Lundi 26 juillet 2021

L’éphémère gravé dans le marbre

Billet de blog
le 27 Juil 2021
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Les excuses avancées par les champions déçus par leur défaite ne sont pas nécessairement judicieuses. Mais leur déception à chaud est immédiatement répercutée par les médias dans le monde entier. Quand quelques heures de réflexion leur donnent des idées plus claires, plus personne ne leur tend le micro...  

Les sportifs olympiques sont au pic de la préparation, de la motivation, de la concentration pour affronter un événement obsédant depuis des années. Il est d’une grande cruauté de leur demander d’expliquer leur échec, dès que l’épreuve est finie, quand ils sont encore agités par une foule de sensations amères.

Sarah-Léonie Cysique a été disqualifiée en finale de l’épreuve des moins de 57 kg, pour s’être retrouvée un instant dans une situation interdite pendant le combat. Les instances du judo considèrent qu’il faut dissuader les judokas d’adopter des postures dangereuses pour leurs adversaires et pour eux-mêmes. Qui peut remettre cette politique en question ?

Cette situation périlleuse était-elle de la responsabilité de la Française sanctionnée ? L’arbitre a jugé que oui, après avoir visionné le ralenti TV de l’action. Il peut s’être trompé, mais avait pris la peine d’éviter une décision trop hâtive. Les anciens se souviennent des tournois où trois arbitres plus ou moins bien placés, et plus ou moins influençables, levaient un drapeau pour donner leur sentiment. Il n’y avait pas moins d’injustices à cette époque.

Lors des demi-finales, la favorite japonaise, Tsukada Yoshida, avait été battue par la redoutable combattante kosovare Nora Gjakova. La Française a dû penser alors que ses chances de titre augmentaient, sans complaindre le désarroi de la victime humiliée devant son public.

Mais Cysique elle-même est parvenue en finale sur une décision arbitrale, un troisième avertissement infligé pendant la prolongation à son adversaire canadienne, Jessica Klimkait, championne du monde en titre.

Ces polémiques sont vieilles comme le sport. Peu de combattants acceptent sans rechigner la supériorité de leur adversaire du jour. Dans ce milieu étroit où les champions s’affrontent régulièrement, on se souvient de ses victoires et on oublie ses défaites. Il faudrait admettre que le succès a des raisons bien à lui de s’offrir à l’un ou à l’autre.

Le problème ne serait pas si grave, mais la médiatisation des Jeux olympiques vient lui donner une ampleur considérable. Les quelques phrases prononcées en quittant le tatami ne peuvent être le résultat d’une réflexion sensée et objective. Pourtant, ce sont celles qui vont être diffusées dans l’instant devant le monde entier, et qui resteront gravées dans le souvenir des journalistes et du public.

Cysique s’est plainte de la décision qui l’avait disqualifiée, et qui n’a rien de scandaleux. Elle ne pouvait réaliser sur l’instant qu’elle avait accédé au tout petit groupe de finalistes olympiques du judo français (elle est la 9e en date, sauf erreur). Certes, elle espérait rejoindre sur les posters les six précédentes championnes olympiques. Mais son parcours reste enviable, et elle garde une chance de parvenir au sommet dans trois ans à Paris. Dans cet objectif, il est inutile de se mettre à dos le corps arbitral, comme les Français en ont pris la détestable habitude.

Chaque combattant olympique sait dans toutes ses fibres que la réussite doit être saisie quand elle se présente, et qu’elle ne repassera peut-être jamais.

C’est la raison pour laquelle il faut ressentir un profond respect pour celles et ceux qui ont pu la séduire à deux reprises ou plus, surtout au judo. C’était le cas lundi de Sohei Ono, qui a confirmé son titre obtenu à Rio dans la catégorie des moins de 73 kg, au bout d’un parcours débuté en douceur par trois ippons, puis poursuivi à l’arraché au terme de trois prolongations. A chaque fois, il a marqué le premier, ce qui reste le meilleur moyen de gagner sans s’occuper des arbitres.

Si on en croit les commentateurs, à Tokyo, le judo se partage pour l’instant entre les deux nations les plus titrées de la discipline : le Japon (quatre titres et deux finales) et la France (deux finales, et un bronze). On finira bien par remarquer que s’est immiscé entre les deux le Kosovo (deux titres chez les femmes), ce qui valorise une formation particulièrement efficace dans ce pays tout neuf.

Ailleurs, les Français, sans démériter, n’ont pas obtenu les résultats espérés ce lundi. Au triathlon masculin, dans l’épreuve masculine de slalom en canoë, au fleuret masculin, au 100 m papillon féminin de natation. Ils étaient jusqu’au bout dans le coup, et c’est bien tout ce que l’on attend d’eux.

Plus ennuyeux, le relais 4 X 100 m nage libre s’éloigne des sommets, après son titre à Londres, et l’argent obtenu à Pékin et à Rio. Le renouvellement des talents ne coule pas de source dans les piscines, mais on aurait pu penser que la préparation des JO de Paris allait commencer de produire ses fruits. Plutôt que d’encourager des rivalités entre clubs, sur la certitude fanée des bienfaits de la concurrence, il faudrait maintenant, si ce n’est pas trop tard, accepter de renoncer à des succès individuels chimériques pour susciter une volonté collective d’aller chercher les médailles dans les relais.

VIGNETTES

¤ Le titre masculin de l’épreuve de cross en VTT est revenu au prodige britannique Thomas Pidcock (22 ans). Déjà champion du monde de la discipline, il a donné un coup de vieux à un autre favori, le Néerlandais Matthieu Van der Poel (26 ans), qui avait abandonné le récent Tour de France pour mieux réussir à Tokyo. Le petit-fils de Raymond Poulidor a entretenu les traditions familiales par une spectaculaire gamelle, qui l’a contraint à l’abandon. Il n’était pas informé de la disparition d’une planche au-dessus d’un obstacle entre la reconnaissance et la course. L’encadrement des cyclistes néerlandais aux JO, qui avait déjà laissé croire à l’une des siennes qu’elle avait gagné quand elle n’était que deuxième, va servir de repoussoir dans les écoles de gestion…

¤ La Chine a laissé s’échapper un titre en plongeon ! Le duo britannique a réussi son hold-up sur l’épreuve de « haut vol synchronisé ». Autre surprise : la Russie a battu d’un souffle le Japon dans l’épreuve masculine par équipes. Plus surprenant encore : les volleyeurs français du Team Yavbou ont gagné un match.

¤ Manon Brunet a arraché le bronze au sabre, première médaille individuelle pour les Françaises dans cette arme. Cela atténue les regrets exprimés dans ce blog sur la mauvaise mine de cette discipline en France. Mais il faut aussi constater que la Russie a monopolisé la finale, remportée par Sofia Pozdniakova, et que la troisième Russe était en quart de finale. C’est précisément le genre de résultats que la France devrait pouvoir espérer dans trois ans. Le titre au fleuret est revenu à Ka Long Cheung, porte-drapeau de la délégation de Hong-Kong, et second champion olympique de l’histoire de son pays.

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