À la Castellane, la rénovation prend forme mais bute toujours sur l’avenir du centre social
Les premiers signes de la rénovation sont désormais visibles dans la cité des quartiers nord. Mais alors qu'une tour doit être prochainement démolie pour créer une voie de circulation au centre de la cité, le sort du centre social, situé à l'endroit de cette future route, n'est toujours pas réglé.
Le centre social de la Castellane, au coeur de la cité, doit être détruit, ainsi que la tour K, en arrière-plan. (Image LC)
C’était au printemps 2016, la démolition d’une barre de logements à la Castellane était retardée pour cause de bras de fer politique autour de l’avenir du centre social. Presque trois ans plus tard, plusieurs signes indiquent que la grande rénovation approche, la barre a bien été démolie mais au sujet du centre social … rien de nouveau.
La voie centrale qui doit “ouvrir” la cité aux allures de forteresse commence à se dessiner. Avec la première démolition, le cœur de la Castellane débouche désormais sur l’horizon. Dans cet axe, l’esplanade de la Tartane accueille des jeux pour enfants installés provisoirement par le bailleur. Tandis qu’à l’autre extrémité, la tour K, à la renommée mondiale en raison des trafics qu’elle a pu abriter, ne compte plus que deux familles, qui devraient être relogées d’ici au mois de juin. “Ensuite, le désamiantage pourra être lancé, avant la démolition en elle-même qui sera visible à l’automne”, indique Nicolas Binet, directeur de Marseille rénovation urbaine (MRU).
“On n’a pas demandé à être bougés !”
Au milieu de cet axe ne restera plus que le centre social, caillou récalcitrant dans la chaussure de la rénovation urbaine. “Il faut reloger et démolir le centre social pour pouvoir faire la voie, mais ce sera dans la foulée”, assure Nicolas Binet. Sauf qu’à ce jour, après des années de tractations, aucun point d’accord n’a été trouvé entre les aménageurs et le centre social, qui est propriétaire de ses murs. Leur dernière rencontre fin janvier, n’a pas permis d’avancée.
Le directeur du centre social, Nassim Khelladi, ne décolère pas. “C’est aberrant, on n’a pas demandé à être bougés ! L’association est propriétaire, s’ils décident de détruire, ils doivent nous redonner une propriété, déplore-t-il. Mes salariés veulent savoir ce qu’ils vont devenir. Aujourd’hui, on n’a aucun document écrit, rien. On va être délocalisés, c’est sûr, mais où ? Dans quelles conditions ?”
“L’association est propriétaire, à cela se surajoute l’agrément centre social. Ce sont deux choses différentes, il faut déconnecter l’immobilier du centre social”, estime pour sa part Arlette Fructus, présidente de MRU et en charge de la politique de la Ville. Impossible pour la municipalité d’imaginer offrir un centre social clés en main à l’association pour remplacer l’ancien. Au cœur des inquiétudes, le risque de voir l’association perdre un jour l’agrément “centre social” délivré par la CAF, tout en étant propriétaire d’un bâtiment flambant neuf pensé pour en être un. Ou encore de voir un jour l’association dissoute, et le bâtiment perdre sa fonction au gré d’une revente.
“L’association doit se préoccuper de son indemnisation, pour laquelle on peut imaginer plusieurs formules, et de l’activité de centre social, qui est autre chose, soutient l’élue. Il y aura évidemment un centre social, avec certainement une vocation géographique plus large”. À en croire l’élue, la solution est la suivante : l’association actuelle pourrait gérer le futur centre social, sans être propriétaire des murs, avec au passage, une indemnisation pour la perte de ses locaux. Le concept de délégation de service public (DSP), de plus en plus répandue dans les centres sociaux marseillais, fait forcément partie des options privilégiées par la Ville.
“Si demain il y a une DSP, c’est fini”
Mais pour l’équipe actuelle, cette forme de partenariat est inenvisageable. Affilée à aucune fédération, propriétaire de ses murs, l’association ne veut pas être soumise à un processus de sélection et à un contrat qui la rendrait prestataire de la Ville. “Si demain il y a une DSP, c’est fini, assure Nassim Khelladi, qui use volontiers de sa liberté de parole. On a mis du temps à se faire respecter, à se faire connaître. Si on doit candidater, on sait qu’à la fin ils prendront EPISEC ou l‘IFAC“. Une référence aux récentes attributions des Maisons pour tous marseillaises, où les anciennes associations en place de longue date ont été quasiment balayées par d’autres, accusées d’être proches de la majorité municipale.
“Cette équipe est là sur le terrain depuis des années, ils sont incontournables, et il n’y aura pas beaucoup de candidats pour les remplacer”, veut croire Arlette Fructus. L’association propose comme alternative le choix d’un bail emphytéotique, qui n’a semble-t-il toujours pas convaincu leurs interlocuteurs. Des deux côtés de la table de négociation, alors que la nouvelle étape des travaux est imminente, les nerfs sont mis à rude épreuve. “On ne veut pas être bloquants pour le projet, mais on ne va rien lâcher”, promet Nassim Khelladi.
Mais la rénovation de la Castellane ne se fera pas seulement pour l’ouverture d’une voie. Nicolas Binet rappelle que l’objectif définitif reste “la réhabilitation des 1000 logements” de la cité. “Ce ne sont pas tous les mêmes, il n’y a pas eu le même entretien, il faut faire des réponses adaptées, essayer de diversifier l’offre et éventuellement changer la taille des appartements”. Une philosophie pour le projet : “la dédensification”, afin que cette cité à problèmes puisse respirer plus aisément. Mais, spectateurs de tensions qui les dépassent, les habitants ne sont pas encore gagnés par le rêve d’une cité nouvelle. Sur la place de la Tartane, une grand-mère reste sceptique. “Ce n’est pas bien ici, moi je veux partir, mes enfants aussi. Je ne veux pas que mon petit-fils grandisse ici”, confie-t-elle en désignant de la tête les entrées de la cité, où les guetteurs des réseaux font toujours leur loi.
Renouveau au parc de la Jougarelle
Projet contenu dans la première phase de rénovation de la cité, le parc de la Jougarelle démarre ces jours-ci une nouvelle vie. Mis en forme par le centre social durant trois ans, le parc situé en contrefort de la cité a été confié en 2018 aux services parcs et jardins de la Ville. Le parc a ensuite connu une année de quasi-sommeil, dénoncée par Nassim Khelladi, qui parlait d’un “abandon” des lieux dans La Marseillaise.
À l’approche du printemps, la situation avance. En février, la Ville a signé une convention avec l’association en charge d’animer les 2000 mètres carrés de jardins partagés, nommée Les Rudologistes associés. “Ce sera un jardin collectif et non pas divisé par parcelles, explique la paysagiste Sophie Barbaux. Énormément de gens ont demandé à participer, ce serait impossible de répondre à toutes les demandes. Ainsi tout le monde pourra venir jardiner quand il veut. Les outils, les graines et les plantes seront fournis”. Le jardin démarrera son activité au mois de mai. En attendant, Sophie Barbaux va à la rencontre des écoliers du quartier pour préparer leur participation au jardin.
À ses côtés dans le parc, l’association Sigma formation investit depuis plusieurs mois les lieux avec ses élèves, stagiaires et apprentis, dans le cadre d’une convention gratuite avec la Ville. Enfin, l’association 3.2.1., déjà à l’origine du journal des femmes de la Castellane, La baguette magique, organise depuis peu des “mercredis buissonniers” auxquels sont conviées les familles du quartier. Lors de notre visite, un jour de mistral, les habitants se faisaient tout de même rares. L’espace de la Jougarelle, ouvert 24h sur 24, a certes besoin d’un petit toilettage, notamment pour nettoyer les traces de véhicules qui y sont régulièrement brûlés. Mais, aux portes de la cité, il a tout pour séduire.
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