Logement indigne : Ville et État commencent à accorder leurs moyens
Plus d'un an après la remise du rapport de Christian Nicol sur le logement indigne à Marseille, l'État et la Ville commencent à avancer de concert avec, en ligne de mire, les 11 grandes copropriétés les plus fragiles. La destruction de certaines d'entre elles est envisagée.
Maison Blanche (14e), l'une des grandes copropriétés dégradées
Le titre était plutôt neutre, le ton incisif. Il y a plus d’un an, Christian Nicol était chargé par la ministre du logement d’un rapport sur la “requalification du parc immobilier à Marseille”. Quelques mois plus tard, il remettait 27 pages très sévères sur l’état des politiques publiques de lutte contre l’habitat indigne et potentiellement indigne dans la seconde ville de France. Le constat posé d’une inefficacité collective avait été diversement apprécié dans les services, notamment municipaux.
Passé le coup de colère de certain(e)s élu(e)s et hauts fonctionnaires, les pouvoirs publics se sont mis au travail avec des premières mesures et de nouveaux moyens. Au début du mois, alors que le Haut comité pour le logement des personnes défavorisées terminait un tour de France par Marseille et la rue de l’Arc, sa présidente et députée PS du cru Marie-Arlette Carlotti s’inquiétait des suites données. Les propositions du haut comité reprenaient d’ailleurs une bonne part des préconisations du rapport de Christian Nicol, qui en est membre.
Marseille, capitale des copros
L’expression est un peu abusive mais elle correspond à une réalité de la ville. Alors que le logement social domine dans certains quartiers, il est loin d’être majoritaire sur l’ensemble de Marseille avec à peine plus de 20% du total. En revanche, les copropriétés y sont légion. Le rapport Nicol en dénombre 20 000 dont 6000 “fragiles” dans le centre ancien et les quartiers Nord. Parmi celles-ci, une dizaine sont de taille importante et nécessitent une intervention rapide. Ou une reprise en main des plans de rénovation déjà entrepris comme à Kallisté (15e), au Parc Bellevue (2e) ou au Mail (14e). On peut y ajouter Bel Horizon (3e), Plombière (13e), La Maurelette (15e), Consolat (16e), Les Rosiers (14e) et le parc Corot (13e).
Dans un jeu de rôles bien dosé, le préfet délégué pour l’égalité des chances, Yves Rousset, invité à rencontrer les acteurs du logement à Noailles, avait justement quelques bonnes nouvelles à ce propos. “Après la publication du rapport Nicol, nous avons mis en place un comité de pilotage et un comité technique qui effectue un point tous les mois, détaille-t-il. L’effort collectif va d’abord se concentrer sur les 11 copropriétés les plus dégradées de la ville.”
En mars, un plan d’action révélé par Marsactu évaluait l’effort nécessaire à 150 millions d’euros sur 15 ans. Pour tenter de relever ce défi, le préfet souhaite que “pour chacune de ces copropriétés nous ayons un pilote et un scénario, y compris de démolition si cela est nécessaire”.
Cette méthode est déjà mise en œuvre pour la copropriété Maison Blanche, située à immédiate proximité d’Euroméditerranée 2, l’extension de l’opération d’intérêt national. C’est d’ailleurs l’établissement public du même nom qui a en charge la réhabilitation de cette barre d’immeubles qui forme un T à la lisière du Canet (14e).
Un scénario de démolition à Maison Blanche
Dans la foulée du rapport Nicol, l’établissement public a été chargé de sa rénovation. Il vient de lancer un appel d’offres pour l’étude pré-opérationnelle de la copropriété. Or, dans le cahier des charges, on peut clairement voir se dessiner un début de scénario.
Réhabiliter Maison Blanche est techniquement possible mais semble financièrement lourd pour les collectivités avec un résultat qui ne saurait être jugé pérenne. La solution préconisée pourrait donc être la libération de l’emprise par la destruction des bâtiments, en vue de la mise en place d’un espace public (parc, place….), assorti, si possible, de constructibilités nouvelles.
Certes, le conditionnel reste de rigueur. Dans la foulée, le futur maître d’ouvrage souhaite être le plus clairement informé de l’état physique de Maison Blanche – et social de ses occupants – avant de déterminer si celle-ci sera réhabilitée via un plan de sauvegarde ou rasée. Ses locataires seraient alors relogées et ses propriétaires indemnisés.
L’établissement public doit également suivre de près le redressement des copropriétés Bel horizon 1 et 2 pour lesquelles, il a lancé la même procédure. Ces deux bâtiments sont situés à immédiate proximité de l’actuelle sortie de l’autoroute A7, près de la porte d’Aix. Inscrit dans le périmètre de l’opération depuis son lancement, Bel Horizon n’a jamais réellement réussi à sortir de la nasse habituelle des copropriétés : surendettement, incapacité à faire face aux charges, installation de marchands de sommeil, insalubrité…
À Bel Horizon, “menace tangible” d’arrêté de péril
Malgré une opération programmée d’amélioration de l’habitat subventionnée bien au-delà des plafonds habituels, les deux copropriétés qui portent le même nom présentent toujours des désordres importants. En 2012, la seconde phase de travaux évalué à 5 millions d’euros n’a pu être financée faute d’un soutien des banques effrayées par le surendettement des copropriétaires. Du coup, en 2014, les aides prévues par l’Agence nationale d’amélioration de l’habitat (ANAH) et des collectivités locales sont devenus caduques. Or, si de nouveaux travaux de mise en sécurité ont été votés en 2015, le cahier des charges fait état de doutes solides :
Leur mise en œuvre sera difficile et insuffisante au vu de l’ensemble des problématiques recensées à Bel Horizon. Au moment de la rédaction de ce cahier des charges, la menace de la prise de l’arrêté de péril est tangible.
Cette situation de blocage est également sensible sur les autres grandes copropriétés de la ville même lorsqu’un plan de sauvegarde, voire une rénovation profonde ont déjà été entrepris. C’est le cas au parc Bellevue, rue Félix-Pyat (3e) malgré l’arrivée de deux bailleurs sociaux sur plusieurs immeubles, mais aussi au parc Kallisté (15e) et au Mail (14e). Le rapport Nicol soulignait cette difficulté de passer de la phase de diagnostic à la phase de réalisation dans ces cas précis.
Consignation des allocations logement
Les priorités ne portent pas uniquement sur les copropriétés indignes mais aussi sur l’habitat diffus du centre-ville. En effet, l’insalubrité est aussi une réalité de l’habitat ancien fortement paupérisé. Les situations de ces toutes petites copropriétés sont connues mais échappent souvent aux suites judiciaires après la promulgation d’un arrêté d’insalubrité ou de péril. Le rapport Nicol soulignait le peu de suites judiciaires diligentées par le parquet malgré la mise en place d’un groupement opérationnel de lutte contre l’habitat indigne (GOHLI). Or, ni la Ville, ni la direction départementale des territoires et de la mer ne participaient à ces réunions mensuelles. En janvier 2015, un arrêté de péril a toutefois donné lieu à une condamnation pénale à 3 mois de prison ferme de son propriétaire. La Ville saluait alors “une condamnation exemplaire”, mais sans préciser que l’immeuble était vide de tout occupant… Tout récemment, un signalement de ses services a donné lieu à une autre condamnation à quatre mois de prison ferme.
Plus en amont, le rapport Nicol soulignait à juste titre le faible nombre de logements insalubres qui faisait l’objet d’un arrêté. “Nous accélérons également à ce sujet”, reprend le préfet Rousset, qui rappelle les mesures déjà livrées à Marsactu en mars : “Nous avons établi une stratégie commune avec l’ensemble des acteurs, la Ville mais aussi l’agence régionale de santé, la caisse d’allocations familiales et le parquet. Nous allons créer une fiche de signalement unique et commune pour les logements en situation d’insalubrité.”
Il revient aussi sur “une procédure nouvelle avec la caisse d’allocations familiales qui consiste à consigner les allocations familiales habituellement perçues par le bailleur sur une durée de 18 mois, le temps qu’il réalise les travaux”. En effet, afin d’éviter les impayés de loyer et les risques d’expulsion, la CAF verse directement les allocations logement aux bailleurs. Dans le cas où ces derniers sont indélicats – ou clairement des marchands de sommeil – ce versement direct du montant des loyers est un frein à la réalisation des travaux même les plus élémentaires.
Renforcement des services
Conformément aux préconisations de Christian Nicol, le préfet annonce également le renforcement du service dédié à la lutte contre le logement indigne au sein de l’agence régionale de santé “avec cinq personnes en plus”. Deux personnes supplémentaires devraient travailler sur cette thématique au sein de la direction régionale de la cohésion sociale, affirme pour sa part la députée Carlotti.
Les services de l’État ne sont pas seuls à se renforcer. L’adjointe au logement (UDI), Arlette Fructus confirme que le service d’hygiène de la Ville porté par son collègue Patrick Padovani comptera quatre personnes supplémentaires recrutées “en 2016 et 2017”. Jusque-là, le service santé de la ville ne disposait que d’un seul inspecteur de l’hygiène pour une ville où le nombre de logements potentiellement indignes est évalué à 40 000.
Commentaires
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c’est effectivement avec l’aide de la CAF que l’on peut régler le problème , elle paye
sans regarder l’état du logement , elle ne contrôle que le locataire et jamais le bailleur.
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Il n’y a pas que le logement qui est indigne, l’absence de politique l’est davantage. Pauvre Marseille, on ne sait plus ce qui peut sauver notre ville abandonnée et très en retard. Quelle verrue va -t- on encore mettre en exergue ?
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