Samedi 24 juillet 2021
Il y a de la vie dans le désert japonais
Sans public, les Jeux produisent pourtant le foisonnement habituel, dont la télévision ne donne qu’un aperçu très sommaire
Le confinement devant l’écran de télévision a commencé pour cette quatorzaine consentie. L’habitude permet de prendre ses marques assez facilement, mais une atmosphère étrange modifie les sensations. On évolue dans une ambiance irréelle, avec le décor de stades formidables désertés, et l’absence du public hystérisé qui donne d’ordinaire le tempo. Les Jeux avaient connu auparavant quelques boycotts, mais jamais infligé par le pays qui les organise.
Outre cette nouveauté, dont on veut croire qu’elle sera une exception trois ans avant les Jeux de Paris, on découvre les nouvelles disciplines introduites dans le programme par les vieux barbons du Comité international olympique, qui veulent attirer la jeunesse devant les écrans.
La télé commande tout, puisque c’est elle qui paye. Comme l’ont fait judicieusement remarquer les journalistes du « Monde », les Jeux de 1964 s’étaient déroulés au mois d’octobre, pour éviter les inconvénients de l’été torride et humide à la fois. Mais les chaines US n’ont pas souhaité bousculer le programme domestique des sports professionnels américains, et les Jeux se tiennent désormais dans la période qui leur est imposée. Ah mais !
Le grand rival médiatique, la Coupe du Monde de football, a bien prévu son prochain rendez-vous au Qatar, pendant l’hiver et dans des stades climatisés. Cela aurait donc pu être pire…
En sus de la disparition du public, le malaise est immédiatement aggravé par la programmation télévisée. Les chaînes publiques françaises font de leur mieux, avec une belle escouade de bavards cacochymes et de consultants énervés, mais elles ont fait le choix de suivre prioritairement les événements où les Tricolores sont engagés. Ce qui produit un zapping incessant, aggravé par la pub (ceci explique cela) et ne permet pas de profiter des ambiances.
La Frannnce a obtenu sa première médaille, en bronze, dès le premier jour des compétitions, quand il avait fallu attendre la 3e journée à Rio. Roulement de tambour, et feu d’artifice virtuel. Bravo au sympathique Luka Mkheidze, combattant valeureux formé par un destin tumultueux commencé en Géorgie. Personne ne l’attendait à cette place, et il l’a bien méritée.
Les projecteurs étaient prêts à s’allumer, mais sur l’épreuve féminine des moins de 48 kg. La jeune Française engagée a elle aussi une histoire personnelle et familiale édifiante, propre à en faire une fraiche icône de l’intégration citoyenne. Le président Macron lui-même est venu assister au début du trajet espéré vers le podium. Mais toute cette tension a fait sauter les plombs chez la jolie Shirine Boukli, qui pensait déjà à sa prochaine et redoutée adversaire, avant de songer à attaquer celle qui se présentait devant elle, pas moins redoutable. Du coup, elle a pris trois cartons jaunes et la direction du toboggan. Pourvu que cet épisode cuisant n’arrête pas net son chemin vers la gloire et le bonheur. Le déchainement des réseaux sociaux s’est immédiatement déclenché, dans des torrents de boue et de fiel, et il va falloir la débarrasser de ça au plus vite.
Notre TV publique aurait pu profiter du moment pour nous faire humer l’air dans le temple japonais du judo. D’autant que le pays hôte, qui a fait le précieux cadeau de cette formidable discipline au monde entier, attendait avec ferveur les premiers sacres de ses combattants, susceptibles d’allumer enfin le feu dans le public. Las ! il faudra encore attendre un peu pour évoquer le souvenir de Ryoko Tamura-Tani, la petite tornade brune qui a nettoyé naguère les tapis des adversaires qui s’y risquaient pendant des lustres : cinq médailles olympiques (dont deux d’or) et sept titres mondiaux.
En effet, si Naohisa Takato s’est bien péniblement imposé chez les moins de 60 kg, Funa Tonaki s’est inclinée en finale des moins de 48 kg, devant la formidable combattante Distria Krasniqi surgie des meurtrissures du Kosovo.
On vous dit ça parce que vous pourriez l’ignorer : en effet, France Télévisions s’est éclipsée du Nippon Budokan et n’a pas montré ces finales, puisque les Français en étaient absents. Sur ce qu’on a pu apercevoir, le beau judo mijote encore, et les arbitres (tous d’anciens valeureux compétiteurs) vont avoir du travail : les pénalités tombent comme feuilles sous l’orage et la moitié des combats se terminent par épuisement du vaincu après une interminable prolongation. Pas bon pour la télé, cette affaire…
Bon, à part ça ? Eh bien, l’épreuve de cyclisme sur route était en fait une 22e étape du récent Tour de France 2021, plutôt animée, et remportée par l’Equatorien Richard Carapaz, l’homme qui n’attaque vraiment qu’une fois par an, mais c’est la bonne. Pas un Japonais n’a pu s’infiltrer dans le peloton, sauf les produits de l’équipementier local Shimano, qui tient dans ses mains le destin des fabricants de vélo du monde entier.
Tentative lourdingue de normaliser le basket de rue, l’irruption du Basket 3 x 3 laissait sceptique. En fait, c’est un bourdonnement de shoots et de déplacements très spectaculaire. Il pourrait de surcroît procurer une visibilité sportive à de nombreux pays qui n’y avaient pas accès. On espère ainsi apercevoir l’équipe féminine de Mongolie. Les Françaises semblent avoir un potentiel prometteur, on les suivra avec intérêt.
Le football féminin a de plus en plus la cote chez les programmateurs sportifs. Il reste préservé de la plupart des défauts constatés chez les mâles, et n’est pas trop corseté par les techniciens du béton. Il n’a pas possible d’apercevoir l’équipe de Zambie. Certes, elle a pris d’entrée une « tôle » historique face au Canada sur le score de 10 buts à 3. Mais elle a su obtenir un spectaculaire match nul (4-4) face à la Chine, et elle détient une pépite, Barbra Banda, qui a inscrit la bagatelle de six buts en deux rencontres !
Comment ne pas penser un instant à l’équipe masculine de Zambie, qui avait infligé une défaite retentissante à l’Italie aux JO de Séoul en 1988, et révélé au monde entier le talent explosif de Kalusha Bawlya. Il avait passé trois buts à la défense italienne et mérité le Ballon d’or africain. Comme le destin n’en avait pas fini avec lui, Bawlya, capitaine et entraîneur de la sélection zambienne, avait miraculeusement échappé à la catastrophe aérienne qui avait anéanti l’équipe et le staff en 1993.
Comme pays organisateur, le Japon est engagé d’office dans toutes les disciplines collectives. Avec des résultats contrastés pour les sports qu’il ne maîtrise pas encore : battu 4-25 par les Etats-Unis en water-polo, et 30-47 par le Danemark en handball masculin.
Les Français, qui seront dans la même situation dans trois ans, préparent-ils à Tokyo de meilleurs résultats ? Pour l’instant, c’est bien parti pour le handball masculin, mais nettement moins pour le volley. Les Bleus, comme à Rio, ont pris une rouste d’entrée, cette fois face aux Américains. Team Yavbouilli?
En escrime, deux défaites inattendues pour nos tireurs au premier tour de l’épée féminine et du sabre masculin. Les traditions se perdent, mais pas partout : la Hongrie, puissance dominante à l’égal de l’Italie et de la France, a fait parler d’elle d’emblée puisque Aron Szilagyi est le premier escrimeur à obtenir trois titres olympiques consécutifs, égalant la fleurettiste italienne Valentina Vezzali.
On se consolera de la pluie ou des larmes en contemplant l’eau des bassins : natation, plongeon, water-polo, aviron et canoë kayak sont au programme. Le triathlon entre terre et mer. Plus la voile et le surf. Sans tsunami, s’il vous plaît, et en rêvant de Marseille dans trois ans.
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