La forêt méditerranéenne: ligne de front face au changement climatique
Quand on parle des conséquences du changement climatique en Région Sud, on ne pense pas en premier à la forêt. Elle couvre pourtant la moitié du territoire et aide à lutter contre le changement climatique.
La région méditerranéenne se réchauffe 20% plus rapidement que le reste du monde. Le MedECC ( Mediterranean Experts on Climate and Environmental Change) e stime que d’ici 2040, les températures de la région auront augmenté de 2,2°C par rapport à l’époque pré-industrielle. A ce réchauffement, s’ajoute la diminution de la pluviométrie. Deux éléments qui impactent la forêt méditerranéenne. Celle-ci couvre la moitié du territoire de la région Sud, avançant tous les ans de 9 500 hectares. Quand on parle de forêt et de changement climatique, on pense d’abord aux incendies, mais les conséquences sont aussi moins visibles.
Stress hydrique et incendies: la forêt méditerranéenne en danger
Avec un climat méditerranéen caractérisé par des étés secs et peu de pluviométrie, la forêt méditerranéenne peut sembler apte à faire face au changement climatique. “A l’avenir, la principale menace pour les forêts c’est l’allongement de la période sèche estivale: il y a moins d’eau dans les sols. Même si les espèces végétales sont adaptées aux sécheresses, c’est leur répétition qui les menacent.”, avertit Thierry Gauquelin, professeur à l’IMBE (Institut Méditerranéen de Biodiversité et d’Ecologie Marine et Continentale). En Région Sud, les conséquences du stress hydrique sur la forêt sont déjà observables. Dans la population de pins d’Alep, arbres très résistants à la chaleur, des embolies sont observées. Par manque d’eau, des bulles se forment dans les vaisseaux de l’arbre, empêchant la sève de monter, ce qui dessèche les têtes des arbres. De plus, le stress hydrique fragilise les arbres, qui sont plus sensibles aux attaques d’insectes parasites, comme les xylophages, ou des champignons. La forêt méditerranéenne est également menacée par les incendies , favorisés par la sécheresse. “Pour le moment il y a moins d’incendie qu’il y a 15 ans, grâce à la prévention et aux moyens mis en place, précise Thierry Gauquelin. Le risque pour la forêt c’est la répétition de ces incendies, facilités par le réchauffement.” Dans les zones d’incendies ou de déprise rurale, le pin d’Alep est le premier arbre à s’implanter. Le problème est que ses aiguilles sont très inflammables, une inflammabilité naturelle amplifiée par la sécheresse.
“Une nouvelle source de particules en suspension qu’il va falloir prendre en compte”
Au delà de la destruction de la faune, de la flore et d’habitations, ces incendies participent à la pollution de l’air en Région Sud, par l’émission de microparticules. “Les prévisions climatiques nous annoncent un risque amplifié d’incendies: on va avoir une nouvelle source de particules en suspension qu’il va falloir prendre en compte.”, annonçait Yann Channac, présentant les chiffres de l’INSEE lors d’une conférence à l’EJCAM (Ecole de Journalisme et de Communication d’Aix-Marseille), le 1er octobre dernier. Dans notre région, la moitié de la population respire un air contenant des taux de pollution aux microparticules supérieurs aux recommandations de l’OMS. La pollution chronique cause 2300 morts anticipées dans la région , selon les chiffres de l’ARS (Agence régionale de la santé). Si l’industrie et le transport sont les premières sources de cette pollution, les années d’incendies l’émission de PM2.5 (particules inférieures à 2.5 microns) est amplifiée.
La forêt, un puit de carbone à valoriser
La préservation des forêts est un enjeu pour limiter les incendies et donc la pollution. La préserver c’est aussi faciliter son rôle d’absorbeur de pollution existante. Les gaz à effet de serre (CO2,méthane, protoxyde d’azote) sont absorbés en partie par les océans, mais aussi par les sols et les forêts. Un mécanisme mis à mal par le changement climatique. En février 2020, a été lancé le plan “Un million d’arbres en Provence-Alpes-Côte d’Azur” , financé à hauteur de 6 millions d’euro, dont la moitié par la Région. La forêt poumon de la planète est une image d’Epinal, mais au-delà de planter des arbres, il faut avoir une forêt en bonne santé. Pour observer les conséquences concrètes du changement climatique sur la forêt méditerranéenne, il existe le site expérimental , dans les Alpes de Haute Provence: l’O3HP. Un volet de 300 m2 se déploie au-dessus de la canopée pour exclure les précipitations. L’objectif: réduire de 30% les pluies, pour se rapprocher des scénarios sur l’augmentation des périodes sèches estivales, calculés par le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat)
“Une forêt en croissance capte du CO2”
Mathieu Santonja responsable scientifique de l’observatoire, présente les conclusions du laboratoire. Avec 30% de précipitation en moins, les micro-organismes décomposent moins la litière (feuilles mortes et débris de végétaux). Ce qui entraîne des effets en cascade du sol à la cime des arbres: “Si la matière organique est transformée plus lentement en azote, magnésium, phosphore, qui nourrissent les végétaux, la croissance des arbres est ralentie.” Un ralentissement, qui empêche la forêt de jouer son rôle de puits de carbone: “Une forêt en croissance capte du CO2 et va assurer un stockage pérenne dans le bois et dans le sol, explique le scientifique. Le développement des forêts a un rôle à jouer sur le
changement climatique en séquestrent une quantité importante de CO2. L’activité humaine peut jouer, pour assurer son bon fonctionnement et sa bonne santé.”
“Une table en bois, c’est du carbone stocké dans mon salon de façon pérenne.”
Pour le laboratoire, une piste est de favoriser le mélange d’essence et non pas la monoculture: “On s’est rendu compte que le chêne, s’il est accompagné de ses deux espèces compagnes: l’érable et un sumac, voit les effets négatifs atténués. Une forêt diversifiée exploite les ressources de façon plus efficace. Favoriser un fonctionnement optimal de la forêt, fait qu’elle absorbe mieux le carbone.”. Pour favoriser l’entretien de ces forêts, une piste est avancée: “Si on a l’idée derrière de développer la filière bois de construction, on va permettre de séquestrer du CO2. Une table en bois, c’est du carbone stocké dans mon salon de façon pérenne. Mais il faut une gestion de cette forêt qui aide à son bon développement. ”, annonce Mathieu Santonja. L’enjeu est de construire un cercle vertueux en Région Sud: aider une forêt affaiblie par le changement climatique, elle-même allié de la lutte contre ce changement, en tant que puit de carbone.
Emilie Méchenin
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