Contrôle

Enfin, mon premier contrôle ! Je piaffais d’impatience, un peu jaloux des copains lecteurs qui avaient déjà dû attester de leur conduite devant de jeunes agents ne connaissant pas bien leur ville. Je sors donc mon attestation froissée (depuis le temps que je la trimballe dans la poche de mon survêtement) et la tend de loin, de très loin même car je n’ai toujours pas trouvé de masque ni recyclé ma perche à selfie.
– Mais c’est écrit au crayon, monsieur…
– Juste la date, question d’économie de papier
– Le règlement prévoit l’encre indébile
– Désolé !
– Et un exemplaire nouveau à chaque déplacement
– Pas facile, les fournisseurs de cartouches sont en rupture de stock
– Et vous êtes à plus d’un kilomètre de chez vous
– Non, non, j’ai mesuré sur le plan, je suis sûr de ne pas m’être trompé d’échelle
– Et vous allez faire quoi ?
– Mon footing bi-hebdomadaire
– En pantalon et en blouson ?
– A mon âge, il faut un peu de tenue…
– Justement, parlons-en
– De mon âge ou de ma tenue ?
– A votre âge, vous allez assister des personnes vulnérables ?
– Non, je fais juste une marche soutenue sur les conseils de mon cardiologue
– Vous allez garder des enfants ?
– Sûrement pas. Je me méfie comme de la peste des gamins sur-contagieux
– Alors, vous vous êtes trompé de formulaire.
– Faites voir… En effet ! J’ai confondu. Je suis vraiment confus.
– A votre âge !
Finalement, il a fermé les yeux, m’a conseillé de rentrer chez moi au plus direct et je suis parti en trottinant histoire d’attester de ma bonne foi et en me disant que j’avais eu de la chance de tomber sur un agent agissant « avec discernement et sans zèle excessif ». De toutes façons, je n’aurais pas pu payer la contravention, j’avais oublié ma carte et mes papiers.