MARSEILLE : UN MARCHÉ MÉDITERRANÉEN (4)

LES CENTRES COMMERCIAUX : DE FAUX MARCHÉS

Billet de blog
le 14 Mar 2025
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La fermeture annoncée des Galeries Lafayette au Centre Bourse remet en question les centres commerciaux comme modèle de marché en voie de disparition dans l’espace urbain

Que signifie cette désignation : « centre commercial » ?

On parle de « centre commercial » parce que ces espaces de vente ont voulu prendre la place des marchés d’antan sans en avoir les caractéristiques. Cette dénomination, « centre commercial », exprime deux caractéristiques. D’abord, il s’agit de commerce. C’est bien pourquoi ces centres ont cru ou voulu prendre la place des marchés d’avant. Mais, entre l’époque des marchés et celle des centres commerciaux, il y eut, dans les villes, l’époque des « supermarchés ». Ils sont restés, d’ailleurs même si on les désigne, de nos jours, par le nom du distributeur qui les fait fonctionner. On ne dit pas « Je vais au supermarché », mais « Je vais chez X ou chez Y » (comme je ne veux pas que Marsactu se fasse taxer de publicité clandestine, je n’indique pas de nom). C’est bien pourquoi, bien qu’ils se parent du prestige du préfixe « super », les supermarchés ne sont pas des « marchés en mieux », mais ne sont pas du tout des marchés. Ce qui manifeste une rupture avec le marché classique est, évidemment, le libre-service et la disparition des vendeurs et des marchés. Le recours aux caisses automatiques achève la disparition des êtres humains et la réduction de l’usage du marché à une opération numérique comme les autres. À Marseille, comme dans toutes les villes, le passage du supermarché au centre commercial et le développement de ces centres sont le symptôme d’une mutation profonde de ce que l’on peut appeler la culture commerciale de la ville. Dans les centres commerciaux, on sort de la ville et de la déambulation dans les allées du marché et dans les abords du marché avec les cafés et les conversations, pour s’enfermer dans un centre qui, quoiqu’il soit installé dans un lieu de la ville, n’en est pas moins séparé d’elle car il est dans un lieu clos. C’est pourquoi, quand on entre dans un centre commercial, on sort de la ville puisqu’on s’enfermer dans cet espace fermée une sorte de cloître – la religion et le silence en moins. De plus, le centre commercial va réunir plusieurs semblants de boutiques marchandes de diverses sortes et proposant à la vente divers types de produits différents, d’ailleurs le plus souvent les mêmes d’un centre commercial à l’autre. Il y a une sorte d’homogénéisation des activités commerciales, elle-même liée à une uniformisation, une standardisation des pratiques de la vie quotidienne. 

 

Les centres commerciaux à Marseille

Les centres commerciaux, à Marseille, sont ceux du Centre Bourse, des Terrasses du Port, de la Valentine, du Prado et de Grand Littoral. Ils se situent dans différents lieux de la ville et correspondent à différentes formes d’habitation. Leur installation a accompagné les mutations de l’espace urbain. C’est ainsi que le Centre Bourse s’inscrit dans le cadre de la transformation progressive du centre de la ville, tout en se situant à un endroit où des fouilles archéologiques avaient permis de localiser un centre urbain antique, tandis que les Terrasses du Port prennent, en quelque sorte, acte de la disparition de l’ancien port de Marseille, le nouveau port se situant bien plus au Nord sur un espace beaucoup plus étendu. Le centre commercial de la Valentine et celui du Prado témoignent de l’installation de nombreux habitants dans des quartiers périphériques de la ville, et se caractérisent par l’installation d’une fausse urbanité : dans ces quartiers, il n’y a pas de véritable vie urbaine et les centres commerciaux représentent une sorte de parodie d’urbanité. Enfin, le centre appelé Grand Littoral, situé au Nord de la ville manifeste la volonté de donner aux  habitants des quartiers Nord un centre commercial qui leur permet de faire leurs achats sans se lancer dans de grands périples, mais qui, en même temps, contribue à les enfermer encore davantage dans leur zone séparée de la ville.

 

Pourquoi s’agit-il de faux marchés ?

C’est, d’abord, cela qui fait des centres commerciaux des faux marchés : ils empêchent que l’on ait de véritables relations avec l’espace de la ville. Les centres commerciaux, avant tout, ne sont pas de véritables centres. En effet, on ne s’y promène pas, on ne sort pas de leur enceinte, et on se donne l’illusion de circuler dans un marché, alors qu’il, ne s’agit, en réalité, que d’une accumulation de stands tenus par des marques. Il n’y a pas de hasard, dans les supermarchés, tout y est ordonné, prévu, voire imposé. La culture des centres commerciaux est celle d’une ville que l’on habite sans y vivre vraiment et sans avoir réellement de relation ni de communication avec les autres habitants de l’espace urbain. Dans les centres commerciaux, on ne peut pas voir la ville, puisqu’ils sont situés en-dehors d’elle. Pour reprendre un terme classique, dans les centres commerciaux, on est forclos, enfermé hors (fors signifie hors de) de la ville. Mais la forclusion n’est, comme on le sait bien, qu’une caractéristique de la folie de  celle ou de celui qui vit hors du monde, sans relation avec les autres. Et puis, dans un centre commercial, on est enfermé dans le centre en question, la circulation dans un centre commercial ne se fait pas dehors, mais dans des espaces et selon des parcours imposés par les concepteurs du centre. Enfin, les centres commerciaux sont de faux marchés, parce qu’il ne s’y passe rien. Dans les véritables marchés de la ville, comme celui de Noailles, celui de la Belle-de-Mai, on est dans la rue quand on est au marché, ce qui signifie que l’on vit pleinement la vie de la rue, y compris avec ses événements et même les spectacles qui peuvent se dérouler dans la rue. Il n’y a pas de spectacle de rue dans un centre commercial tout simplement parce que ces espaces sont en-dehors de la rue, qu’ils ignorent. Dans les centres commerciaux, il n’y a pas de rue pour se promener sans but, au hasard de ses pas : le marché y est réduit à de la fonctionnalité, le commerce et l’échange y sont réduits à des techniques. Et c’est bien parce qu’on n’y trouve pas de rues que les centres commerciaux sont étrangers à la ville.

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