Jeux, émoi
Euh, c’est comment déjà votre nom ?
Les Jeux rassemblent plus de 10 000 athlètes, dont il faut écrire le patronyme et apprendre à le prononcer. Pas toujours facile...
Euh, c’est comment déjà votre nom ?
Le sport est un langage universel, qui permet d’engager la conversation avec un chauffeur de car équatorien sur les mérites comparés de Zidane et Messi. Une qualité rarement mise en exergue des grands champions est d’avoir un nom facile à écrire et à prononcer.
Les Jeux Olympiques sont une bénédiction pour les correcteurs d’imprimerie, enfin ceux qui restent en activité. Par exemple au quotidien « Le Monde », qui a longtemps été LA référence tous domaines d’activité confondus, ou à « L’Equipe », qui définit encore la norme pour ce qui concerne l’écriture du sport. Et ils ont du travail pour traquer les approximations dans la transcription des noms des championnes et champions. Quand les noms sont écrits, encore faut-il savoir les dire.
Dans d’autres langues utilisant le même alphabet, mais pas la même prononciation, des confusions sont déjà possibles. Le nom des cyclistes italiens Bottecchia et Chicchi doivent se prononcer en fait « bot-tek-kia » et « ki-ki », tout comme celui du grand écrivain sicilien Sciascia se prononce « cha-cha ».
En anglais, le patronyme de Ian Rush se prononce « reuche » mais celui de George Bush « bouch ».
Les Français, qui trouvaient que ce n’était pas assez compliqué comme cela, rajoutent parfois une touche de désinvolture ou de cuistrerie, en parlant de « ouime-ble-donne », quand il faudrait choisir entre « oinbledon » (comme aiment à faire les Québécois) ou « ouime-beule-donne ». Ils disent aussi « nou-iork » au lieu de « niou-iork » ou de « nev-iork » (qu’on entend assez rarement, même chez les enfants).
Dans ces cas, il est impossible de réécrire ces patronymes, puisque le même alphabet est un bien commun. Il ne viendrait à l’idée de personne d’écrire « Niouillorque ». Il faut donc entendre la prononciation correcte et ne pas l’oublier.
On va me dire que tout cela n’est pas bien grave. Mais je ne sais toujours pas comment se prononce correctement le nom de l’homme de paix sud-africain Desmond Tutu, ou celui de l’athlète éthiopienne Derartu Tulu.
Le sommet est sans doute représenté par la prononciation des noms polonais.
Un exemple ? La ville de Bydgoszcz, où viennent de se dérouler les championnats du monde U20 (juniors, en d’autres termes) d’athlétisme dans le stade Zdzisław-Krzyszkowiak, et dont le nom se prononce plus simplement qu’il s’écrit : « bidgoch ».
Comment transcrire les noms propres en caractères latins quand ils sont originellement écrits en chinois, arabe, cyrillique, japonais, thaï, grec, hébreu, arménien, géorgien, etc. Et comment les prononcer correctement ensuite ? Cela peut provoquer des confusions excusables chez les commentateurs qui voient pour la première fois un nom leur apparaître, ce qui est fréquent aux Jeux Olympiques.
La solution la plus commode semble être de faire confiance aux officiels concernés, ceux qui s’expriment dans ces langues, l’écrivent et traduisent pour les publics étrangers. Mais ce n’est pas toujours si simple.
Les Russes et les autres nations slaves, par exemple, ont choisi de se présenter devant une audience télévisée majoritairement anglophone. De l’alphabet cyrillique, ils traduisent leurs noms et patronymes dans l’alphabet latin tel qu’il est utilisé par les anglophones qui, par exemple, ne prononcent pas comme les francophones les sons induits par les lettres « i », « j » et « u ».
Comme il s’agit d’une transcription dans un autre alphabet, il est permis alors de réécrire le nom de telle manière à en faciliter une prononciation correcte. Ce que font les Italiens, par exemple, qui écrivent « Gorbaciov » le nom du dirigeant que les Français connaissent sous l’écriture « Gorbatchev » et prononcent parfois « gor-ba-tchov ». Ce qui est phonétiquement inexact : il faudrait écrire et prononcer « Gorbatchiov ».
Les francophones ont pourtant écrit correctement Krouchtchev le nom du principal dirigeant soviétique des années 1960, que les anglophones écrivaient Krushchev.
Les Russes, dans la même démarche, transcrivent en anglais le nom de leurs leaders politiques Stalin ou Putin, ce que les francophones ont voulu corriger en Staline et Poutine, pour que le résultat phonétique soit à peu près le même, et éviter des confusions sonores parfois triviales.
Mais si cet ajout d’un « e » terminal se pratique usuellement pour les noms d’hommes politiques (Lénine) ou d’artistes (Pouchkine), ce n’est pas le cas pour les sportifs, comme le tennisman Safin, ancien n°1 mondial, ou les cyclistes Berzin, vainqueur du Tour d’Italie 1994, et Zakarin, qui vient de gagner une étape du Tour de France 2016.
Il y a cependant quelques exceptions, comme dans le cas du grand gardien de but Lev Yachine (Yashin pour les footeux anglais).
En règle générale… il n’y pas de règle !
Mais simplement un usage qui s’installe une première fois et qu’on ne corrige plus, par paresse ou désintérêt de la protection de notre langue, même quand cet usage est illogique. On reproduit donc la graphie en caractères latins telle qu’elle est apparue, au risque de ne pas prononcer en français le nom comme il s’écrit.
Le nom du tennisman russe Mikhaïl Yuzhny devrait s’écrire pour les francophones Ioujniy, si on veut les aider à trouver une prononciation approchant celle de sa langue natale.
Le nom de l’équipe cycliste professionnelle Katusha devrait se transcrire en « Katioucha », qui est le diminutif affectueux du prénom Iekaterina (Catherine), mais aussi le sobriquet des missiles utilisés victorieusement par l’Armée rouge pendant la Seconde guerre mondiale.
Il est devenu banal de constater que les noms comportant un « y » en cyrillique, qui se prononce « ou », sont retranscrits avec un « u » et non pas un « ou ».
L’ancien grand athlète Sergueï Bubka, dont on parlera encore longtemps puisqu’il est devenu un dirigeant d’envergure, devrait voir son nom écrit « Boubka » en français, mais l’habitude a été conservée de l’écrire à la mode américaine.
Ainsi on peut lire « Kuznetsova » et « Sharapova » et prononcer « Kouznetsova » et « Charapova », pour les championnes de tennis.
Pour des raisons peu orthographiques, mais qui ont à voir avec le respect des règles, la délégation russe sera moins nombreuse que prévu à Rio (271 participants pour l’instant et plus d’une centaine d’exclus). Cela alourdit le climat, mais allège la quantité de soucis phonétiques.
Cependant, la problématique reste valable pour les noms d’Ukrainiens, de Biélorusses (qui ne sont pas Bélarusses), de Bulgares, de Kazhaks (qui ne sont plus Cosaques), etc. Pour compliquer notre affaire, ils prennent maintenant le soin de retranscrire autrement le même nom pour se différencier de leurs imposants voisins russes. Par exemple, les Ukrainiens utilisent souvent la graphie Volodymyr au lieu de Vladimir. Les raisons géopolitiques suscitent ainsi des confusions chez ceux qui évoquent un ancien champion soviétique, qui a adopté ensuite une nouvelle nationalité. C’est ainsi que Sergueï Bubka est devenu l’Ukrainien Serhiy Boubka. Na sdorovié !
Pour les noms coréens, c’est nettement plus simple : trois noms (Kim, Lee, Park) sont portés par la moitié de la population, et il existe moins de 300 patronymes entre le Nord et le Sud pour 75 millions d’habitants, tout de même.
En Chine, c’est à peu près semblable : Wang, Li et Zhang sont les noms portés par près de 300 millions de personnes. Il faut bien faire attention au prénom qui vient ensuite.
Vous comprenez enfin pourquoi nos commentateurs sont joyeux quand ce sont les Bleus qui s’imposent !
VIGNETTE
# La cérémonie d’ouverture était très réussie, quoiqu’un peu longuette, comme toujours. Elle est faite pour transmettre des messages, ils ont été plutôt efficaces. Le Brésil s’est engagé résolument sur une voie écologique, et il était temps. Il a montré toutes les facettes de son talent musical et festif, et on a été attendri de revoir le duo Caetano Veloso-Gilberto Gil, qui avait enchanté l’an passé le Festival Jazz des Cinq continents.
Les Jeux ne peuvent plus ignorer la politique mais ils ont encore des progrès à faire. On ne peut pas dédouaner le CIO d’avoir laissée impunie la Russie, Etat organisateur d’une gigantesque tricherie, et qui aurait dû ne pas figurer parmi les délégations admises à défiler derrière leur drapeau. Quitte à permettre à ses athlètes de figurer dans la nouvelle catégorie des protégés du CIO. Elle n’accueille pour l’instant que les malheureux réfugiés victimes des horreurs frappant leur pays. Ils ont été formidablement acclamés par le public de Rio, qui sait ce que souffrir veut dire. Et qui sait aussi ne pas oublier de vivre et de faire la fête. Tudo bem !
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