À gauche, une manifestation pour l’union : “on n’a pas le choix”

Reportage
le 11 Juin 2024
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Plusieurs milliers de manifestants, dont des centaines de lycéens, se sont retrouvés ce lundi soir à Marseille à l'appel du patron de la CGT 13, Olivier Mateu, pour un premier rassemblement en faveur d'une union des gauches et contre l'extrême droite.

Rassemblement devant la préfecture à Marseille, le 10 juin 2024. (Photo : CMB)
Rassemblement devant la préfecture à Marseille, le 10 juin 2024. (Photo : CMB)

Rassemblement devant la préfecture à Marseille, le 10 juin 2024. (Photo : CMB)

Il est rare que la place Félix-Baret se remplisse aussi vite. Peu après 18 h ce lundi, plusieurs milliers de manifestants – 2200 selon la police – sont rassemblés devant la préfecture après l’appel lancé par Olivier Mateu, secrétaire général de la CGT 13. “Chacun a son poste de combat. Les syndicats doivent organiser la grève contre le fascisme partout. Les partis se réclamant du progrès doivent se mettre au service de la construction d’un front populaire. L’histoire ne pardonnera aucune faute. Rdv demain 18h Marseille Préfecture”, a tweeté ce dernier dimanche, à l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale. Lors des élections européennes, le Rassemblement national emmené par Jordan Bardella est arrivé en tête des votes avec 31% des scrutins exprimés au niveau national, et 30% à Marseille.

Près de 24 heures de sidération plus tard, chacun semble bien s’être mis à son poste de combat. Et si les partis se réclamant du progrès n’avaient encore rien révélé des tractations en cours, ils étaient bien là, dans les rues de Marseille, aux côtés de très nombreuses organisations syndicales. Dans le désordre : Parti communiste, Europe-Écologie les Verts, Parti socialiste et Place Publique, Générations, et trois drapeaux de La France Insoumise. “On a peu de drapeaux, mais on est nombreux”, veut rassurer Fred, un adhérent venu des Cinq-avenues, soutien du député Hendrik Davi. La grande union, ce militant veut y croire, “sur la base du programme établi par la Nupes”, même s’il a tout de même “peur que cela ne marche pas”.

La suite de la soirée le rassurera. Peu avant 23 h, les principaux partis de gauche dont LFI, EELV, le PS et le PCF annoncent dans un communiqué commun présenter une candidature unique dans chaque circonscription du pays, pour “bâtir ce nouveau front populaire” réclamé par la rue.

“Je suis pour l’union la plus large possible, y compris avec les Insoumis, on ne peut pas se permettre autre chose”, résume Sébastien Barles, adjoint au maire (EELV) à la transition écologique, croisé dans la manifestation avant l’annonce de l’accord. De très nombreux élus de la majorité municipale ont fait le déplacement. Avec la volonté d’un “Printemps marseillais pour la France”, pour reprendre la formule utilisée dimanche soir par le maire (divers gauche) Benoît Payan, parti à Paris lundi pour prendre part aux discussions nationales. Un Printemps Marseillais national qui intégrera donc, cette fois, les Insoumis.

Quelques heures avant le rassemblement, l’adjoint (PS) à l’économie Laurent Lhardit résumait les choses ainsi : “ce n’est pas du résultat du Printemps marseillais dont on parle, mais de la démarche.” Et d’ajouter, en imaginant le scénario du pire, celui d’un gouvernement d’extrême droite après les législatives du 30 juin et du 7 juillet : “si dans deux mois, on est obligés d’organiser une municipalité de résistance, on aura besoin de tout le monde.”

Les lycéens emmènent le cortège

En attendant la fin des tractations, les organisations syndicales se sont succédé au micro du camion de la CGT. FSU, SNUipp… Les prises de paroles sont presque inaudibles, tant la foule est dense. Seule la voix d’Olivier Mateu parvient à percer au-delà des premiers rangs, malgré la formation de batucada qui lui fait concurrence. “Bonsoir à tous les jeunes !”, lance-t-il en préambule.

Les lycéens forment le gros du cortège. “C’est un appel du MNL [Mouvement national lycéen], renseigne une adolescente. Une autre jeune fille, en cours à Thiers, explique être venue avec tous ses amis “pour lutter contre l’extrême droite et les fascistes”. Autour d’elles, des pancartes indiquent “Nik le RN”, “Jordan Merdella”, ou “La jeunesse emmerde le Front National”. Le slogan est scandé. On chante aussi l’Internationale. Des drapeaux palestiniens flottent au-dessus des têtes. D’autres manifestants ont imprimé des pancartes rouges et blanches qui affichent “Front Populaire”, reprenant l’image postée ce dimanche soir par le député picard siégeant dans les rangs insoumis, François Ruffin, sur Instagram, et devenue virale.

Mené par les lycéens, le cortège a fait un crochet sur le Vieux-Port avant de remonter la Canebière. (Photo : CMB)

“On n’a pas le choix”, lance Théo, la vingtaine, qui comme beaucoup d’autres manifestants, est à court de mots. Pour ce Marseillais qui a grandi au Vieux-Port, “le score du RN à Marseille ne représente pas les valeurs intrinsèques à la ville. C’est ça qui nous révolte.” Un de ses amis, Nicolas, renchérit : “on est contre les fachos.” Tous les deux ont voté pour la liste de Manon Aubry dimanche, qui est arrivée en deuxième position à Marseille avec 21 % des voix. Ce lundi matin, Nicolas a pris la décision d’adhérer à La France Insoumise.

Dans son discours, Olivier Mateu dénonce “un coup d’État mené par le président de la République actuel, avec la complicité du RN”. La foule applaudit. “Que personne, ni dans les quartiers, ni dans les villes et ni dans les villages ne se sente exclu de notre combat !”, lance-t-il. Le syndicaliste promet des mouvements de grève. Et répète que “chacun doit prendre sa part”. Il conclut en appelant à une première manifestation sur le champ, en prenant la direction du siège du Medef local, l’UPE 13. La foule applaudit. Les lycéens s’engouffrent en tête de cortège, traversent la rue de Rome, s’arrêtent au Vieux-Port et repartent vers la Canebière, emmenant des milliers de manifestants derrière eux. Ce premier rassemblement en appellera d’autres. Dans leur communiqué commun, les partis de gauche appellent d’ores et déjà à “rejoindre les cortèges” et “manifester largement” pour “construire une alternative à Emmanuel Macron et combattre le projet raciste de l’extrême droite”.

Avec Jean-Marie Leforestier

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Commentaires

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  1. Andre Andre

    “Organiser la grève conte le fascisme” “municipalité de résistance”. Non mais… ils devraient arrêter de jouer à Jean Moulin.
    En avant propos, le RN n’est pas ma tasse de thé, mais il faut raison garder et arrêter de se gargariser de mots. Si ce parti est fasciste comme il est proclamé par nos grands Résistants, il fallait l’interdire, lui interdire de se présenter aux élections et basta! C’est ce que je disais déjà il y a plus de 40 ans, à l’époque du père et on me répondait que non, que ce ne serait pas démocratique. En fait, on s’en est servi longtemps, comme repoussoir, pour mieux exister, de se faire élire tranquillement par un “front républicain”, sans pour autant faire grand-chose. Maintenant, tout ce petit monde est pris à son propre jeu.
    Municipalité de résistance, rigolade, Résistance contre qui? Contre 40 pour cent d’électeurs qui se seraient prononcés librement en faveur du RN?
    Cette municipalité dite “de gauche” ferait mieux de commencer par traiter correctement ses agents.
    Quant à cette union des gauches, ce “Front populaire ” (sic) j’ai du mal à y croire. Ruffin est sincère, mais les autres, tous les autres… Il y a une semaine, le PS traitait LFI d’antisémite, Roussel était qualifié par cette dernière de Doriot, c’est à dire de collabo, de nazi… Et maintenant on met tout ça sous le tapis?! Pour essayer de garder ses places sans doute.
    Je crois que dans 3 semaines, j’irai apprendre à pêcher.

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    • julijo julijo

      c’est sûr qu’il vaut mieux bardella premier ministre ???
      loin des chicayas de la “gauche”, les grands embrassades du fn de le pen/bardella et de maréchal lepen/zemmour….c’est mieux.

      est-ce bien le moment de “régler des comptes” alors que nous traversons une période dangereuse pour la démocratie française ?
      même si à juste titre, il y aurait à faire des critiques très réelles que je partage, je préfère une amnésie partielle et une gauche un peu boiteuse, façe aux dangers multiples de l’extrême droite aux manettes dans notre pays.

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    • Andre Andre

      Juliejo, de cette alliance de “gauche” de convenance, couteaux sous le manteau et sans programme, avec des partis opposés sur des sujets primordiaux, il ne sortira rien.
      L’urgence? Il fallait y penser avant et se demander pourquoi la montée dans les urnes de ce parti ne s’est pas démentie depuis des années.
      On oublie simplement une chose, pourtant tellement évidente: si jamais le RN l’emporte, c’est bien parcequ’une majorité de citoyens aura voté pour ce parti. Ce n’est pas avec des gesticulation de dernière minute, avec une alliance factice ni en traitant la moitié du pays de fachos qu’on apportera une solution à cette question de fond.

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    • Avé Avé

      On parle union avant de parler ligne politique. Résultat, des voix du PS et de Place Publique commencent déjà à freiner, à indiquer que les discussions ont commencé et que rien n’est acté. L’union oui, mais pour quoi et avec qui ? Envisager Glucksmann et Mélenchon sur le même bateau ce n’est pas sérieux, donc il va falloir trancher sur des questions essentielles si un gouvernement de gauche arrive au pouvoir : la position sur l’Ukraine, le Hamas, les déficits, la réforme des retraites (entre abroger la dernière réforme et la retraite à 60 ans pour tous il y a un monde), le nucléaire, etc. Il y aura bien sûr des convergences mais on ne peut compter que sur ça et passer l’ardoise sur les insultes reçues durant toute la campagne par le camp qui était devant dans les sondages. Il y a des divergences de fond et de forme, et la forme importe autant que le fond dans des institutions démocratiques.

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  2. barbapapa barbapapa

    Compliqué, des attitudes et des gens repoussoirs pour beaucoup d’électeurs de gauche devraient faire profil bas : Matteu que l’on peut qualifier de dinosaure stalinien car lui même n’a pas peut du qualificatif, les drapeaux palestiniens qui n’on absolument rien à faire là, pourquoi pas des drapeaux israéliens pour le soutien aux otages ? et après on se bagarre dans la manif ? Attaque de l’UPE13 ? Front populaire ? ça rappelle des époques que l’on n’a pas envie de vivre ! Quand on veut gagner des élections, il faut rassembler, pas repousser

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    • julijo julijo

      repoussoirs ? certes, bardella, lepen, maréchal…et zemmour, sont corrects à peu près polis et propres sur eux.
      (c’est ce que pensait probablement hindenburg en allemagne en 1933)
      (et le front populaire en 1936 était plutot joyeux)

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  3. Patafanari Patafanari

    Les Castors Juniors.

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  4. manudu83 manudu83

    petit rappel historique : il y avait plus d’écart idéologique entre Thorez et Herriot au sein du front populaire, qu’il n’en existera jamais entre Melenchon et Glucksman. Et ils étaient en désaccord sur des points importants comme l’aide dans la guerre civile en Espagne, qui était largement plus proche que le conflit ukrainien.

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    • Andre Andre

      Il s’est d’ailleurs vite cassé la gueule. Malheureusement.

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    • julijo julijo

      en 1972, le “programme commun” était davantage révolutionnaire et les différences entre ps et pc étaient à l’époque plus importantes qu’aujourd’hui. et en 1981 mitterrand a été élu sur cette base.

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    • julijo julijo

      par ailleurs, nous bénéficions encore (un peu) des acquis sociaux de 1936
      tout ne s’est pas cassé la gueule.

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    • Andre Andre

      Julijo, vous nous parlez d’accords qui avaient mis des mois et des années à murir, non sans difficultés. Aujourd’hui, il s’agit d’arrangements à la va-vite. Pour sauver les meubles et… les postes.

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  5. Andre Andre

    Si cet accord se concrétise, ce qui n’est pas gagné, je pense que les électeurs de gauche seront très attentifs à l’appartenance du candidat FP de leur circo. Croyez vous vraiment qu’un électeur plutôt PS de Glucksman voterait pour un LFI qui a tenu des propos troubles sur les Juifs? Tiens, je viens d’entendre Garrido (pas la pire pourtant) dire qu’il fallait réfléchir sur la place des “Juifs de gauche” dans le parti…. Ah bon, c’est donc un sujet?!…

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    • manudu83 manudu83

      La sociologie électorale, fait bien les choses, dans les circonscriptions tenues par LFI actuellement le vote Glucksmann est globalement faible (sauf sur Paris intramuros).

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    • julijo julijo

      pas entendu garrido, mais “juifs de gauche” ???? c’est nouveau ??? à mon goût bizarre, et surtout mal venu…voir dans le contexte. on sort toujours des bouts de phrase comme ça, et on tricote dessus….à tort.
      a priori glucksman se retire du nouveau FP !! un peu logique quand même. au départ le ps ne se mettait ok sur aucune tête de liste pour les européennes, glucksman les a séduit…mais est il vraiment à gauche, alors qu’après la géorgie il était sarkoziste, puis il a créé place publique…je pense qu’il ne va pas forcément tarder à devenir macroniste….

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    • Avé Avé

      Tant qu’à soupçonner Glucksmann d’être un social-traître prêt à rallier le macronisme, posons-nous la question qui tue : lfi est-elle de gauche ? Un parti au fonctionnement interne catastrophique digne de Russie Unie, l’incapacité à dénoncer un attentat terroriste et la publication d’un communiqué ignoble le jour même du 7 octobre, l’outrance et l’intolérance, le jacobinisme à tout crin, est-ce vraiment de gauche ? Quand la vision des relations internationales de ce partie se rapproche de celle de tous les régimes autoritaires qui en veulent à nos démocraties, quand le modèle est fondé sur le charisme personnel et la soumission, quand y compris les propositions pleines d’espérance ont un fond d’aigreur et de revanche, est-on bien à gauche ? Il ne suffit pas d’un pseudo-internationalisme et d’un clientélisme électoral dans les banlieues pour emporter l’adhésion de toute la gauche.
      Donc pour l’union c’est oui, mais en définissant la ligne avant. Sinon bien d’autres se poseront les mêmes questions et hésiterons à voter.

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  6. MarsKaa MarsKaa

    Curieuse présentation dans l’article de ce rassemblement politique. De nombreuses personnes sont spontanément allées devant la Préfecture non pas à l’appel de Mateu, qu’ils n’ont même pas lu ou entendu, mais par le bouche à oreille. Notamment les lycéens. Mais pas que. Et le motif était non pas une manif contre les fachos, mais un rassemblement pour une union des partis de gauche.

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