Mercredi 28 juillet 2021
Collectifs à la Française
Le hasard du calendrier a permis de se faire une idée sur le potentiel de la plupart des sélections françaises. On ne nous enlèvera pas l’idée que les meilleures chances de succès aux futurs JO de Paris résident dans ce travail de groupes, en dépit de l’individualisme régnant. A l’image des rameurs du deux de couple à Tokyo.
Il faut bien l’avouer : on venait de s’endormir quand les rameurs français Hugo Boucheron (28 ans) et Matthias Androdias (31 ans) se sont imposés au finish devant l’équipage néerlandais dans l’épreuve du deux de couple. Le spectateur n’avait pas tenu la distance ! Il a fallu se contenter du résumé de la course, quand le plaisir du direct dure six minutes pour profiter de chacun des élans silencieux propulsant les fragiles embarcations. Et il paraît que ces deux-là ont fait leur plus mauvaise course en finale !
L’aviron français vit encore sur son erre, après la révolution culturelle qui lui redonné l’accès aux podiums après la prise en charge de son élite par le légendaire entraîneur est-allemand Eberhard Mund dans les années 1990. Cette élite est restreinte, et il faut cajoler dans des clubs passionnés quelques couples prometteurs, dans les diverses embarcations et catégories de poids.
Le duo vainqueur à Tokyo avait déjà presque tout gagné, dans un silence médiatique quasi absolu. Auront-ils la volonté de prolonger ces souffrances et ces sacrifices jusqu’à Paris ? Sans une aide conséquente, c’est assez douteux. Mais leur exemple va entretenir la flamme chez les plus jeunes. Chaque médaille est le fruit d’un petit miracle, et donne le coup de projecteur quadriennal qui permet de récupérer ensuite quelques subventions. L’aviron, c’est une galère libre et souriante. Il vaut bien qu’on se couche un peu plus tard pour profiter du spectacle.
Les sélections françaises étaient de sortie toutes ensemble. Elles ont présente des bulletins contrastés.
Les volleyeurs n’ont pas pris une volée, mais ils n’ont pas à être fiers de leur défaite en cinq sets devant l’Argentine. Même leurs maillots en ont rougi. Les attitudes corporelles ne trompaient pas, avec ces mines tristounettes, celle du leader consacré, Earvin Ngapeth, le premier. Il a passé le match avec la mine de celui qui se demande s’il a bien fermé le gaz. En face, les Argentins exultaient à chaque point, se congratulaient à chaque contre. Ils avaient senti l’odeur d’une victoire qui n’était pas au programme.
L’entraîneur Laurent Tillie a l’immense mérite d’avoir placé la France parmi les puissances de ce sport. Mais était-il bien judicieux d’annoncer à l’avance son départ après les Jeux ? Cette équipe a besoin d’électrochocs à répétition. Est-il le mieux placé maintenant pour les administrer ?
Pour les footeux, n’insistons pas, ce serait cruel. L’escouade en déroute avait perdu le vrai combat avant la compétition, quand il s’agissait de convaincre les soldats de participer. Les équipes de France de foot ont construit leurs récents succès sur la qualité de leur défense. Celle-ci termine le premier tour avec le record de buts encaissés, onze en trois rencontres.
On attendait plus des basketteuses que de leurs homologues masculins. Mais elles tardent à surmonter la déception d’une 5e défaite en finale de l’Euro. Alors que l’amalgame entre les vedettes de NBA et les joueurs évoluant dans les meilleurs clubs européens s’est enfin réalisé. Ils ont battu les Etats-Unis d’entrée de jeu, puis ont ratatiné les Tchèques et ils se dirigent tout droit vers un quart de finale. Sans doute mieux, car affinités…
Pour le handball, même topo. Les filles ont du mal à démarrer, et risquent de noyer le moteur alors qu’il a une belle cylindrée. Les garçons avancent sans bruit, n’en faisant pas plus qu’il n’en faut. Mais avec une confiance en eux qu’ils n’ont pas toujours manifestée.
La France a découvert le nouveau format du basket 3 X 3, avec une sélection féminine séduisante qui est parvenue jusqu’en demi-finale. Elle a manqué d’oxygène, mais pas de culot, devant les Etats-Unis, futures gagnantes de ce premier tournoi olympique. Puis les Bleues ont calé devant une surprenante équipe de Chine pour la médaille de bronze. On devrait les retrouver plus expérimentées dans trois ans, pour une épreuve qui n’aura pas de mal à trouver son public. Et les garçons, qui ont manqué leur ticket de justesse, seront qualifiés d’office… De surprenants Lettons ont inauguré le palmarès.
Outre cette compilation des émois collectifs, la journée s’est émue des failles psychologiques apparues chez des championnes. Le désarroi exprimé par la tenniswoman japonaise Naomi Osaka (entre Roland-Garros et Tokyo) a trouvé son écho chez la superstar américaine de la gymnastique, Simone Biles. Il ne semble pas qu’il s’agisse d’un artifice médiatique pour capter l’attention olympique, qui se disperse volontiers et ne se pose jamais longtemps.
Biles sera demain engagée dans les concours par appareils, où une moisson de médailles lui est promise. Pourrait-elle vraiment saborder ses chances et stopper net une carrière qu’elle envisageait naguère de prolonger jusqu’à Paris ?
Le souvenir douloureux de la tourmente endurée par l’athlète Marie-José Pérec à la veille des JO de Sydney en 1996 a laissé des cicatrices également dans le public, qui se doute confusément que ses attentes démesurées ont parfois un effet explosif sur l’équilibre mental des sportives.
La nageuse française Anne-Charlotte Bonnet semble exprimer les mêmes doutes sur son avenir sportif, la nécessité de poursuivre encore un programme d’entraînement écrasant et répétitif, de retrouver la gaieté perdue depuis la disparition tragique de son amie et modèle Camille Muffat.
Cette jeune femme de 26 ans n’a pas à justifier ses choix, qui lui appartiennent totalement. Mais cette championne silencieuse ne semble pas avoir pu exprimer jusqu’ici la plénitude de son potentiel sportif. Elle a le talent, le gabarit et le courage indispensables aux champions, en natation et ailleurs. Elle semble désormais tâtonner pour trouver le cadre et l’entourage qui lui permettraient de redonner un dernier élan décisif à une carrière déjà bien remplie.
La déception ressentie après l’épreuve du 200 m nage libre, dont elle a manqué la finale alors qu’elle a été championne d’Europe de la distance, ne l’a pas empêchée de faire son devoir. Elle est qualifiée en demi-finale du 100 m, et en finale du relais 4 X 200 m auquel elle donne le premier élan et qui reste la véritable jauge du réservoir d’un pays en nageurs de valeur.
On espère de tout cœur qu’Anne-Charlotte Bonnet va chasser ses démons avant Paris. On pensait à elle en regardant, attendri, l’Italienne Federica Pellegrini, arriver 7e de la finale du même 200 m à 32 ans, elle qui était médaille d’argent sur la distance en 2004 à Athènes. Comment faire durer le plaisir…
La victoire est allée à la p’tite jeunette australienne Ariarne Titmus, qui a détrôné l’Américaine Katie Ledecky, déjà ancienne à 24 ans… Mais on peut faire désormais de la natation un vrai métier, lucratif et durable, comme l’a prouvé tout au long de sa carrière la Hongroise Katinka Hosszu (3 médailles d’or entre Londres et Rio), elle aussi âgée de 32 ans, et encore 7e de la finale du 200 m quatre nages.
Pour conclure avec les sports d’équipe, il faut saluer la victoire des îles Fidji en finale du rugby à VII, face à l’ogre néo-zélandais, comme à Rio. La célébration artistique de leur succès par ces armoires à glace rapides et inspirés est une douceur inhabituelle sur ces champs de rudes batailles.
VIGNETTES
¤ En équitation, les Allemandes ont trusté les médailles des épreuves mixtes de dressage : doublé en individuel, et or par équipes.
¤ Titre quotidien pour le judo japonais : Chizuru Arai, chez les féminines en moins de 70 kg. Chez les moins de 90 kg, c’est Lasha Bekauri, un Géorgien âgé de 21 ans, qui s’est imposé. Un futur rival pour Teddy Riner à Paris ? C’est aussi un Japonais, Daiki Hashimoto, qui a emporté le concours général individuel de gymnastique. D’aucuns grommellent qu’il aurait fallu faire ces Jeux à Tokyo, mais sans les Japonais.
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