La marseillisation de Madrid
Retour d’une activité très “marseillologique” sur ce blog, avec cette affirmation : oui, Madrid se mareillise. Comment ça ? Parce qu’il y a une grève des poubelles ? Ça fait un peu cliché facile, de quoi faire un édito sur I-télé ou BFM, non ? Mais non, ce n’est pas que pour ça. La marseillisation de Madrid est un sujet capital de la marseillologie en cette fin d’année, et pour plusieurs raisons.
D’abord parce qu’elle oblige à définir ce nouveau concept de “marseillisation”. Le fait pour une ville de devenir comme Marseille, c’est à dire, de voir apparaître petit à petit les stigmates qui pèguent à Marseille et que les “observateurs” aiment à circonscrire à notre ville en toute mauvaise foi : saleté, insécurité, désorganisation, corruption… Le tout corroboré d’un sentiment de fatalité.
Que pasa ? Madrid se marseillise ? Et bien oui, dans une certaine mesure, alors il y a cette grève des poubelles (dont je m’étonne qu’aucun média n’ait rapproché à Marseille…) mais elle serait insignifiante si elle n’était pas le premier symptôme visible d’une marseillisation entamée bien plus tôt.
Il y a d’abord la crise économique, sans laquelle une marseillisation reste peu probable, l’Espagne a particulièrement excellé dans ce domaine avec un chômage des jeunes qui dépasse les 50%. La crise impose des coupes budgétaires sévères pouvant éventuellement déboucher sur des conflits sociaux (comme celui des poubelles), et qui entraînent assurément une baisse de la qualité des services publics et parapublics (sans laquelle une marseillisation n’est pas complète) : annulations d’évènements culturels due à des retrait de subventions par exemple, moins d’entretien de la voirie, transports publics moins fréquents…
Mais il y a aussi l’absence de gestion publique, une déconnexion des politiques et des citoyens. Une crise politique, quand la maire de la ville n’a jamais été tête de liste d’aucune élection (Ana Botella, par ailleurs mariée à M.Aznar – ex-président du gouvernement espagnol). Une gestion à la petite semaine quand tous les efforts sont dirigés vers un ou deux énormes projets (EuroVegas et les J.O.) sans qu’ils soient intégrés dans une vision à long terme de la ville. Et le recours aux firmes privées pour “se charger” du patrimoine (tiens, ça aussi, ça nous dit quelque chose)…
Tous ces exemples (et bien d’autres) peuvent être retrouvés avec plus de détails dans un article d’El Pais intitulé “La decadencia de Madrid” (la décadence de Madrid) paru le 5 octobre 2013.
Mais lister tous les problèmes graves auxquels fait face Madrid n’a pas uniquement pour objectif de montrer au lecteur marseillais que la capitale espagnole partage de plus en plus de stigmates bien connus autour de la Canebière. Cet exercice est également hautement marseillologique car il tend à montrer que le cas marseillais n’a rien de la fatalité.
L’observateur de la vie marseillaise saisit rapidement l’expression d’une certaine fatalité dans les discours sur la ville, et encore plus s’il s’agit de problèmes : “ah, c’est Marseille !”, “c’est comme ça !” etc, etc… comme si Marseille était intrinsèquement attachée à ses stigmates. Marseille serait ses stigmates plus qu’elle les vivrait.
L’exemple de Madrid nous invite à nuancer ce sentiment de fatalité : si une ville peut devenir Marseille, alors Marseille n’a sûrement pas toujours été comme ça, et même, en analysant les circonstances qui ont conduit Madrid à se rapprocher de Marseille, on peut sûrement en déduire les raisons qui maintiennent Marseille dans ces stigmates. Et même, allons plus loin : décider de travailler pour s’en détacher.
La mauvaise nouvelle, sous forme d’avertissement, c’est qu’aucune situation n’est éternelle. Madrid avait réussi à se détacher de certains stigmates avec la fin de la dictature, la movida et la fabuleuse croissance économique des années 1990/2000, mais sa nouvelle position n’est pas une garantie contre tout. Ne sous-estimons jamais le pouvoir de nuisance de la mauvaise gestion !
Bref, s’il était besoin de le rappeler, la situation de Marseille aujourd’hui ne tient pas de la fatalité, elle est principalement due à une longue crise économique (elle-même largement causée par la fragilité du modèle industrialo-portuaire) doublée d’une absence de gestion à long-terme. La preuve : d’autres villes obtiennent des résultats comparables en appliquant la même recette !
Commentaires
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Comparer Marseille et Madrid est m’a surpris. Il me semble qu’il y a une différence principale entre les deux villes: Madrid après la purge a re-créer les conditions économiques de la création de richesse…je ne suis pas certain que nous l’ayons complètement achevé dans notre ville.
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Il y en a plein de différences à commencer par le fait que Marseille n’est pas la capitale d’un pays, et à ce titre, n’accueille pas toutes les administrations ainsi que les fonctions centrales. Mais ce n’est pas une comparaison que je tentais, j’ai dû mal m’exprimer…
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