LA DROITE, LE MÉPRIS ET LA HAINE
La chronique qu’on va lire a été suggérée par des propos de la présidente du département et de la métropole de Marseille, Martine Vassal, cités dans le compte rendu par C. Bonnefoy d’une conférence de presse organisée le 5 septembre dernier.
Il y avait longtemps que j’ n’avais pas éprouvé du mépris en politique. Mes propos dans Marsactu sont ce qu’ils sont, ils ont la valeur que mes lectrices et mes lecteurs veulent bien leur donner, mais ils expriment une opinion, ils tentent d’apporter une contribution au débat, l’expression d’un engagement dans l’espace public, grâce à l’hospitalité de Marsactu. Aujourd’hui, pour la première fois, je ne serai pas dans le débat, car tout ce que j’ai à dire, après les propos de Madame Vassal, c’est d’exprimer le mépris qu’ils suscitent en moi. Mais j’ai eu envie – j’allais presque dire : besoin – d’écrire cette chronique, car je devais exprimer ce que j’éprouve, je ne pouvais pas le garder pour moi, car il s’agit de réagir à une véritable violence. En effet, les propos de Madame Vassal ne sont pas des mots, il ne s’agit pas de parole, mais de violence. Une double violence, celle de l’hostilité et celle de l’illusion d’un pouvoir.
Les mots illusoires de la violence
Madame Vassal nous force à nous poser une question que nous nous posons depuis toujours : la violence peut-elle se dire ? Y a-t-il des mots pour la violence ? La première réponse, bien sûr, sera qu’il n’y en a pas, que la violence consiste bien, au contraire, à sortir du langage. Dans la violence, on ne parle pas, on blesse l’autre, on tente d’exercer sur lui une violence car on ne peut pas – on on ne veut pas- échanger avec lui. La violence ne se dit pas, elle ne se parle pas, elle n’a pas de mots, car, pour parler, encore faut-il reconnaître l’existence de l’autre, sa présence en face de nous, alors que la violence entend, au contraire, le détruire. Madame Vassal ne parle pas, elle ne connaît pas les mots, pour elle, la seule chose qui compte est le pouvoir. Mais cela ne suffit pas, il y a une autre réponse à la question : en particulier en politique, la violence a toujours cherché à s’immiscer dans la parole, à se donner l’air du dire, à se déguiser avec des mots. Madame Vassal tient des propos au cours d’une conférence de presse. Les mots qu’elle y tient sont bien des mots de violence, mais c’est parce qu’elle n’a ni culture, ni idées, ni engagements. Pour elle, il y a des mots, mais ce ne sont pas des mots ordinaires, ce sont des manifestations de violence déguisées en mots. Il s’agit de gestes bruts – ou brutes, comme on veut – qui ne sont là que pour chercher à blesser l’autre, à exercer sur lui la violence d’un pouvoir, qui, pour cette raison même, est illégitime. En cherchant à sortir du débat et à faire des mots les instruments de la force qu’elle se croit détenir, Madame Vassal se chasse elle-même du langage et de l’échange avec l’autre.
L’éternel coupable : l’immigré
Selon Madame Vassal, la délinquance et l’immigration « sont liées ». On aurait pu croire qu’en-dehors des idées misérables de l’extrême droite qui n’a pas d’idées parce qu’elle ne sait même pas ce qu’est penser, la vie politique de notre pays avait fini par se débarrasser de ces vieilles rengaines de la xénophobie, qu’on avait fini par reconnaître, dans notre pays, que l’immigration pouvait être une chance pour un pays. Eh bien non. Madame Vassal continue de ranger l’immigration et la délinquance ensemble, dans la même partie de son pauvre projet, minable et sans avenir. Madame Vassal ne sait pas que Léonard de Vinci n’était qu’un immigré, un « rital » travaillant à la cour de François Ier. Madame Vassal continue d’ignorer que c’est grâce aux immigrés de l’armée que la France a pu faire partie des vainqueurs de la guerre de 1914-18 et de celle de 1939-45. Madame Vassal ne sait toujours pas que ce sont des étrangers qui ont permis à la France de construire un véritable projet de science, de recherche, de philosophie. Madame Vassal recouvre son ignorance d’un voile de xénophobie pour qu’on ne puisse pas voir de quel vide elle est porteuse pour une responsable politique. Elle s’en prend à l’immigré pour séduire les électrices et les électeurs d’extrême droite, car, sans eux, elle sait bien qu’elle ne sera jamais élue maire de Marseille et il n’y a que cela qui l’intéresse. L’étranger est le coupable parce qu’il n’est pas semblable à nous, et que nous devons être tous semblables dans le pays des rêves de Madame Vassal, un pays uniforme, unicolore, qui n’a qu’une seule voix, qui ne compte que des copies conformes les unes aux autres. Le pays de Madame Vassal est un pays de personnages semblables, car il se pourrait bien que l’étranger, le non conforme apporte au débat des idées qu’elle serait bien incapable d’avoir.
Une sorte de paranoïa
« Je dois gêner », dit Madame Vassal au sujet des accusations dont elle fait l’objet et qui lui valent une enquête du parquet de Marseille pour de posibles faits de corruption. Comme si quelqu’un comme elle n’était pas capable de faire de la corruption, comme si elle était l’innocence même. Mais, quand elle dit cela – « Je dois gêner » – elle se donne une importance qu’elle n’a pas. Elle ne gêne personne car, dans les partis et les mouvements politiques qui ne sont pas comme elle, elle ne suscite que de l’indifférence. Cette façon de se fabriquer des adversaires imaginaires porte un nom : cela s’appelle de la paranoïa. C’est même en travaillant sur la paranoïa, plus précisément sur la psychose paranoïaque, que des psychiatres comme Freud ou Lacan ont conçu la psychanalyse. Mais Madame Vassal ne sait pas ce qu’est la psychanalyse, tout au plus se dirait-elle que c’est un repaire de gauchistes. Et puis, de toute façon, « elle n’est », dit-elle, dans les propos de sa conférence de presse, « ni mariée, ni pacsée, ni concubine, ni avec quelqu’un du cabinet, ni avec personne ». Forcément : en écoutant ou en lisant de tels mots, qui pourrait avoir envie de partager quoi que ce soit avec Madame Vassal ? Mais le problème, c’est qu’une personne atteinte d’une telle paranoïa pourrait bien se retrouver maire de Marseille. La folie pourrait être au pouvoir dans la ville. Et l’on comprend mieux maintenant l’inefficacité de la métropole et son absence de projet politique : la folie est au pouvoir. On se rend compte en écoutant de tels propos ou en les lisant, que l’extrême droite – à moins que ce ne soit bien la droite tout court – n’est qu’une orientation politique faite de folie. Il n’y a aucune rationalité dans les mots de Madame Vassal. C’est ce qui est dangereux dans une telle paranoïa, car, comme toute folie, elle est imprévisible.
La haine et le pouvoir
Avec de tels propos, nous ne sommes plus dans le débat, mais dans la haine. Madame Vassal ne discute pas, elle ne cherche pas à se confronter à des adversaires politiques, elle ne cherche (et encore, cherche-t-elle vraiment quelque chose ?) que deux obsessions : la haine et le pouvoir. Il n’y a pas de politique, dans de tels mots, car il n’y a aucun projet, aucune orientation politique, aucun choix, il n’y a que la haine de l’étranger et de l’adversaire, de celle ou de celui qui ne pense pas comme elle, qui ne parle pas avec ce qu’elle croit ses mots. La seule idée de Madame Vassal est d’imposer la conformité à un modèle réglé d’avance, de faire de l’uniformité la seule façon d’organiser la société. La haine de l’autre est, finalement, une manière simpliste de concevoir le pouvoir et de l’exercer. Quant au pouvoir, il s’agit de la seule conception de la politique de Madame Vassal, elle ne fait pas de la politique pour donner du succès à des idées qu’elle n’a pas : elle ne cherche qu’à exercer le pouvoir pour se distinguer des autres et pour tenter de les dominer. Le pouvoir est l’idée fixe et unique d’une dirigeante qui ne souhaite que rester au pouvoir et d’accumuler le plus de pouvoirs possible (aujourd’hui le département et la métropole, demain la municipalité de Marseille) pour se donner l’illusion qu’elle fait de la politique, qu’elle agit, qu’elle a du langage, alors que ce n’est qu’un jeu. Mais une telle haine ne peut pas susciter une réponse politique, elle ne peut susciter que du mépris.
Commentaires
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Tellement d’accord.
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Diagnostic parfait. Et il n’y a pas lieu de se réjouir d’avoir ici la droite la plus bête de France, incarnée par un personnage aussi vide.
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le mépris, la haine : une définition de la droite.
vassal en est une caricature.
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