LES ENFANTS DE GAZA

Billet de blog
le 23 Mar 2025
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C’était samedi. Une manifestation contre le racisme et les discriminations et pour la paix réunissait, à Marseille comme dans d’autres villes de notre pays, des femmes, des hommes et des enfants de tous âges décidés à dire leur haine de la guerre et des ségrégations.

La guerre de Gaza, revêt, à Marseille, une dimension particulière. En effet, seule la Méditerranée nous sépare, à présent de Gaza comme, depuis toujours, de toute la Palestine et des guerres du Liban et de l’ensemble du Proche-Orient, et beaucoup d’habitantes et d’habitants de notre ville se sentent proches des événements du Proche-Orient, par leur culture, par leur langue, par leurs attaches familiales. C’est pourquoi à Marseille, la manifestation de samedi dernier avait une grande importance dans la vie politique de la ville, et c’est aussi pourquoi on y voyait une présence particulière des drapeaux palestiniens et des inscriptions relatives à la guerre de Gaza. Cela donne une importance particulière à la présence, dans la manifestation, de militants membres d’une association marseillaise juive de partisans d’un état palestinien et de lutte contre la guerre.

 

« Nous sommes tous des enfants de Gaza »

« Bous sommes tous des enfants de Gaza », chantaient et dansaient les manifestants de samedi. Cela signifiait la solidarité de notre ville avec les morts de gaza et avec leurs souffrances, mais, en même temps, cela rappelait que, pour bon nombre des jeunes de cette ville, c’est le conflit palestinien qui a formé leur conscience politique, que c’est avec les guerres du Proche-Orient qu’ils ont découvert la politique, avec ses violences, avec ses engagements, avec ses mots. La colonisation française, notamment en Algérie, puis la décolonisation, ont rythmé la population marseillaise, ont fondé sa composition, lui ont donné sa culture. Cela permet de mieux comprendre l’importance de la guerre de Gaza, aujourd’hui, comme, hier, les guerres du Liban, comme, depuis toujours, la violence de la Palestine et du Proche-Orient.

 

La guerre et les discriminations

En mettant en éveil la confrontation entre les identités et entre les peuples et sa manifestation dans les inégalités, la guerre donne presque une forme de légitimité aux discriminations. En décidant qu’un peuple sera souverain ou colonisateur et qu’un autre lui sera soumis, la guerre se fonde sur elles. C’est bien pourquoi, dans la situation dans laquelle nous sommes aujourd’hui, nous ne sommes pas seulement les témoins, souvent impuissants, du conflit entre Israël et les Palestiniens, et de l’autre, entre les Russes et les Ukrainiens – sans parles des autres conflits qui règnent dans le monde, mais nous sommes nous-mêmes des victimes de ces guerres qui empêchent leurs acteurs d’être de véritables humains. La guerre amène avec elles des violences et des morts, mais elle amène aussi des ségrégations et elle empêche les véritables liens universels entre des humains de tous les pays, de tous les les métiers, de toutes les religions ou sans religion. En décidant que tel homme sera de notre couleur et pas celui-là, let en nous sommant d’exercer des violences envers l’un et pas avec l’autre, la guerre ne fait que renforcer les discriminations.

 

La politique et l’égalité

La vie de la cité ne peut se fonder que sur une véritable égalité entre toutes celles et entre tous ceux qui y vivent. Il ne peut y avoir de vie civique, de vie de citoyens, dans un espace politique dans lequel toutes et tous ne se voient pas reconnaître les mêmes droits ni les mêmes devoirs. Ce n’est que s’ils sont pleinement égaux les uns aux autres et que l’égalité rend sûre la reconnaissance de cet impératif que la liberté et la solidarité sont possibles dans l’espace urbain.  C’est ce à quoi nous assistons à Marseille, entre les différents lieux de la ville, entre ses différents « pays ». L’impossibilité de la fraternité rend impossibles le partage de mots entre celles et de ceux qui ont le projet de vivre ensemble et de se parler. L’égalité qui est l’un des thèmes majeurs de la Révolution de 1789 et qui fut, à chaque époque, celui de notre vie sociale, comme aujourd’hui, n’est possible que si, par ce qui se nomme la fraternité, les femmes et les hommes de notre pays se reconnaissent les uns les autres comme semblables entre eux. Dans Marseille, l’égalité ne peut se fonder que sur une ville qui reconnaît la liberté de celles et eux qui y vivent, et l’égalité entre les modalités de l’habitation. Ce n’est pas pour rien qu’une nouvelle manifestation aura lieu la semaine prochaine, à Marseille, contre les réquisitions et pour le droit et l’égalité dans le logement.

 

Les guerres qui déchirent le monde

Dans le cortège, on apercevait toutes sortes de drapeaux, des drapeaux palestiniens, mais aussi des drapeaux français et, même, j’ai pu voir un drapeau irlandais. Ces drapeaux venaient dire le rejet des discriminations dont leur pays est le siège et le projet décidé de celles et ceux qui les portaient d’abolir les ségrégations dans leur pays. Il s’agissait de dire que nous rejetons les guerres car les guerres déchirent les pays du monde, ne font qu’entretenir un monde de violence, mais aussi, par ce fait même, un monde de pauvreté. Car, au-delà du racisme, ces guerres et ces conflits ne font qu’entretenir la ruine des pays dans lesquels ils sévissent et la précarité de ceux qui tentent d’y vivre car ces pays sont les leurs. Ce que nous disions, samedi, c’est que, par sa folie même, la guerre ne promet que le déclin du monde. Ce que nous disions, dans les rues de Marseille, c’est qu’il faut en finir avec ces guerres qui, en ensanglantant le monde, le privent de tout avenir, C’est qu’en tuant l’autre, nous nous tuons nous-mêmes en nous enfermant dans le silence de la violence et dans le fracas des armes que nous prenons pour de la parole.

 

La fraternité

J’ai mis longtemps à comprendre ce que signifie ce mot, fraternité, dans la devise de notre pays, au fronton de nos édifices publics, de nos mairies, de nos écoles. Ce qu’ont voulu dire les révolutionnaires de 1789 qui ont reconnu notre pays dans ces trois mots, liberté, égalité, fraternité, c’est qu’il n’y a pas de liberté sans égalité, et qu’il n’y a pas d’égalité si nous ne nous reconnaissons pas les mêmes droits et ne partageons pas la même identité d’êtres humains. La fraternité ne désigne rien d’autre que l’interdiction des discriminations et l’institution d’un espace dans lequel nous nous reconnaissons tous comme issus d’un même monde. En Palestine ou en Ukraine, l’idéal républicain de la fraternité ne désigne rien d’autre que l’arrêt des guerres et la recherche d’une paix qui rend possibles les échanges entre les femmes et les hommes de tous les pays en les fondant sur des dialogues tenus dans des mots de toutes les langues et sur une économie internationale pleinement partagée. À Marseille, l’urgence est de retrouver la Méditerranée de chacun : ce que l’on appelle la fraternité n’est rien d’autre que la possibilité pour chacun de se reconnaître en l’autre.

Samedi après-midi, dans les rues de Marseille, nous étions tous des enfants de Gaza.

Commentaires

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  1. julijo julijo

    idées partagées.
    article réconfortant et motivant.
    merci !

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    • Bernard LAMIZET Bernard LAMIZET

      Merci à vous (ou : à toi) pour ce mot. Cela sussi, c’est réconfortant et motivant.
      B. L.

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    • Richard Mouren Richard Mouren

      Un grand merci, Bernard Lamizet, pour ce beau message.

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