ANATOMIE DE LA VILLE
Sans prétendre tout dire sur l’anatomie urbaine de Marseille, nous souhaitons entreprendre aujourd’hui une petite étude de cette anatomie, de ce qui permet de comprendre comment Marseille est construite.
Pas de remparts ni de séparation entre la ville et sa périphérie
Contrairement à d’autres villes, comme Paris, ceintes de leurs boulevards, Marseille n’a pas de remparts, aucune voie ne marque la périphérie de la ville, qui vient, en quelque sorte, s’étendre librement, sans contraintes, sans devoir obéir à aucune norme. Cela veut dire que l’on va en un seul parcours du centre de la ville à ses extrémités, que l’on ne change pas d’espace quand on va du centre aux limites de la ville. Mais, au-delà, cela signifie que Marseille s’est construite et aménagée dans une sorte de flux continu de l’histoire, sans que rien ne vienne interrompre ce processus. S’il n’y a pas de remparts ni de marque de la périphérie de Marseille, cela signifie aussi que la ville s’est toujours tournée vers le transport et vers l’échange. La ville s’est toujours agrandie de façon continue en accueillant des habitantes et des habitants nouveaux, de nouvelles façons de vivre, de nouvelles langues et de nouveaux modes d’expression.
La Canebière
Comme cela s’est toujours dit, si Paris avait la Canebière, elle serait un petit Marseille. La Canebière a toujours figuré le centre de Marseille, elle a toujours symbolisé Marseille. D’abord, elle est au centre, elle est comme un colonne vertébrale autour de laquelle partent et arrivent les rues du réseau de la ville. La Canebière figure une sorte d’axe Est-Ouest. Mais, au-delà, cet axe a changé. S’il s’est longtemps agi d’une voie commerçante, mais aussi d’une voie de rencontres, elle est devenue un symbole sans consistance véritable. La Canebière ne figure plus le centre de Marseille. Il ne s’agit d’un axe que symbolique. En effet, d’abord, Marseille a grandi, et ses habitants ont quitté l’ancien centre pour rejoindre d’autres quartiers, et, ensuite, la Canebière ne figure plus un centre car l’idée même de centre a changé. Dans toutes les villes, les centres ne sont plus ce qu’ils étaient. La Canebière s’est inscrite dans ces changements.
La mer
La mer a une grande place dans cette anatomie de la ville, mais d’une drôle de façon. D’abord, la mer se manifeste par la naissance de la ville : dans l’histoire, Marseille est née autour de la mer, ou, plutôt, de ce que l’on pourrait appeler un « bout de mer ». C’est par la mer et par leurs pratiques de la mer – en particulier pratiques commerciales, que celles et ceux qui ont fondé la ville se sont manifestés dans l’histoire. La mer ouvre la ville vers l’Ouest. Mais la mer, c’est aussi, bien sûr, les ports qui se sont succédé à Marseille : ce que l’on appelle, aujourd’hui, le Vieux Port, le Lacydon, la Joliette, ouverte dans les années 1830, et, enfin, les ports contemporains qui s’étendent au Nord de la ville. Mais la mer est aussi présente dans les mythes et dans l’histoire qui constituent le discours de la ville. La mer n’est pas seulement présente dans l’histoire, elle l’est aussi dans l’imaginaire. À Marseille, la mer n’est pas dans les habitudes de tous ceux qui vivent dans la ville, mais elle est dans l’histoire de ces usages et dans les mythes qui peuplent l’imagination sur Marseille.
L’opposition entre le Nord et le Sud de la ville
C’est, justement, autour de la Canebière que se structure l’opposition entre le Nord de la ville, ce que l’on appelle « les quartiers Nord », et le Sud, habité par des populations généralement plus aisées. L’opposition entre le Nord et la Sud n’est pas une simple opposition géographique : dans cette opposition, la Canebière sépare deux types de quartiers, deux types d’habitants de Marseille. Cette anatomie de la ville est surtout une anatomie sociale. Mais il ne s’agit pas seulement de différences entre les quartiers du Nord et ceux du Sud : il s’agit aussi d’une véritable confrontation. Entre les différents quartiers de la ville, la différence devient politique, elle fonde les adhésions à des partis, à des groupements politiques, à des discours politiques. Sans doute la ville a-t-elle toujours été un espace politique, comme, d’ailleurs, les villes de la Grèce antique dont elle est issue, mais, même si l’engagement des populations contemporaines est moins vif qu’à d’autres époques, les logiques de l’aménagement de Marseille sont encore celles de l’Antiquité, elles n’ont pas changé. L’opposition entre le Nord et le Sud a simplement changé de signification. Il s’agit, à présent, d’une différence de classes sociales, qui a, ainsi, une signification politique.
Et l’architecture et l’urbanisme ?
Bien sûr, c’est l’architecture des constructions et l’urbanisme des aménagements qui organisent la ville, qui la structurent. Plusieurs caractéristiques permettent de mieux comprendre l’urbanisme de Marseille. D’abord, les différences d’urbanisme et d’architecture sont très nettes entre les différentes époques. Entre le XVIIème siècle, le XIXème et les époques du XXème, il y a très peu de continuité. Mais les différences qui distinguent plusieurs urbanismes et plusieurs architectures manifestent aussi une différence très nette entre les classes sociales. L’aménagement du Nord de la ville n’est pas le même que celui du Sud, encore une fois de part et d’autre de la Canebière, même si les « quartiers Nord » commencent peu à peu à s’urbaniser. On peut remarquer trois figures caractéristiques de Marseille. La première, ce sont les maisons à trois fenêtres : ces maisons se trouvent partout dans Marseille, comme un style marseillais d’architecture. Les immeubles “haussmanniens” de la période de la richesse de Marseille manifestent, avec les rues qui les accompagnent, un nouvel âge de la ville et de ses paysages. La troisème figure caractéristique de la ville, ce sont les immeubles et les cités qui imposent leurs barres à tous les quartiers un peu éloignés du centre de la ville, et, d’ailleurs, dans les quartiers du Sud comme dans ceux du Nord. Enfin, on peut remarquer qu’à Marseille, l’histoire se mêle au présent. À la fois parce que beaucoup d’habitations sont issues d’architectures anciennes et parce qu’il existe ce flux continu de la construction et de l’aménagement, l’architecture et l’urbanisme de Marseille mêlent l’histoire des habitants de la ville et leur présent. L’exemple le plus frappant de cette confrontation entre le passé de la ville et son présent est la cohabitation, derrière la Bourse, entre les vestiges du centre de la Massilia antique et les immeubles du Centre Bourse contemporain.
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