Un sociologue dénonce la logique de “pourrissement” derrière la rénovation urbaine

Interview
le 4 Mar 2025
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Le sociologue Charles Reveillere s'est penché sur la rénovation urbaine des quartiers populaires. Avec une cité des quartiers Nord de Marseille comme terrain d'étude, il explique comment ces projets induisent un pourrissement des lieux qu'ils sont censés sauver.

Le mur qui fermait cet appartement a été abattu, les locataires sont persuadés qu
Le mur qui fermait cet appartement a été abattu, les locataires sont persuadés qu'il sera rapidement squatté. (Photo : C.By.)

Le mur qui fermait cet appartement a été abattu, les locataires sont persuadés qu'il sera rapidement squatté. (Photo : C.By.)

Laisser pourrir pour mieux démolir. Cela sonne comme un titre de morceau de rap. Mais, malgré les références à Keny Arkana, c’est bien d’un article universitaire qu’il s’agit. Cet hiver, le sociologue Charles Reveillere a publié, dans la revue Mouvements, un article sur un sujet d’étude qui lui tient à cœur : les politiques de […]
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Commentaires

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  1. Patafanari Patafanari

    Bizarrement les réponses de ce sociologue militant sont moins dogmatiques que les questions qu’on lui pose.

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  2. petitvelo petitvelo

    Bravo

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  3. Malleus Maleficarum Malleus Maleficarum

    Ce que ce monsieur préconise pour sortir du cycle est exactement l’objet de ces projets.

    Le fantasme de la dégradation provoquée ça s’appelle un délai, car lorsqu’il faut reloger ça ne se fait pas à la brouette, mais bien famille par famille, logement par logement, situation par situation, chacun ayant la sienne.

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  4. SLM SLM

    Autant je partage les constats ; autant je suis en fondamental désaccord sur les causes du problème et les solutions envisagées pour y remédier.

    “Aujourd’hui, les bailleurs sociaux sont carencés. Ils ont de moins en moins d’argent pour la gestion courante, de moins en moins de subventions, de financements, notamment de l’État.”

    Bien vu Sherlock! Le pays est en déficit chronique et doit emprunter pour payer les intérêts de sa dette. Dit autrement : chaque français vit au-dessus de ses moyens et le fait au détriment des générations à venir (exactement comme l’empreinte carbone). Et on sait exactement pourquoi : la protection sociale, qui représente les deux-tiers de la dépense publique, ne peut pas être financée par les seules cotisations sociales, qui sont déjà les plus élevées de l’OCDE

    Mathématiquement, on sait aussi exactement comment résoudre ce problème :
    – Soit on veut continuer à profiter de la générosité de notre modèle de protection sociale, et il faut donc augmenter les cotisations et/ou la durée du travail. Problème : personne ne veut être plus taxé, travailler plus et plus longtemps.
    – Soit on réduit nos dépenses sociales. Problème : personne ne veut être moins bien remboursé de ses dépenses médicales ou voir sa pension amputée, la santé et la retraite représentant plus de 80% de la protection sociale.

    Il existe pourtant d’autres leviers sur lesquels agir, notamment en arrêtant d’accueillir massivement une population peu ou pas qualifiée issue des pays les plus pauvres de la planète, qui va donc peser sur les dépenses sociales tout en contribuant peu à leur financement. Les pays qui imposent des minimaux économiques ou de formation pour délivrer des droits au séjour permanent, le Canada, la Suisse ou Singapour par exemple, ne connaissent pas ces problèmes structurels de budget alors même qu’ils ont des taux de population immigrée bien supérieurs à celui de la France. Economiquement, le levier ne porte pas donc sur le nombre de personnes accueillies (la France a les capacités et devrait d’ailleurs accueillir plus d’immigrés) mais sur la qualité des personnes accueillies.

    Mais comme les français ont fait des choix électoraux qui ne permettront ni de régler le problème du déficit structurel engendré par le financement du modèle social, ni de modifier drastiquement les règles d’installation pour les étrangers hors UE, les bailleurs sociaux vont être de plus en plus carencés en moyens et les faits relevés, à juste titre, par Monsieur Réveillère risquent de se multiplier.

    “On ne va pas investir dans la réparation des ascenseurs ou dans la salubrité d’un bâtiment si on sait qu’il va être démoli dans dix ou quinze ans.”

    C’est tout simplement du bon sens. Le privé agirait exactement de la même façon.

    En revanche, blâmer ce genre de décision permet, grossièrement, de ne pas se poser au premier chef la question de pourquoi les ascenseurs dans les quartiers populaires sont régulièrement dégradés et nécessitent à la base plus de maintenance qu’ailleurs. Et en outre de ne pas relever que trop de gens considèrent le logement social comme un dû. Il est souvent salutaire de rappeler que si un logement, social ou non, ne convient pas à un locataire, libre à lui d’aller en chercher un ailleurs plutôt que le bailleur social s’en charge. Une logique de reflexion tournée autour du prisme de la politique sociale (d’autres parleraient d’assistanat) a malheureusement ses limites.

    “Mais la présidence du bailleur a été interpellée. Et sa réponse a été très claire. Ils ne voulaient pas ramener les habitants de cette cité dans un noyau villageois paisible.”

    Non mais sérieusement, qui a envie de voir débarquer des habitants de cité, avec tous les préjugés, valides ou non, qu’ils véhiculent, dans un “noyau villageois paisible”? Là encore, c’est du bon sens.

    “C’est parfois assez explicite dans les propos. On peut entendre des choses du type “les habitants noirs, arabes, on n’en veut pas”. Parfois, ça l’est moins. Mais cela se traduit dans les choix des mobilités résidentielles : où est-ce qu’on met ou ne met pas telle ou telle population, comme celle-ci, qui est très majoritairement descendante de l’immigration postcoloniale ?”

    “On met […] telle population”. Mais quelle condescendance et manque de respect pour les personnes que ce monsieur évoque! Comme si elles étaient incapables de décider par elles-mêmes où elles souhaitent habiter. Ces propos incarnent le pire de la gauche (qui pourtant ne manque pas de qualités) : en étant persuadés d’incarner le camp du bien, certains ne souhaitent au fond pas du tout que les personnes précaires sortent des situations difficiles dans lesquelles elles se trouvent.

    Par ailleurs, et puisque c’est également le travail d’un sociologue d’analyser les populations, Monsieur Réveillère prouve le point précédent : les quartiers populaires sont majoritairement peuplés d’une immigration issue de pays pauvres et donc peu qualifiée.

    “Un quartier bien géré, c’est un quartier géré au quotidien.”

    Merci pour cette lapalissade. Avec des analyses de ce niveau, on est bien avancé. Quand je pense que c’est le contribuable qui finance ces études qui servent une cause ouvertement militante. C’est vraiment accablant.

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    • Regard Neutre Regard Neutre

      Merci pour cette analyse très pointue. Cela dit, il est important de ne pas perdre de vue le vécu des habitants, ce qui dépasse parfois la précision d’une lecture trop technique.
      Votre commentaire apparaît comme une critique qui détourne le débat en pointant du doigt des questions macroéconomiques et migratoires, au détriment d’une analyse plus complète des enjeux structurels qui affectent la rénovation urbaine et la gestion du logement social.

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    • SLM SLM

      Justement, les habitants semblent être les grands absents de cette étude.

      Quant aux sujets macroéconomiques et migratoires, ils sont parfaitement appropriés, même s’il est indispensable de ne pas appréhender le sujet du mal logement uniquement à travers ce prisme.

      En effet, d’une part, c’est l’argent public qui finance la rénovation urbaine. Et le volume d’argent public disponible dépend avant tout des facteurs macroéconomiques et des choix de politique budgétaire. Or, personne ne remet aujourd’hui en question que les caisses publiques sont vides.

      D’autre part, comme le souligne le chercheur, en tout cas dans le sujet de son étude, les lieux concernés par la rénovation urbaine sont majoritairement habités par des “descendants de l’immigration postcoloniale”, qui sont des populations globalement à faible niveau de ressources et d’éducation (académique). Elles sont donc susceptibles, et ça n’est pas une critique de ma part à leur égard, d’être plus consommatrices de dépenses publiques et moins contributrices au budget de l’Etat que des populations plus favorisées économiquement.

      En outre, cette politique du stop and go de la rénovation urbaine évoquée par le chercheur semble être pour lui le sous-jacent de cette logique de “pourrissement”.

      Cela me semble relever d’une analyse béni-oui-oui de la situation qui ne voit comme cause de la dégradation du bâti que l’argent public et la manière dont il est utilisé. Pire, cela serait fait à dessein par les bailleurs sociaux.

      Mon commentaire, qui est en effet une critique de l’étude, vient élargir le champ de pensée pour y inclure des facteurs macroéconomiques et migratoires. On pourrait en ajouter d’autres, comme les taux existants de logements sociaux sur le territoire, la composition des foyers ou les aspects sociaux-culturels par exemple.


      Sa proposition “d’arrêter de gérer les quartiers populaires par à-coups, en les faisant entrer dans le droit commun, en arrêtant de penser qu’ils relèvent d’un droit dérogatoire dans lequel s’enchaînent les décisions d’abandon et d’investissement” relève de l’utopie. Les quartiers prioritaires, par définition populaires, sont ceux qui ont reçu le plus d’argent public ces trente dernière années. Pourtant, les bibliothèques neuves continuent à brûler comme l’histoire nous l’a malheureusement montré la semaine dernière. Le problème ne vient donc pas exclusivement des moyens alloués (il y en a beaucoup) ni de la manière dont ils sont alloués (à moins que les habitants détestent les bibliothèques encore plus que les commissariats, ce qui semble improbable).

      Prenons au mot sa proposition et “normalisons” donc le fléchage des flux d’argent public vers ces quartiers comme on le ferait pour n’importe quel autre. Maintenant essayons d’imaginer dans quel état ils se retrouveront rapidement. Déjà qu’avec de l’argent les ascenseur sont en panne, les toits fuient et les parkings sont transformés en casse automobile à ciel ouvert. Et cela sans parler du trafic de drogue.



      A ce titre, j’aurais bien aimé entendre le point de vue de ce chercheur sur la porosité existant entre les trafiquants et les habitants par exemple. Et qu’il nous explique pourquoi les gros points de deals sont installés dans ces cités et non au coeur du 8ème arrondissement.

      Je suis le premier à dire que l’argent public est mal employé. Et c’est sans aucun doute le cas dans l’exemple de l’étude.

      Mais si on veut un jour réduire efficacement le problème du mal logement, on ne fera pas l’économie d’arrêter de se voiler sur le rôle d’une partie des habitants dans écosystème destructeur de valeur.

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