portent aussi sur les fragmentations sociales de l’espace urbain. Un véritable morcellement de la ville s’aggrave. Il est, d’abord, dû aux inégalités entre le Nord et le Sud, qui se perçoit depuis les années soixante et qui n’a connu que des aggravations alors que tous ceux qui réfléchissent un tant soit peu sur la ville les ont dénoncées depuis des années. Mais il s’agit aussi des dégradations des cités et des inégalités entre le centre et les périphéries – et même, pour poursuivre, entre les différents quartiers du centre.

 

Dégradations de l’urbanisme

Ce qui frappe, à Marseille, c’est que de grands projets d’urbanisme, notamment ceux qui ont fleuri dans les années cinquante et soixante, en particulier, les cités (comme celle du « Plan d’Aou » dont parle Marsactu, en ce moment, dans une de ses « séries ») se sont voulus des étoiles de la modernité, mais ont mal vieilli. Il s’agissait souvent de projets conçus pour une modernité qui n’a pas duré et qui se révèlent, au fil du temps, inadaptés aux exigences d’une habitation et de modes de vie qui ne sont plus les nôtres. Il ne reste de ces projets que des dégradations d’urbanisme dont plus personne ne veut, qui se font fuir par des habitants qui ne veulent pas d’y laisser enfermer. C’est aussi le cas d’opérations d’urbanisme élaborées pour la toute-puissance de l’automobile ou pour l’urgence d’un immobilier précaire et trop vite aménagé avec des moyens insuffisants et sans lendemain et qui sont inadaptées aux conceptions contemporaines de l’urbanisme et à leurs exigences écologiques. Sans doute est-ce par de telles dégradations qu’il faut expliquer le décalage entre les quartiers Nord et les autres espaces de la ville.

 

Dégradations esthétiques

Les aménagements de la ville ont conduit, peu à peu, à une véritable dégradation du paysage urbain. En laissant construire des immeubles n’importe comment, sans plan d’urbanisme et sans projet global d’aménagement, les pouvoirs municipaux et métropolitains ont laissé le paysage de la ville se dégrader au point qu’il n’y a plus, à présent, de véritable esthétique de la ville. Les tours se sont multipliées sans ordre, les parcs et les jardins publics ont été abandonnés par les pouvoirs de la ville et de la métropole, le patrimoine architectural n’est pas entretenu comme il devrait l’être. Les aménagements de la ville n’ont plus répondu qu’à des exigences économiques sans s’inscrire dans de véritables projets esthétiques.

 

Dégradations culturelles

Marseille fut une grande ville culturelle, mais que reste-t-il, de nos jours, de cette ambition culturelle qui fut la sienne ? Les cinémas ont quitté le centre pour aller s’installer dans les faux centres de la périphéries. Il est à peine deux ou trois cinémas dans les quartiers du centre. Les lieux de spectacle et les espaces musicaux se sont réduits. Il n’y a qu’une grande bibliothèque municipale et quelques rares bibliothèques de quartier. Il reste, heureusement, quelques librairies. Mais, en réalité, il n’y a pas de projet culturel pour la ville et la métropole, alors que l’urgence est là : dans la conception d’un projet culturel associant tous les acteurs de la vie culturelle et tous les décideurs de la ville et de la métropole dans une vaste concertation ouverte à tous.

 

Dégradations institutionnelles

Les conflits incessants entre la municipalité et la métropole, mais aussi entre la municipalité et les secteurs dirigés par des équipes municipales d’une autre orientation, ne sont pas importants en raison des petites chamailleries minables qui mettent en scène des élus qui jouent, ainsi, à faire de la politique, mais ils le sont en raison des dysfonctionnements institutionnels qu’ils manifestent. Nous sommes devant un échec de la politique marseillaise de la décentralisation, devant un échec de la division entre la ville et la métropole et devant un échec de l’aberration de la conception de mal métropole : pour être sûre de pouvoir garder le pouvoir sur elle, la droite a pratiquement confondu la métropole et le département, ce qui fait que des élus de villes parfois très éloignées de Marseille participant aux choix et aux décisions concernant la ville. Les dégradations institutionnelles concernent aussi les dysfonctionnements des processus de choix et de décision qui empêchent que le développement urbain soit assuré convenablement.

 

Marseille est-elle encore une ville ?

Finalement, c’est là la véritable question qui se pose : malgré ses 850 000 habitants et le fait qu’elle est la seconde ville de France, ces multiples errements nous obligent à nous poser la question. D’abord, Marseille est un conglomérat de plusieurs villes, de plusieurs espaces urbains sans logique commune et sans projets partagés. Ensuite, la dimension véritablement urbaine a disparu, car le développement illusoire des quartiers de la périphérie s’est souvent fait au détriment des quartiers du centre. Enfin, la faiblesse des engagements et des investissements dans le fait urbain, mais aussi l’absence de véritable vie institutionnelle associant les habitantes et les habitants aux choix et aux décisions qui les concernent manifeste l’urgence de rendre son urbanité à Marseille. La ville a connu sa croissance dans des époques où l’espace urbain était un urbanisme de l’espoir et d’une sorte de croyance dans l’avenir de la ville. Les trop nombreuses crises qu’a connues la ville ont fait devenir l’espace urbain celui d’une utopie. Il est temps de faire retrouver à Marseille le sens de la ville.

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