La cour des comptes étrille Marseille en grand : État, métropole et Ville se défaussent

Actualité
le 22 Oct 2024
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Ce lundi 21 octobre 2024, la cour des comptes et la chambre régionale des comptes ont présenté leur rapport, tant attendu, sur Marseille en grand. Les magistrats y font un premier bilan très critique de la mise en œuvre du plan annoncé par Emmanuel Macron en septembre 2021. Face à ces conclusions, État, métropole et Ville se renvoient la balle.

Nathalie Gervais, présidente de la cour régionale des comptes, a présenté un premier bilan du plan Marseille en grand, ce lundi 21 octobre. (Photo : CM)
Nathalie Gervais, présidente de la cour régionale des comptes, a présenté un premier bilan du plan Marseille en grand, ce lundi 21 octobre. (Photo : CM)

Nathalie Gervais, présidente de la cour régionale des comptes, a présenté un premier bilan du plan Marseille en grand, ce lundi 21 octobre. (Photo : CM)

“Ce plan manque de méthode, sa gouvernance est inaboutie.” Tels sont les termes, cinglants, martelés par Nathalie Gervais, présidente de la chambre régionale des comptes Provence-Alpes-Côtes d’Azur, dans la salle de réunion de l’instance. Après un an d’enquête, les magistrats présentent, ce lundi 21 octobre, leur premier bilan de la mise en œuvre du plan Marseille en grand, lancé par le président Emmanuel Macron en septembre 2021, en grande pompe, dans les Jardins du Pharo. Il s’agit alors d’aider la ville à pallier ses lacunes chroniques dans de nombreux secteurs : l’éducation, la santé, les mobilités, la culture. Sans surprise, comme dans les rapports provisoire puis définitif que Marsactu a épluchés en février et en juin 2024, la chambre régionale et la cour des comptes se montrent particulièrement critiques dans cette dernière version, augmentée des réponses des collectivités concernées et enfin rendue publique. Outre les retours de la Ville de Marseille, d’Aix-Marseille-Provence métropole et de l’ancien Premier ministre, Gabriel Attal, qui y ont été ajoutés, elle ne diffère en rien de celle du mois de juin.

Comme le pointe d’emblée la magistrate, le plan Marseille en grand pose problème dès sa conception, qualifiée par les rapporteurs de particulièrement “porteuse de risque” : aucun contrat clair entre les différents partenaires ne détaille les objectifs de ce plan, ni les moyens de sa mise en œuvre, ni ceux de son suivi ou de sa gouvernance. Tout part donc du discours du chef de l’État au Pharo. “Il n’y a pas non plus eu d’évaluation de terrain et pas de concertation des acteurs locaux concernés par ce dernier”, souligne Nathalie Gervais. Résultat : les objectifs énoncés par le président de la République sont interprétés différemment par des acteurs locaux — collectivités territoriales, Ville, département, région et État — “qui ne s’entendent pas”, ne manque pas d’observer la magistrate.

Un “pilote” dans l’avion ?

Le rapport présente quatre recommandations, qui déclinent les mêmes principes : évaluer, rationaliser la gouvernance, rendre compte régulièrement de l’avancée et contractualiser. Ce dernier point, qui permettrait “d’améliorer les chances de réussite du plan”, écrivent les magistrats, semble pourtant mal engagé. Dans sa réponse, jointe au rapport, Gabriel Attal qualifie cette contractualisation “d’incantatoire”. Face à l’important retard pris par le territoire marseillais, qui justifiait de mettre en place ce plan urgemment, ou précipitamment, l’ancien locataire de Matignon explique qu’il n’y avait pas la place pour des “atermoiements” pour chercher un consensus entre les parties.

Gabriel Attal cherche à dédouaner l’État et à le placer au-dessus de la mêlée faite “d’oppositions partisanes”. Un rôle de pacificateur que prend également à cœur Christophe Mirmand, préfet de région, qui assure être le “pilote” de ce plan, chargé “d’animer le débat entre les différents partenaires”. Le préfet assure l’opposition de l’État à créer une “superstructure de gouvernance”, comme le proposent les magistrats, qui contraindrait son leadership dans ce projet. “Mais nous avons créé en novembre 2023 un comité stratégique Marseille en grand, constitué des différents partenaires, qui sert à évaluer point par point la mise en œuvre du plan”, avance-t-il. Malheureusement, ce dernier ne se réunit que deux fois par an.

Dans son courrier, Gabriel Attal poursuit en avançant que du côté de l’État, “plusieurs actions sont déjà en cours pour améliorer la gouvernance de la mise en œuvre de ce plan”. Il évoque notamment la nomination de la secrétaire d’État en charge du suivi du plan, Sabrina Agresti-Roubache. Seulement, depuis l’écriture de cette réponse, une dissolution a eu lieu et ce ministère n’a pas été reconduit dans l’actuel gouvernement Barnier.

Dans son retour, la mairie de Marseille se place, elle, en bonne élève, et adhère aux recommandations de la chambre. Elle se dit “totalement disponible pour améliorer la gouvernance partenariale générale […] dans un cadre contractuel”. Et donc prête à jouer là un rôle prépondérant, peut-on lire entre les lignes. La métropole, de son côté, met en avant les “instances internes” créées pour conduire ce projet sur l’ensemble des thématiques, “logement, rénovation urbaine, transports, etc”. Bien qu’elle critique les manquements de l’État en termes de pilotage, de suivi et de planification du plan, elle se dit contre la création d’une “superstructure supplémentaire”, qui pourrait lui faire perdre certaines compétences. Les “chicayas” continuent donc, sur le papier et à fleurets mouchetés, avec l’État en invité d’honneur.

Mise en œuvre mal engagée

L’absence de cadre formel entre des acteurs politiques et institutionnels divers et pas toujours en accord complique nettement la mise en place de ce plan. Et cela se fait déjà ressentir. Au mois de février, Marsactu documentait la difficile création de la Cité du cinéma au Dock des Suds, qui était l’un des éléments phares de Marseille en grand. La métropole et le département faisaient part de leur réticence à financer le fonctionnement d’un projet partagé avec la municipalité. Quelques mois plus tard, on apprend que le projet ne se fera pas là. Et dans une version sans doute amoindrie.

Pourtant, Gabriel Attal avance dans sa réponse que “des volets entiers tels que la culture sont quasiment achevés”. Les magistrats n’ont pas encore pu se prononcer sur cette question. Ils disent désormais vouloir se pencher sur la mise en place des premières mesures du plan dans un second rapport, présenté en 2025. Pour l’heure, ont-ils rappelé, “nous formulons des recommandations en temps réel pour accompagner les décideurs, qui sont encore en mesure de mener des actions correctrices pour améliorer ce plan”.

Au niveau du budget, l’État semble déjà changer de cap, mais pas dans le bon sens. La cour pointe qu’en début d’année 2023, les sommes réellement versées par l’État “se limitent à 1,31 % du montant total annoncé”. “Je ne sais pas sur quelles données ils se basent et il est trop tôt pour évaluer la situation”, se défend Christophe Mirmand. Le préfet refuse ainsi de parler de coupes budgétaires, prévues par le gouvernement Barnier. Pour autant, les cinq milliards d’euros annoncés par Emmanuel Macron au Pharo pour mettre en œuvre ce plan ne semblent pas garantis. Aujourd’hui, le préfet temporise : “Il n’y a jamais eu d’enveloppe votée au Parlement dédiée au projet.” Ce dernier va plus loin et finit par abandonner la casquette du sauveur pour s’en remettre aux collectivités locales : “Je suis incapable de vous dire ce qu’il se passera dans trois ans, dans cinq ans, dans dix ans sur sa bonne exécution. Cela dépend de l’engagement des partenaires.” Une position bien éloignée de celle adoptée par le président, il y a trois ans.

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Commentaires

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  1. Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

    “La cour pointe qu’en début d’année 2023, les sommes réellement versées par l’État ‘se limitent à 1,31 % du montant total annoncé’.” Mais faut-il vraiment le reprocher à l’État, quand la métropole sabote elle-même ses capacités financières en donnant la priorité aux rénovations des salles des fêtes des villages au détriment des projets métropolitains ?

    Mme Vassal a acheté son élection avec ces “attributions de compensation” excessives et indues. On ne peut pas piller les caisses de la métropole et attendre que l’argent tombe du ciel : aide-toi, le ciel t’aidera.

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    • Citoyen-ne-s-de-marseille.fr Citoyen-ne-s-de-marseille.fr

      Les attributions de compensation ne font l’objet d’aucun débat que ce soit à la ville (ça passe au vote en CM) ou à la métropole, parce qu’elles sont le fruit des politiques du passé que personne ne souhaite remettre en question. Tant que nous aurons les politiques du passé à la manoeuvre, rien ne bougera,

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  2. Citoyen-ne-s-de-marseille.fr Citoyen-ne-s-de-marseille.fr

    Quel gâchis… Nous aurions pu avoir des actes qui sortent du droit commun, imaginer des outils pour réellement lutter contre l’habitat indigne, pour aider les copros des immeubles anciens qui bougent du fait du sol marseillais, une maîtrise d’oeuvre publique au service des habitants, un syndic public pour répondre à la défaillance des syndics privés. Nous aurions dû avoir une métropole réformée,des attributions de compensation remises à plat, des écoles rénovées qui intègrent les besoins des habitants en service public pour lutter contre les déserts médicaux et apporter de l’aide sociale aux habitants, nous aurions pu imaginer une restauration scolaire municipale, des centres sociaux avec de réelles moyens dérogatoires pour être une réponse au manque de mixité sociale, nous aurions dû avoir une école de formation d’animateurs, de personnel de crèche pour répondre au besoin des écoles et des centres sociaux, nous aurions dû avoir une stratégie entre les centaines de millions de d’euros de travaux prévus dans le bâtiment (logement et écoles) et la formation aux métiers des bâtiments avec des partenariats avec les écoles d’ingénierie du BTP, nous aurions dû avoir une vision apaisée et pragmatique du transport métropolitain, et surtout nous aurions dû avoir plus de place en tant que citoyens dans ces choix et ces stratégies qui au final sont toujours pilotées par les politiques d’avant… Non… Nous avons droit à des écoles neuves peu réfléchies (Marceau est truffée derreurs de conception et de mal façons), des écoles neuves sans les moyens de les faire fonctionner, avec toujours le même marasme de la pause méridienne, nous avons toujours des piscines et des bibliothèques qui sont en souffrance, nous avons toujours les mêmes politiques qui main dans la main votent les mêmes attributions de compensation sans aucun débat que ce soit à la ville ou à la métropole, nous avons une splain des écoles qui avance en totale opacité, sans aucun lien avec les services techniques de la ville et dont le risque de défaillance est grand, nous avons une splain du logement qui va concentrer tous les moyens sur des îlots démonstrateurs, et qui démontrera finalement qu’avec du fric on fait ce qu’on veut, mais qui n’imagine pas plus solutions que ça, on a une ville et un état qui en guise de réponse à l’emploi, proposent aux jeunes d’être auto-entrepreneurs, c’est smart, nous avons désormais des centres sociaux qui sont uniquement sous convention CAF, et qui doivent monter en permanence des projets pour avoir du financement de la ville, nous avons toujours une précarité du métier d’animateur, nous avons toujours des syndics qui pourrissent les copropriétés des trois immeubles marseillais parce qu’ils n’ent veulent plus, nous avons une ville et une métropole qui debattent faussement autour des déchets, et tout ceci bien éloigné des citoyens, c’est lamentable. Marseille aurait pu être tout autre, et au final elle n’est que continuité, avec des petits groupes qui font régner la terreur sur les uns, et qui ne cessent de dire aux autres “c’est compliqué, vous ne pouvez pas comprendre…”
    Bah si justement on comprend.

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    • RML RML

      C’est quoi un splain ?? Rien compris

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    • petitvelo petitvelo

      Vous me donnez très envie de lire votre charte !

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    • SN SN

      @RLM = Société Publique d’Aménagement d’Intérêt National

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    • diasdominique diasdominique

      Merci @citoyen-ne-s-de-marseille pour ce bilan.

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  3. 147 147

    “…aucun contrat clair entre les différents partenaires ne détaille les objectifs de ce plan, ni les moyens de sa mise en œuvre, ni ceux de son suivi ou de sa gouvernance. Tout part donc du discours du chef de l’État au Pharo.”

    Non mais sérieux, mais qui travaille comme ça …???

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  4. MarsKaa MarsKaa

    Macron nous a enfumés avec ses beaux discours, à Marseille comme au niveau national. Il n’a fait que des discours. Et du en même temps. Certains y ont cru plus longtemps que d’autres. Mais là, plus personne n’est dupe.

    Ce qui est inquiétant, c’est que de plus en plus de monde est dégouté de la politique, et s’en détourne.

    Or c’est exactement ce que veulent les politiques véreux. Rester tranquilles au pouvoir et régaler leurs amis, sans que l’on vienne y mettre notre nez.

    Mais qui a encore envie d’y mettre son nez ? Ils nous ont épuisés, dégoutés, et le cirque actuel au niveau local comme au niveau national ne fait qu’aggraver la situation.

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  5. Degun Degun

    Un peu moins de mille feuille administratif s’il vous plait. On a ici 3 couches Ville, Métropole et Etat qui se renvoient la balle. Et on nous dit qu’il n’y a pas assez de fonctionnaires!!! On pourrait peut-être aussi demander leur avis au département et à la Région.
    Comment voulez que cela marche dans un pays où l’on a le plus de fonctionnaires par habitant de l’Europe, où l’on a la moitié du nombre total de communes de toute l’Europe réunie, où pour chaque projet 3,4, voire cinq couches administratives interviennent.
    De toutes façon on a plus de sous, on a le droit de le dire depuis un mois alors que cela fait 40 ans que l’on vit au dessus de nos moyens.
    Donc Marseille,c’est en grand qu’on va vous le…

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    • petitvelo petitvelo

      Vous pouvez aussi ajouter å chaque couche du mille feuille, le feuilleté interne entre services et élus

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  6. diasdominique diasdominique

    L’incompétence a des limites !
    On parle ici de collectivités qui ont patiemment construit un très haut niveau d’incompétence technique.
    Le plus flagrant en est le très faible nombre d’ingénieurs qu’on y croise, y compris dans des directions très techniques. Beaucoup d’agent avec une compétence administrative et parfois un vernis technique de formation universitaire en urbanisme en environnement ou en “développement durable”…
    Par la magie du concours beaucoup deviennent “ingénieur territorial”, mais ça ne fait pas d’eux des vrais ingénieur car il n’ont pas fait d’école d’ingénieur, la plupart restent médiocres en calcul et en analyse technique. Et sur le terrain, ça se ressent très fortement, avec un pilotage des projets souvent erratique.
    Sans parler encore de quelques authentiques faux ingénieurs qui y trainent comme des “ingénieurs-maître” diplomés bac+4 mais là aussi devenu ingénieur territoriaux et qui ont pu commettre quelques grosses bêtises techniques.
    Et sans parler enfin du plus illustre de ces faux ingénieur, jardinier de formation devenu ingénieur en chef par la magie de la promotion interne du syndicat majoritaire qu’il pilote encore… et grand promoteur de ces promotions internes de l’incompétence.

    Alors ce “plan” pour Marseille est un fiasco. C’est flagrant et ça amuse la galerie d’incriminer les oppositions politiques.
    Mais quand bien même Métropole et Ville et Etat seraient du même bord, il faudrait toujours composer avec ce haut niveau d’incompétence. Et avec l’aptitude exceptionnelle de ce territoire à faire échouer les bon projet. Puis à expliquer du matin au soir “hé,… c’est compliqué.”

    Construire un territoire en remplaçant les ingénieurs par des bureaucrates, au bout d’un moment plus rien ne fonctionne.

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  7. Richard Mouren Richard Mouren

    Le naufrage de la macronie entraîne celui de Marseille en Grand.

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  8. Richard Mouren Richard Mouren

    Ca ne pouvait malheureusement pas fonctionner: ni la métropole (Vassal), ni le département (encore Vassal), ni la région (Muselier) ne voulaient de Marseille en Grand et tout a été fait pour couler ce projet par tous les moyens. Dernier exemple: la cité du cinéma.

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