L’alliance Vassal-RN devient une réalité : ce que ça change (ou pas) pour la gauche

Billet de blog
le 1 Déc 2025
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Ça n’est pas nouveau, Martine Vassal, candidate marseillaise d’Emmanuel Macron et de Bruno Rétailleau, penche très à (l’extrême) droite. Ce matin sur SUD radio, son message était clair : face à “l’extrême-gauche”, elle “verra” ce qu’elle fera au second tour avec Allisio. Qu’est-ce que cet aveu change désormais (ou pas) à quatre mois des élections municipales ?

Montage photo : KV

En février dernier, elle déclarait même qu’elle était d’accord avec le RN sur les “valeurs”. Ça lui avait coûté le départ de quelques élu·es moins à droite qu’elle. Mais au fond, ce qui l’a fait paniquer, c’est d’avoir perdu déjà 5 élu·es et un vice-président à la métropole, recruté·es par le RN.

Au fond, rien de nouveau sous le soleil pour la droite marseillaise. Une telle alliance serait un basculement national, dans la continuité de ce que l’on vit depuis plus d’un an, mais aussi une répétition des années 80, quand Gaudin avait déjà fait alliance avec le FN pour être élu (puis réélu) à la tête la région PACA.

Alors, ça change quoi pour la gauche ?

Évidemment, le printemps marseillais va continuer à vouloir forcer les insoumis·es à une alliance au premier tour. Disons-le tout de suite : l’argument est porté par beaucoup de façon sincère. Mais l’union n’a de sens que s’il est porteur d’une dynamique de long terme, visible, qui fasse sens pour des larges et diverses parties de l’électorat de gauche. Malgré ses nombreux défauts, c’est ce que le Printemps Marseillais avait réussi dans des conditions très particulières en 2020 (j’y reviens). Nous sommes en décembre et clairement : personne (parmi les principaux partis) n’a tenté de créer sincèrement une telle dynamique.

Désormais, il faut aussi admettre que l’arithmétique électorale ne penche pas trop en ce sens. En 2020, trois listes de gauche étaient présentes au second tour. Tant qu’une liste passe au second tour (ce qui est absolument certain), il y aura fusion (Sébastien Delogu, après certaines déclarations un peu cinglantes, a clairement dit qu’il y aura alliance au 2nd tour) et tant mieux ! On peut même argumenter que deux listes différentes au premier tour pourraient créer des dynamiques complémentaires : beaucoup d’électeur·ices de la gauche radicale ou des quartiers refuseront de voter pour le PS au premier tour (avec notamment des figures historiques socialistes dans les quartiers nord qui font figures de repoussoir), tandis que le Printemps Marseillais pourrait attirer quelques macronistes déçu·es du virage à l’extrême-droite de Vassal.

Bref, l’union n’est pas un principe absolu. Elle est très importante dans certains cas, dans d’autres moins. En l’occurrence elle n’est désormais plus qu’un argument de concurrence interne à la gauche, sans véritables effets (et tout le monde le sait : donc continuer en ce sens n’est plus qu’une façon pour une liste de tacler l’autre), et peu importe ce qu’on en pense, il serait temps de passer à autre chose.

Jusque là, rien de neuf sous le soleil. Par contre…

La radicalisation de Vassal confirme une hypothèse : l’alliance d’un méga bloc facho-bourgeois et là, il faut simplement savoir compter : selon le récent sondage de Cluster 17, le cumul des deux listes testées séparément dépasse facilement les 50% au second tour (et ne parlons même pas de la métropole…).

Certes, il faut savoir prendre de la distance avec les sondages, mais ne pas non plus nier les faits : 3 député·es marseillais·es sur 7 sont d’extrême-droite et oui, la gauche est minoritaire en voix à Marseille, et ce n’est pas nouveau. En 2020, on avait gagné par un mix de triangulaires et de quadrangulaires dans les secteurs (Yvon Berland – LREM – qui se maintenait dans le 6-8 par exemple, permettant l’élection peu attendue initialement du Printemps Marseillais), de ralliements au 3eme tour (Ghali – DVG, Narducci – DVD...) et sur fond d’un regain d’espoir de gauche impulsé par des mouvements sociaux inédits, populaires et massifs (écoles, logement, la lutte des McDo…).

Face à cela, il n’y a que deux choses à faire, qui deviennent vraiment urgentes.

La première est de redonner de l’envie d’être de gauche. Depuis des mois, j’entends des ami·es membres ou proches du Printemps marseillais désespérer de l’absence de campagne. Il faut s’activer et jouer la gagne, pas seulement espérer d’une triangulaire qui s’éloigne, mais espérer devenir majoritaires. Certain·es des dirigeant·es du Printemps Marseillais le confient en off : le bilan est faible, le soutien citoyen n’est plus là, ou restreint à la petite bourgeoisie culturelle du centre-ville. Rien que sur le front du logement : alors que tout était mis en place avant 2020 grâce aux victoires sociales, la mairie en place n’a pas su aller plus loin que quelques travaux (une trentaine d’immeubles – alors que les prévisions parlaient de 2500 logements d’ici à 2029) qui démarrent à peine (dans le cadre d’un plan prévu pourtant depuis 2019), la construction d’un service technique dédié (enfin, mais la tendance aux recrutements avaient également démarré en 2019, sous pression des mouvements sociaux) et 4 propriétaires de Airbnb mis en procès (après avoir minimisé la gentrification pendant trop longtemps).

Au vu du bilan très mitigé que tout le monde admet loin des micros, il y a (comme souvent) beaucoup de bonnes raisons de désespérer et s’abstenir. A moins d’être déjà très convaincu·e de voter à gauche, il n’y a pas beaucoup de raisons de s’y rallier. A Marseille, l’équation et le défi sont sont connus : la ville est sociologiquement à gauche mais électoralement à droite. C’est à cela que sert une campagne sincère : faire bloc au-delà de ses propres rangs, créer une relation franche et honnête avec les gens, convaincre l’électorat qui manque cruellement pour battre le bloc bourgeois-fasciste au 2nd tour.

Certain·es peuvent continuer à le nier, mais une autre option existe pourtant : jouer franc-jeu. Car c’est bien ce que cela que les gens reprochent à la gauche : être trop fière d’elle-même et ne pas savoir faire avec les gens, en transparence, en écoutant, en étant honnête. Si l’on veut vivre mieux (et c’est la seule chose qui compte), il vaudrait mieux que l’on se mette d’accord sur un bilan critique, sincère, duquel nous pourrons repartir et faire travailler tout le monde : la trajectoire était (souvent, pas toujours) la bonne, les obstacles étaient là, l’ambition et les résultats inégaux (avec quelques réussites comme sur les écoles ou les hommages, mais globalement une ville qui ne vit pas mieux et ne résiste pas aux offensives libérales et racistes) mais on peut faire mieux. Nous sommes en décembre, le bilan n’est pas fait collectivement, aucune grande campagne d’écoute des retours et besoins des gens n’a été faite, la campagne électorale n’a toujours pas démarré : comment créer un quelconque espoir, qui mobiliserait les abstentionnistes dans ces conditions ?

La seconde nécessite la mobilisation de toutes et tous. Il faut recréer un cordon sanitaire face à l’extrême-droite, plutôt que de lui faire les yeux doux sur les thématiques sécuritaires. Ce cordon ne viendra plus des partis de droite, c’est clair et net. Dès lors, il faut rendre coûteuse une alliance avec le RN, pour empêcher le cumul de leurs voix. En clair, faire campagne sur le terrain pour démontrer l’arnaque que l’extrême-droite représente, afin qu’au second tour, les électeur·ices de droite et du centre se détachent de toute alliance. Nous gagnerons ainsi du temps. Des groupes militants se préparent déjà à mener campagne en ce sens. Les politiques ont aussi leurs responsabilités : le danger est là et plutôt que de se parler à nous-mêmes, il va falloir attaquer le péril fasciste programme contre programme, en incarnant la sincérité, l’éthique et une représentation populaire qui manquent cruellement à la vie politique, à Marseille ou ailleurs.

 

Commentaires

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  1. Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

    Ce commentaire juste pour donner de la visibilité à ce texte tout à fait pertinent : il faut le lire.

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  2. Félix WEYGAND Félix WEYGAND

    Même commentaire qu’Electeur du 8e : je suis aussi largement d’accord avec l’analyse de Kevin Vacher et il faut la lire.
    Il est inévitable qu’il y ait 2 listes de gauche au 1er tour et ce n’est pas malsain. Ce qui serait malsain c’est qu’elles se tirent dans les pattes rendant “grognon” une ambiance de second tour qui devra réussir une fusion enthousiaste de listes (et des gauches).
    Pour reprendre un vieux slogan “L’union est un combat” (les jeunes générations peuvent voir ici la référence : https://www.eyrolles.com/Litterature/Livre/l-union-est-un-combat-9782307477532/)

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    • Assedix Assedix

      Je comprends l’idée : mener une campagne responsable et pas trop sale à gauche pour que la liste arrivée tête puisse faire le plein de voix au deuxième tour. Et j’y souscris pleinement!

      Mais factuellement sur le positionnement de Martine Vassal et de son groupe vis-à-vis du RN, il faut se souvenir qu’après avoir mené la campagne au niveau de la ville, Martine Vassal a donné son accord pour que Guy Teissier tente de rafler in extremis le fauteuil de maire au bénéfice de l’âge en essayant de récupérer les 9 élus RN. L. Royer-Perraut s’y était opposé, mais le stratègeme n’a pas beaucoup ému à l’époque. Si Martine Vassal est en position de l’emporter, elle contactera les alliances qu’il faut pour le faire. Cela ne fait aucun doute.

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    • Richard Mouren Richard Mouren

      Comme son “parrain” n’a pas hésité une seconde à s’allier avec l’extrême droite pour conquérir la présidence de la région (plus quelques menus accords de désistement ultérieurement).

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  3. julijo julijo

    J’ai fait la connaissance de Kevin Vacher dans le journal “les jours”.
    Ces articles sont toujours très bien documentés et ses analyses sont très très fines, tout à fait dans le réel.
    Cet article mérite d’être lu et diffusé.

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  4. Gentiane Gentiane

    Je suis un peu sidérée de voir que même un militant de la 1er heure, se limite à des commentaires d’analyse politique, de critiques d’appareil !
    S’il vous plait parlez nous de vos envies, vos projets pour faire de Marseille une ville où plus personne ne dort dehors, où les enfants les ados sont vraiment accompagnés dans leur santé physique et mentale, où les rues et notre mer ne ressemblent plus à une immense poubelle, etc…
    Et du coup, la municipalité doit avoir la capacité de discuter avec les autres collectivités, de faire pression. Pour cela, il faudrait être soudés et forts politiquement.
    Vous parlez de « bilan mitigé » mais regardez un peu en arrière : j’ai 70 ans je suis née dans cette ville, c’est la 1er fois que je vois un espoir que cette ville soit gouvernée autrement!!
    Bien sûr, tout le monde voudrait que ça aille plus vite et plus loin, mais c’est tellement facile de dire ça.

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  5. Assedix Assedix

    “la trajectoire était (souvent, pas toujours) la bonne, les obstacles étaient là, l’ambition et les résultats inégaux”

    Je partage complètement cette formule. Après avoir voté pour le PM sans vraiment les connaître, surtout par rejet des autres, j’ai pu constater que leur “boussole morale” était la bonne, notamment sur quelques interventions qui me sont chères : ouverture raisonnable de la plage des Catalans (elle n’est désormais fermée que la nuit en semaine, les mois d’été), intervention auprès des délégataires à la Villa Valmer, au château de la Buzine ou auprès du promoteur du Sea One sur la plage des Catalans, préemption du cinéma le César et des Galeries Lafayette.
    Mais une fois ces interventions de sauvetage effectuées, il faut reconnaître la municipalité n’est pas vraiment parvenue à porter un projet fédérateur à son terme: le projet de piscine d’eau de mer au pied du MUCEM, soufflé par l’association des libres nageurs, n’a pas pu voir le jour, la Buzine projette aujourd’hui des films de propagande catholique, la villa Valmer a été rendue au même entrepreneur, l’anse des Catalans (oui, j’habite dans le coin :-D) reste une sorte de terrain vague au pied du Pharo et le conflit avec le SeaOne ne semble pas réglé.

    Au-delà de la boussole morale qu’il fallait absolument réparer, il serait bon que deuxième mandat soit tourné vers des projets positifs plutôt que des opérations de sauvetage. Inventer quelque chose de beau pour les Galeries Lafayettes ou que sais-je, après avoir joué les pompiers il s’agit désormais de reconstruire!

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