Espoirs

Billet de blog
par Camélia
le 26 Mar 2025
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Espoirs

Avant d’attaquer je précise que ces propos n’engagent que moi et que ce billet a pour seule vocation de coucher sur papier (numérique) mon ressenti 24h après la fin d’un procès qui m’a semblé interminable et d’une affaire toujours en cours.

 

Hier j’ai pris toutes mes dispositions afin d’être présente auprès de mon frère à son audience pour répondre aux accusations d’apologie du terrorisme.
Comme je l’expliquais dans ce premier billet, j’ai découvert l’imam Ismail à travers l’actualité.

Je ne suis plus surprise par le traitement de l’information : je sais que BFMTV et Le Parisien ne prendront par exemple pas le temps ni la précaution de préciser que mon frère n’est plus imam aux Bleuets. Ni par les désormais traditionnelles visites plus fréquentes sur mon compte LinkedIn même si mon actualité professionnelle est la même depuis plusieurs années puisque je me rétablis à peine et avec encore beaucoup de difficulté de problèmes de santé assez costauds.

Au tribunal se trouvaient à peu près les mêmes soutiens que ceux venus après la conférence de presse en septembre, à la différence près qu’ils étaient encore plus nombreux.

En gardant toute l’objectivité qu’il m’est possible d’avoir dans ma position de petite soeur, il faut admettre qu’un imam qui arrive à mobiliser des personnes, musulmanes ou non, des femmes voilées et d’autres qui ne le portent pas, des militants de l’UJFP, de Tsedek!, des sympathisants de la communauté queer, des antifas, des personnes issues de la société civile… c’est quand même peu commun.

S’il était en tort personne n’aurait pris la peine de faire le chemin jusqu’au palais de justice et de suivre les mouvements quand il a fallu aller dans un bâtiment annexe, puis quitter la première salle d’audience à cause d’un bruit parasite pour retourner au palais de justice et tenter de gagner une place. Ni de rester jusqu’à plus de 21h30 pour le saluer.

Moi-même je n’aurais jamais pris la parole, ou alors pour exprimer de la tristesse ou de la colère.

Sauf que je reste convaincue que cet acharnement n’aurait pas eu lieu dans un contexte politique moins fragile. Et ce que j’ai vu hier durant les plaidoiries de l’avocat de la Licra et les réquisitions de la procureure ne fait que renforcer ce sentiment.

De longs hiatus de l’avocat de la partie adverse. Une utilisation inélégante et grossière de la mémoire des victimes de la Shoah ou de celle des attaques du 7 octobre qui -et ce n’est que mon seul avis- dessert le combat contre l’antisémitisme. Réduire des individus à leur seule identité religieuse me semble raciste.

Puis les propos de la procureure qui aura été jusqu’à lui reprocher d’avoir une certaine visibilité, sur les réseaux sociaux, auprès des jeunes, des habitants des quartiers Nord.

Elle aura été jusqu’à lui demander pourquoi il a choisi d’écrire « Qui peut prétendre être imam sans prendre position » dans sa biographie Twitter. Nous avons été nombreux à avoir intérieurement éclaté de rire quand il a expliqué que cette phrase est un clin d’œil à une chanson du groupe Ärsenik.

Il a été frustrant de voir mon frère être autant calomnié, être dépeint comme un danger, un ennemi de la République et de ne pas avoir le droit de réagir. C’était un procès d’intention, pas le procès d’un justiciable.

Aucun mot n’a été prononcé sur tout ce qu’il a apporté à la société, sur tout ce qu’il a sacrifié pour l’intérêt commun. Aucun mot non plus sur la rencontre au lendemain des attaques du 7 octobre. Le journal La Croix parlait d’une initiative isolée. Tous les ponts qu’il a construit ont été balayés sans scrupule d’un revers de main. Seuls ces tweets importaient pour introduire sa mort sociale.

Alors oui ils sont l’objet de ce jugement mais pour reprendre une phrase du rabbin Bendao « est-ce qu’un retweet peut suffire à définir une personne ? »

Dorénavant je saurai qu’une partie de mon identité ne me donne pas le droit d’être autant Charlie que mon voisin de pallier au nom de famille moins coloré que le mien.
Je me sentirai doublement obligée de préciser mon propos avec une thèse détaillée sur cent cinquante tweets au risque d’être à mon tour poursuivie pour des interprétations de mes mots, d’autant plus que je suis devenue « la soeur de ».

D’où ce chapeau au début de ce billet : quand je souhaite la paix, je la souhaite pour tous sans distinction. Une vie = une vie. Quand je critique les dérives de Tsahal, je le fais car j’attends un minimum d’humanité de la part d’une démocratie avec une armée qui se targue d’être la plus morale au monde. Pas parce qu’elle est l’Etat-Nation des juifs.

Le délibéré aura lieu fin mai. C’est à la fois si loin et si proche.

Au delà des conséquences que cette condamnation aura sur la vie de mon frère, je suis inquiète du message que celle-ci nous enverra, à nous tous en tant qu’individus.

Si lui est jeté sous le bus alors qu’il a une crédibilité suffisante pour qu’un élu de la ville et un rabbin aient témoigné à son procès, qu’en sera-t-il des autres ?

Si lui qui a fait ce que beaucoup d’entre nous ont déjà fait, à savoir repartager une publication, est condamné pour un RT, qu’en sera-t-il de ceux qui retweetent Marine Le Pen ou Aya Nakamura pour exprimer un avis ? (Pardon Aya pour la balle perdue).

Si lui est accusé de faire l’apologie du terrorisme parce qu’il a utilisé une hyperbole dans un français pourtant suffisamment intelligible, même pour un enfant de sept ans, qu’en sera-t-il de nous tous ?

L’interdiction d’utiliser les réseaux sociaux, le retrait de ses droits civiques, une inscription au FIJAIT pour un RT qui n’a même pas valu à son auteur une condamnation, c’est quand même plus que disproportionné. Quant à cette interdiction à vie d’être imam, je n’ai pas les mots tant je suis effarée.

Les marchands de haine auront un peu plus de matière pour créer des contenus anxiogènes sur des gens qu’ils jettent en pâture et montent les uns contre les autres pour des histoires d’algorithme. Des politiciens auront un sujet supplémentaire pour préparer leurs campagnes électorales. Les municipales de 2026, les présidentielles de 2027… Mais nous ?

Je reste convaincue que nous sommes capables de vivre ensemble avec nos différences et même de nous enrichir grâce à elles. Nous arriverons à tenir bon tant que nous garderons un cap bienveillant pour notre prochain.

J’espère de tout mon être que la justice rendra à mon frère son honneur et que nous en ressortirons tous meilleurs.

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