Accusé de “népotisme”, le maire de Vitrolles risque l’inéligibilité
Loïc Gachon (PS), à la tête de la Ville de Vitrolles depuis 2009, était jugé par le tribunal correctionnel d'Aix pour avoir embauché sa belle-mère au sein de la commune. Le parquet a requis du sursis et une peine d'inéligibilité de deux ans.
Le maire de Vitrolles Loïc Gachon, à droite sur la photo, et son avocat Jorge Mendes Constante. (Photo : CMB)
Embaucher sa belle-mère ? Une “caricature”. L’exemple ultime “qu’on apprend aux étudiants en droit pour définir la prise illégale d’intérêts”, estime le procureur Emmanuel Merlin, au tribunal correctionnel d’Aix-en-Provence ce lundi soir. C’est pour ces faits que le maire socialiste de Vitrolles, Loïc Gachon, est jugé ce lundi soir. Et contre qui le ministère public requiert 18 mois de sursis et deux ans d’inéligibilité.
Loïc Gachon, 49 ans, avait lui-même résumé dans La Provence la semaine dernière les faits qui lui sont reprochés. Dès ses premiers mots ce lundi soir, il tient à réaffirmer haut et fort sa volonté de coopérer : “je reste à disposition du tribunal pour répondre à toutes les questions”, lâche-t-il d’emblée, à la fin du discours introductif de la présidente.
Deux affaires en une
L’enquête préliminaire avait été ouverte en 2022, à la suite du signalement d’un élu d’opposition. Au terme des investigations, certaines charges ont été abandonnées. Restent deux choses. La plus importante, “caricaturale”, répète le parquet plusieurs fois, c’est l’embauche de la belle-mère de l’élu par la Ville de Vitrolles. Entre 2011 et 2018, c’est en effet le maire qui signe directement l’embauche, puis toutes les prolongations des contrats. Jusqu’à la demande de départ à la retraite à laquelle il appose la mention manuscrite : “avis favorable”.
La deuxième prise illégale d’intérêt reprochée par la justice est plus circonscrite. Elle concerne une subvention votée par le conseil du pays d’Aix le 17 octobre 2019 en faveur du Camp des Milles, au nom de la lutte contre les discriminations. À cette époque, la femme de Loïc Gachon y travaille comme attachée de direction. Pourquoi ne s’est-il pas déporté lors de ce vote ?
“Le débat juridique est là. On vous reproche, en tant que maire, d’avoir participé au vote d’une subvention pour le Camp des Milles alors que votre femme y était membre du personnel”, insiste la présidente, qui hausse parfois le ton face aux interventions très préparées de l’élu mis en cause. “Les collectivités ont voté des subventions pour le Camp des Milles avant, elles ont continué après, et mon engagement pour cette structure n’a jamais bougé. Que ma femme y travaille, ou non”, se défend le maire.
“Urgent recrutement Françoise L.”
Les débats s’attardent davantage sur l’emploi de sa belle-mère. Tout commence avec un mail, rédigé par la directrice générale des services de la Ville, adressé aux ressources humaines de la commune. L’objet ? “Urgent recrutement Françoise L.”. Nous sommes en janvier 2011. Loïc Gachon est marié depuis 2005, et maire depuis 2009. Mais selon le prévenu, l’initiative de l’embauche ne vient pas de lui.
C’est la directrice générale des services de l’époque qui a pris l’initiative de recruter Françoise L., sans m’en informer.
Loïc Gachon
“C’est la directrice générale des services de l’époque qui a pris l’initiative de recruter Françoise L., sans m’en informer.” Chacun convient, sans difficulté, que la DGS était informée du lien de parenté entre la candidate et l’édile. Selon Françoise L., qui a été entendue durant l’enquête, son embauche au service emploi tient à un séminaire qu’elle avait organisé alors qu’elle travaillait dans le privé et qui réunissait les cadres de la Ville de Vitrolles. C’est là qu’elle avait fait la rencontre de la DGS.
Un durcissement de la loi
“Ma belle-mère m’a informée qu’elle avait ensuite passé un entretien. Et cela m’a mis dans une situation réellement compliquée, assure le maire à la barre. J’étais conscient que cela pouvait me créer une difficulté. C’est pourquoi j’ai décidé de laisser la procédure se dérouler.” En signant le contrat de travail. Comme l’élu le faisait pour n’importe quelle embauche à la mairie. “Quel que soit le poste, le CV, lorsque cela concerne l’un des 1200 postes à la ville, le maire ratifie. Il faut replacer cela dans le flux quotidien des dizaines d’actes que je valide par jour !”
“Est-ce que vous n’auriez pas dû vous dire qu’il y avait un problème à ce moment-là ?”, interroge la présidente. “Certainement, madame. Et ce que je vis depuis cette enquête me pousse à être beaucoup plus vigilant à l’avenir”, conclut le maire. Sa défense repose en partie sur le flou qui, selon l’élu, entoure la définition du délit de “prise illégale d’intérêts”. Et si Loïc Gachon ne nie pas ses actes, c’est pour mieux affirmer qu’ils n’étaient pas intentionnels. Et d’ajouter : “vous savez, avec le durcissement de la loi [en 2021, ndlr], ça va être très compliqué pour nous, les élus. Est-ce qu’on peut voter une subvention si l’on est membre d’une association ? Si notre femme siège au conseil d’administration. Tout ça n’est pas clair !”
Finalité du raisonnement : “je ne crois pas qu’on puisse trouver une seule commune dans le département où il n’y a pas une situation de prise illégale d’intérêt.” La présidente tempère : “je ne crois pas que dans toutes les communes, on embauche sa belle-mère. Et ce procès n’est pas celui de la loi. Le tribunal applique la loi”.
“Népotisme” et “impunité”
“Non, la définition du délit n’est pas trop large, avance à son tour le procureur Emmanuel Merlin. Au contraire, elle permet de couper court aux manigances des élus !”. Le magistrat rappelle alors l’affaire Guérini qui, à l’époque où Loïc Gachon accède à la mairie de Vitrolles, décime la fédération du Parti socialiste des Bouches-du-Rhône. “Loïc Gachon a vu tout cela de l’intérieur, et il veut nous faire croire qu’il ne sait pas ce qu’est une prise illégale d’intérêts ? Il nous ment. Il savait parfaitement en quoi cela consistait.”
Oui, monsieur Gachon n’aurait pas dû signer l’embauche de sa belle-mère. Mais en 2009, qui pensait à la prise illégale d’intérêts ?
Jorge Mendes, avocat du maire de Vitrolles
Le procureur aligne les coups. Il explique que l’élu s’est “simplement livré au népotisme, comme on le voit trop souvent dans cette région. C’est cette logique où l’on ne choisit pas la compétence, on choisit son clan. Y compris en votant la subvention au Camp des Milles. Car ce vote compromet l’impartialité et l’objectivité de l’élu. Et ces deux termes sont inscrits dans la définition même du délit de prise illégale d’intérêts.”
Pour sanctionner le “sentiment d’impunité” qu’il impute au mis en cause, le ministère public requiert 18 mois de sursis, 2000 euros d’amende et une peine d’inéligibilité de deux ans. Une “hypocrisie”, pour l’avocat du maire, Jorge Mendes Constante : “oui, monsieur Gachon n’aurait pas dû signer l’embauche de sa belle-mère. Mais en 2009, qui pensait à la prise illégale d’intérêts ?” Parce que l’intentionnalité n’est pas là, l’avocat invoque ce qu’il appelle la “jurisprudence Dupond-Moretti”. En référence à l’acquittement prononcé fin novembre en faveur du garde des Sceaux, poursuivi pour le même délit par la Cour de Justice de la République.
Le deuxième avocat de Loïc Gachon, Grégoire Ladouari, dénonce un “malaise”. Il plaide la relaxe et demande, à défaut, de ne pas suivre le parquet sur la peine d’inéligibilité. Les derniers mots reviennent au maire. C’est la larme à l’œil et la voix enrouée qu’il s’avance à la barre une dernière fois : “on prend mille précautions au quotidien, on essaye de rester droit… Pour moi, c’était inenvisageable d’être devant le tribunal pour un acte. Et qu’on ne me parle pas des erreurs des autres, car je ne suis responsable que de mes erreurs à moi !” Le délibéré est fixé au 26 janvier.
Commentaires
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Pour quel poste cette personne a-t-elle été embauchée ? La Dgs est-elle poursuivie dans ce procès ? Quelles étaient les qualifications de la belle-mère pour ce poste ? Quelle rémunération ?cet article ne nous permet pas d’avoir toutes les informations utiles pour avoir une idée du problème que cela pose…
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Ce sont des éléments qui n’entrent pas en ligne de compte. On n’embauche pas sa belle-mère qualifiée ou pas. Point barre.
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C’est une discrimination !! Les emplois publics sont accessibles a tous. Pourquoi créer une ségrégation pour les membres d’une famille. Il existe de déport ce qui en la matière aurait du être fiait.
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Excellente tentative de “jurisprudence Dupont Moretti” :)) ça nous rappelle le “responsable mais pas coupable” ou la “pensée complexe jupitérienne” …
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