À peine vendu aux enchères par la Ville, un appartement de la Joliette déjà placé en péril

Décryptage
le 21 Fév 2023
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L'un des six logements vendus aux enchères en 2022 est aujourd'hui visé par un arrêté de mise en sécurité urgente. Encore propriétaire pour quelques semaines, la Ville n'avait pas caché la vétusté des lieux, mais n'avait semble-t-il pas poussé l'examen des balcons.

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L'appartement propriété de la Ville de Marseille est reconnaissable à ses planches clouées aux fenêtres. Crédit photo : Julien Vinzent.

L'appartement propriété de la Ville de Marseille est reconnaissable à ses planches clouées aux fenêtres. Crédit photo : Julien Vinzent.

En apparence, c’est un arrêté de mise en sécurité comme l’adjoint au maire de Marseille Patrick Amico en signe des dizaines par mois. Mais le 58, rue de Forbin n’est pas n’importe quelle adresse. Derrière le syndicat des copropriétaires à qui est adressée cette procédure d’urgence, on retrouve notamment la municipalité. Propriétaire d’un appartement vacant au 5e étage, elle était même en train de le vendre, suite à une mise aux enchères.

Ce T2 avait été retenu en 2022, avec trois autres logements, pour essuyer les plâtres d’une opération de rationalisation du patrimoine municipal. Après avoir fait le constat qu’elle disposait d’une cinquantaine de biens éparpillés dans Marseille, non utilisés et parfois couteux à entretenir et sécurisé, la Ville a pris le parti de les vendre, avec une priorité pour des primo-accédants. Deux vagues ont déjà été attribuées, pour un total de six logements.

Une vente pas encore signée

Présent lors des premières visites, en avril 2022, le conseiller municipal délégué au patrimoine Éric Méry n’avait pas vendu du rêve. Ces biens “très délabrés” étaient présentés comme “le fruit de plus de vingt ans d’inaction”. Les photos sur la plateforme en ligne permettaient déjà de l’imaginer : “accéder au logement” nécessiterait des travaux assez lourds. De là à penser que le futur acquéreur risquait de devoir gérer une procédure de péril… “On n’en avait pas du tout conscience”, assure aujourd’hui l’élu, interrogé par Marsactu.

Pour l’acquéreuse retenue, dont le choix a été entériné par une délibération du conseil municipal de juin 2022, l’arrêté est toutefois tombé avant la finalisation de la vente. “L’acte définitif n’est pas encore signé”, précise Éric Méry. Jointe par Marsactu, cette architecte de profession ne se montre pas affolée outre mesure, ces travaux étant déjà anticipés, le cadre de la procédure de péril en moins.

Des risques concentrés sur les balcons

“Quand j’ai appris qu’il y avait un arrêté, cela m’a forcément interpellé, mais je suis rassuré par le fait qu’il n’y a pas de désordre structurel, les parties communes sont en bon état”, insiste Éric Méry. Dans le détail, l’appartement appartenant à la Ville et en cours de vente serait surtout concerné pour son balcon côté cour, explique l’élu. “Le plus gros désordre de l’immeuble est sur le balcon côté rue, qui inquiétait un voisin. Sur le nôtre il n’y a pas vraiment de danger mais on va faire le nécessaire.” L’arrêté de mise en sécurité, qui se base sur une visite des services municipaux, sans intervention d’un expert nommé par le tribunal administratif, a pourtant jugé bon de l’inclure dans son constat :

“Fissuration et éclatement de béton de nez de balcon du 5e étage et de l’ancrage dans le mur de refend, entrainant un risque de chute de personnes et de matériaux sur les personnes”

Ce risque venu du balcon municipal entraîne, avec celui juste au-dessous, lui aussi dégradé, l’interdiction de l’accès à la cour. L’arrêté n’entraîne en tout cas aucune évacuation.

Au premier plan, les fissures du 2e étage. En arrière plan, la corrosion du balcon du 5e, côté rue. Photo : J.V.

Pour le client attablé à l’Impérial qui lèverait le nez en l’air, le plus inquiétant semble effectivement le balcon en pierre du 2e étage, atteint par des fissures multiples. Vérification faite, le balcon du 5e étage côté rue de l’appartement municipal, reconnaissable à ses planches clouées aux fenêtres, présente lui aussi des signes de corrosion. Relancé, l’élu indique qu’il s’agit juridiquement d’une partie commune, dont la rénovation sera votée en assemblée générale “début mars”.

Un trou dans la raquette

Le tour du propriétaire des services municipaux ne s’est pas arrêté là. Constatant par ailleurs dans l’appartement vacant du 5e étage un “effondrement du plafond en canisses, avec risque de chute de matériaux sur les personnes”, les inspecteurs ont jugé bon d’interdire son utilisation. Des fois que son propriétaire, la Ville, aurait eu des projets de location…

Le trou dans le plafond était bien visible dans les photos mises en ligne sur la plateforme d’enchères. (Source : Ville de Marseille / Agorastore)

“Comme quoi les services ne regardent pas si c’est la Ville ou pas”, commente, aigre-doux, Éric Méry. Chargée de veiller au respect des règles de sécurité, la collectivité n’adresse, en principe, pas de procédure de péril à elle-même… Pour les prochaines ventes aux enchères, ces mêmes services tatillons pourraient utilement passer en amont pour faire la différence entre le délabrement et le danger.

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Commentaires

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  1. Jack Jack

    Encore les services! C’est amusant , on pourrait préparer les prises de parole des élus à l’avance.

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    • RML RML

      Mais y a t il de la fumée sans feu?

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    • Andre Andre

      Je le répète, il n’y a pas de falsification permettant de mettre des immeubles en péril. D’ailleurs les tentatives de falsification qui avaient pour but de rouvrir des immeubles dangereux pour raison électorale ont été bloquées par le service qui en avait au final la responsabilité.
      Certes, il y a eu, fin 2018, des arrêtés de péril qui n’étaient pas suffisamment justifiés. Mais il s’agissait d’une période très particulière où l’administration était totalement débordée par le tsunami de signalements et pendant laquelle les experts du tribunal eux mêmes manifestaient une prudence excessive. Les conditions ne sont plus les mêmes.
      On ne déclare pas un immeuble en péril à la légère. Même à Marseille il y a des règles et des gens compétents.
      Mais c’est certain, ce n’est pas de nature à nourrir des articles de presse ni des rumeurs croustillantes…

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    • Andre Andre

      Désolé, problème d’aiguillage.

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  2. Andre Andre

    Ah bon, Marsactu, la Ville vend des logements en mauvais état et ce sont les services qui signalent le péril qui sont tatillons?!
    Soit ils sont incompétents et corrompus (cf l’article sur les permis et l’action de Mme Chaboche) soit, s’ils font leur boulot, ils sont tatillons. Faudrait savoir !
    Si vous voulez du grain à moudre sur le sujet, vous pourriez faire un article sur l’état des propriétés municipales. Ça mange pas de pain, c’est la faute à ceux d’avant. Ces immeubles sont parmi les plus pourris du centre ville. Pour exemple, rue Bernard Dubois où la menace d’effondrement a obligé la fermeture des immeubles mitoyens en bon état (sans doute encore un fonctionnaire tatillon). Vous avez aussi un bel exemple au bas de la Montée des Accoules. Mais il y en a plein d’autres…

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    • Andre Andre

      Pour conclure, je trouve dans cet article une certaine complaisance avec l’équipe municipale, quitte à s’improviser expert en bâtiment et donner des leçons aux services compétents sur la différence entre délabrement et réel danger. Un immeuble n’est jamais fermé à la légère. Qu’auriez-vous écrit si un sinistre était survenu après la vente de l’appart?
      Pour expliquer ses difficultésn. l’équipe du PM est toujours prête à dénoncer non seulement l’ancienne municipalité mais aussi les services qui seraient tous incompétents ou estampillés Gaudin.
      Il est décevant de voir Marsactu lui emboîter le pas sans procéder aux vérifications qui s’imposent.

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  3. polipola polipola

    Pour aller plus loin sur le sujet, ce serait vraiment intéressant d’enquêter sur la corrélation entre appartements / immeubles en péril et rachat par des investisseurs pour en faire du airbnb. Est-ce que l’architecte dont il est fait mention dans l’article envisage de vivre dans cet appartement ?

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    • Andre Andre

      Ne vous racontez pas d’histoire,nil n’y a aucun lien. Les immeubles déclarés en péril sont réellement dangereux et il ne peuvent être reoccupés qu’après des travaux conséquents de nature à mettre un terme durable au péril. De quoi décourager des investisseurs d’ainnb.
      Ben non, désolé, tout n’est pas que magouille.

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    • Andre Andre

      Ne vous racontez pas d’histoire,nil n’y a aucun lien. Les immeubles déclarés en péril sont réellement dangereux et ils ne peuvent être reoccupés qu’après des travaux conséquents de nature à mettre un terme durable au péril. De quoi décourager des investisseurs d’ainnb.
      Ben non, désolé, tout n’est pas que magouille.

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    • polipola polipola

      Si ça vous rassure de le penser, allez-y !

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    • Andre Andre

      Il n’y a pas lieu de vouloir se rassurer, j’ai suffisamment de connaissances sur le sujet pour l’affirmer. Mais c’est tellement plus croustillant d’entretenir la suspicion….

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    • polipola polipola

      donc, au vu de vos connaissances, vous pouvez assurer que ce phénomène n’existe pas ?

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    • Andre Andre

      Les techniciens qui déclarent qu’un immeuble est en péril le font en toute liberté et conscience professionnelle, sans bien évidemment aucun lien avec un quelconque investisseur. Il faut cesser de fantasmer sur le sujet. Une rumeur court paraît il sur le sujet mais elle est sans fondement aucun, je peux l’assurer.
      Il est clair cependant que l’état dégradé de ce bâti peut a posteriori attiser certains appétits. Mais à qui la faute? Ce ne sont pas les analyses qui provoquent la maladie…
      Une précision, sous l’ancienne municipalité, il y a eu des tentatives de pression de la part d’une certaine haute hiérarchie qui agissait sur ordre, pour, à l’inverse, réouvrir plus rapidement des immeubles déclarés en péril, quitte à trafiquer des arrêtés rédigés par le service. Nous étions, il va de soi, à la veille des élections municipales.

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    • polipola polipola

      André, il existe aussi des falsifications qui permettent de mettre en péril des immeubles, pour pousser les locataires à partir et revendre l’immeuble à des investisseurs. Ce n’est pas une rumeur, c’est un fait avéré et corroboré.

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    • Andre Andre

      Je le répète, il n’y a pas de falsification permettant de mettre de manière injustifiéedes immeubles en péril. D’ailleurs les tentatives de falsification qui avaient pour but de rouvrir des immeubles dangereux pour raison électorale ont été bloquées par le service qui en avait au final la responsabilité.
      Certes, il y a eu, fin 2018, des arrêtés de péril qui n’étaient pas suffisamment justifiés. Mais il s’agissait d’une période très particulière où l’administration était totalement débordée par le tsunami de signalements et pendant laquelle les experts du tribunal eux mêmes manifestaient une prudence excessive. Les conditions ne sont plus les mêmes.
      On ne déclare pas un immeuble en péril à la légère. Même à Marseille il y a des règles et des gens compétents.
      Mais c’est certain, ce n’est pas de nature à nourrir des articles de presse ni des rumeurs croustillantes…

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  4. Christian Christian

    Encore et encore le calamiteux héritage de la gestion Gaudin et consorts. On pourra continuer longtemps de l’écrire, vu l’ampleur du désastre dans tous les domaines.

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  5. Patafanari Patafanari

    Caveat emptor.

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    • Alceste. Alceste.

      Et je dirais même plus :abyssus abyssum invocat.

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    • Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

      De profundis clamavi ad te.

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  6. Alceste. Alceste.

    Cher 8eme, et où avez vous mis le Domine?.

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  7. GENIA GENIA

    Savez-vous comment la ville s’est permise de racheter un quartier entier un misère ? Voué à la démolition, après des années à laisser à pourrir le secteur, elle a cédé la gestion à son aménageur préféré et la on a mis le paquet pour accélérer la dégradation. Les Arrêtez de périls se sont mis à pleuvoir sur tous les immeubles : On demandait aux propriétaires de réhabiliter leurs immeubles voués à la démolition, en précisant qu’ils allaient être ensuite expropriés une bouchée de pain….Autant dire, que ce fut la poudre d’esquenpete ,

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  8. GENIA GENIA

    Poudre d’escampette (suite). Le problème s’est posé lorsque certains ont essayé de faire de la résistance : leur immeuble était entretenu et ils souhaitaient être racheté au prix du marché. Là ces organismes ont redoublé d’imagination perverse pour arriver à leur fins : Dégager les contestataires et les sanctionner encore plus en minorant leurs indemnités compensatrices. Ils ont réussi leur coup, mais pas seuls, ils ont tant d’alliés dans cette ville, près à coopérer….N’est-ce pas Monsieur PATRIS, vous qui étiez aux premières loges, aux services de la SOLEAM, à ce moment là ?
    Vous n’avez pas oublié, n’est-ce pas ?
    OUI, la magouille est reine dans cette ville et ce qui se sait est tellement insignifiant par rapport à la réalité.

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  9. Richard Mouren Richard Mouren

    Apparemment, il s’agit d’un arrêté de mise en sécurité concernant une partie de l’immeuble et non un arrêté de péril de l’immeuble. L’acheteur, architecte, semble avoir prévu la réparation de ce dommage et était complètement au courant de l’état du délabrement intérieur. Que cet arrêté de mise en sécurité ait été pris même si, techniquement, la Ville est toujours propriétaire du bien, me semble normal. C’est le meilleur moyen pour que les risques pour la population soient écartés quelque soit le propriétaire du bien. Le sujet de l’article est pour moi un non-problème au titre inexact (mise en sécurité et non péril) mais susceptible de faire parler, but atteint.

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    • Andre Andre

      Nous sommes d’accord. Il y a dans cet article une certaine ambiguïté qui, esprit du temps, est de nature à jeter un doute sur le travail des fonctionnaires.
      J’ai la nette impression que cette suspicion est pour beaucoup alimentée par l’équipe municipale qui y trouverait une bonne raison de justifier son inaction.
      Aux journalistes de ne pas tomber dans le panneau.

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