À Aix, Anne-Laurence Petel persiste pour prouver qu’elle existe

Anne-Laurence Petel face à la presse dimanche 30 juin 2024. (Photo : ML)

Et à la fin, il n’en reste qu’une. Dans les Bouches-du-Rhône, d’heure en heure, tous les candidats qualifiés pour le second tour des élections législatives arrivés en troisième position ont fini par se désister pour faire barrage au Rassemblement national (RN). Aussi bien du côté du Nouveau front populaire (NFP), comme Alexandre Beddock (8e circo) qui a annoncé sa décision ce mardi, qu’au sein du camp présidentiel, avec la déclaration de Sabrina Agresti-Roubache dès dimanche soir (1ere circo). Tout le monde sauf une.

Comme elle l’avait promis juste après les résultats, la députée sortante Anne-Laurence Petel (Renaissance) persiste et signe : elle maintient sa candidature au second tour dans la 14e circonscription (Aix centre et Nord-Est du pays d’Aix).

Le soir du premier tour, le Premier ministre avait pourtant déclaré : “pas une voix doit aller au RN”, et appelé “au désistement de nos candidats dont le maintien en 3e position aurait fait élire un député RN face à un autre candidat qui défend comme nous les valeurs de la République”. Anne-Laurence Petel estime ne pas entrer dans cette catégorie. Elle a toutefois terminé troisième avec 28,9 % des suffrages exprimés, derrière le candidat du RN Gérault Verny (31,6 %) et le maire PS du Puy-Sainte-Réparade, Jean-David Ciot (29,5 %) sous la bannière NFP.

L’argument du “mouchoir de poche”

“Parce que je ne peux me résoudre à laisser l’un des deux extrêmes représenter le pays d’Aix à l’Assemblée nationale, j’ai décidé de maintenir ma candidature au second tour”, annonçait la candidate à la sortie des urnes dimanche 30 juin en justifiant : “Tout se joue dans un mouchoir de poche. Il y a 380 voix d’écart et une réserve.” Un message que la députée sortante a martelé dans la presse les jours suivants jusqu’à passer de la théorie à la pratique en déposant ce mardi 2 juillet sa candidature en préfecture pour le second tour.

Anne-Laurence Petel est légitime démocratiquement. Elle a pris sa décision. Il faut la respecter.

Bertrand Mas-Fraissinet, responsable départemental Renaissance

Autour d’Anne-Laurence Petel on affirme être dans les clous de la consigne donnée par le Premier ministre. “Jean-David Ciot et la gauche essayent de faire passer le message qu’elle est dissidente, mais il n’en est rien”, défend-on dans son entourage.  “Je viens en soutien d’Anne-Laurence Petel”, affirme ainsi le président départemental de Renaissance, Bertrand Mas-Fraissinet. “Il y a une règle générale largement appliquée, y compris dans les Bouches-du-Rhône, et il y a quelques situations locales qui se regardent avec attention dans le cadre de notre volonté de faire échouer une majorité RN”, explique le représentant officiel du camp présidentiel. Il balaie toute critique : “On n’a aucune leçon à recevoir. Anne-Laurence Petel est légitime démocratiquement. Elle a pris sa décision. Il faut la respecter.”

Malgré ce décalage avec la consigne donnée, la candidate Renaissance martèle avoir le soutien du Premier ministre Gabriel Attal. Un post a effectivement été publié sur ses réseaux sociaux en ce sens ce mardi avant d’être rapidement dépublié, puis republié après l’heure de clôture du dépôt des listes. Il comporte une citation attribuée au Premier ministre : “Pour l’emporter face au RN et défendre le travail, le respect des valeurs républicaines, Anne-Laurence Petel est la mieux placée. Elle peut compter sur mon total soutien pour ce 2nd tour”.

L’équipe de la candidate espère aussi un message de soutien de la part du président de la région Renaud Muselier. Ce dernier a fixé comme ligne “aucune voix au RN”. “Ensuite, il y a la question de qui est le mieux placé pour les battre”, ajoute son entourage. Mais pour le cas d’Anne-Laurence Petel, qui ne fait pas partie de son cercle proche, le camp Muselier “attend la consigne nationale pour se positionner.” Ce jeu de la chasse au post de soutien sur les réseaux sociaux amuse en tout cas un observateur : “Ça doit tanguer”.

“c’est notre candidature qui va faire barrage”

Lundi 1er juillet dans la soirée, une réunion technique était organisée avec des militants et l’équipe de campagne autour de la candidate pour expliquer sa décision. “Il n’y a pas eu de polémique”, assurait un des participants à l’issue de l’échange. Anne-Laurence Petel et ses sympathisants sont sûrs de leur stratégie. “Soit on passe à la guillotine du choix LFI ou Front national, soit on a la chance qu’une candidate se maintienne pour défendre nos valeurs. Il faut aller au bout de nos convictions, soutient un de ses proches. Après, on sait très bien que beaucoup de critiques disent qu’on donne un avantage au RN. J’entends, mais je ne peux pas aller voter pour des gens contre lesquels je me bats au quotidien.”

L’équipe de la députée sortante est également certaine de ses calculs pour rattraper les 2000 voix qui la séparent du candidat d’extrême droite arrivé en tête au premier tour. Selon eux, un front républicain derrière le candidat de la gauche n’aurait pas marché à Aix-en-Provence. “On a des sondages selon lesquels un quart des électeurs d’Ensemble est prêt à voter pour le Nouveau front populaire. Si elle se désistait, le RN passait, avance-t-on dans sa garde rapprochée, en martelant : “c’est notre candidature qui va faire barrage républicain”.

La parlementaire sur la sellette estime être la seule à pouvoir récupérer les quelque 4000 voix du candidat Les Républicains (LR). “Je crois que ces 6 % n’iront pas vers le RN”, martèle un des proches d’Anne-Laurence Petel. Cette croyance en cache une seconde : “Il faut aussi que nos électeurs comprennent qu’il faut tous qu’ils revotent pour nous”. Or, chez LR, on a des doutes sur ces calculs. Pour Alexandre Gallese, référent LR de la 14e circonscription : “Ça ne suffira pas.”

Appels au retrait sans effet

Face à l’obsession électorale de la candidate macroniste, des voix commencent à s’élever. Dès le soir du premier tour, son adversaire du Nouveau front populaire, Jean-David Ciot, dénonçait “une décision qui fait marchepied à l’extrême droite”. Le maire de Marseille Benoît Payan (divers-gauche) a, lui, interpelé la députée sortante sur les réseaux sociaux :“si vous choisissiez de vous maintenir, vous ajouteriez le déshonneur à la défaite”. Trop tard, l’Aixoise est déjà passée en préfecture. “J’exprime mes regrets concernant la candidature maintenue d’Anne Laurence Petel”, indique de son côté Mohamed Laqhila (Modem), l’ancien député et candidat malheureux dans la 11e circonscription voisine. Lui-même a d’abord voulu se maintenir, avant de rétropédaler. Une pétition et un appel à une manifestation le 3 juillet circulent également à Aix-en-Provence.

“C’est des trucs nationaux, ça veut rien dire. (…) Elle ne va pas céder face à ces pressions”, soutient-on dans l’équipe de la parlementaire en suspens. La candidate dénonce même un “harcèlement” à son égard, dans un entretien à France Bleu Provence ce 2 juillet. Si, dans son camp, tout le monde affiche publiquement un soutien indéfectible, à mots couverts, l’inquiétude ressort. “On a peur, car si le RN passe finalement, c’est emmerdant pour nous ensuite, souffle-t-on. On pourrait se tirer une balle dans le pied“.