Christine Juste, l’écologiste qui ratisse très large face à l’extrême droite

Christine Juste (au centre) et Christophe Madrolle (à droite) le 4 juillet 2024

“On est vraiment le cliché des écolos.” Au pied de la cité Benza, copropriété dégradée du 10e arrondissement, des militants du collectif informel la Réserve citoyenne ironisent : ils ne trouvent pas d’emplacements pour garer leurs vélos. Ce mercredi, une dizaine d’entre eux se retrouve ici pour une session de tractage avec Christine Juste. L’adjointe à l’environnement du maire de Marseille est la candidate écologiste de la gauche dans la 6e circonscription, qui couvre le 9e et une partie du 10e arrondissement de Marseille. Pour beaucoup, ces militants ne viennent ni de cette circonscription, ni d’un parti, et découvrent la candidate. Ils se répartissent sur les points de tractage grâce à des groupes WhatsApp réunissant plusieurs milliers de personnes.

À Benza, le message pour soutenir Christine Juste est simple : combattre le Rassemblement national avant tout. “Christine Juste, c’est bien mais l’important, c’est de battre l’extrême droite”, introduit même Eva, la référente du tractage de ce jour. Dans cette résidence populaire où vivent beaucoup de personnes issues de l’immigration, les arguments ne manquent pas. “Ils s’opposent à l’augmentation du Smic et ils sont racistes. C’est le libéralisme de Macron, la xénophobie en plus”, expliquent les militants. Combinant densité de population et forte abstention, ils espèrent que ces grands ensembles constitueront une réserve de voix.

Chercher les abstentionnistes

La mission s’annonce cependant très serrée pour la candidate. “Ça va se jouer à 20 voix” martèle-t-elle aux habitants. Au premier tour, l’écologiste est arrivée en deuxième position avec 28,2% des votes et doit rattraper un retard de 10 points par rapport au candidat RN, Olivier Fayssat. Malgré le désistement du sortant Lionel Royer-Perrault (Renaissance), arrivé troisième, le report des voix est incertain dans cette circonscription historiquement à droite. D’autant que le macroniste et ancien maire du 9e et 10e, n’appelle pas directement à voter écologiste mais “se range derrière les consignes nationales“, elles-mêmes assez variables. Christine Juste, plutôt ancrée historiquement dans le 8e arrondissement voisin, aurait bien eu besoin d’un coup de pouce plus clair de cette figure locale.

La cour de la cité Benza est bien vide en cette fin d’après-midi, à la surprise d’un ancien habitant venu tracter : “avant, il y avait toujours du monde dehors”. Certains montent alors faire du porte-à-porte pendant que la candidate alpague les habitants de passage. Beaucoup expliquent ne pas avoir voté, un brin mal à l’aise : “je bossais”, “je n’avais pas envie” ou simplement “bonne question” parmi les réponses entendues. Cependant, le rejet de l’extrême droite est clairement partagé par les habitants. “Ils ne passeront pas”, implorent plusieurs d’entre eux, sans promettre de voter pour autant. Il y a un an, presque jour pour jour, le président Macron visitait les allées de la résidence. Un souvenir déjà lointain pour les habitants qui ne l’évoquent même pas.

Christine Juste dans les allées de la cité Benza (Photo : SH)

Si les militants de la réserve citoyenne se disent satisfaits d’avoir pu faire réfléchir certains habitants, Christine Juste se veut plus lucide : “Ils en ont marre, on vient les voir une fois tous le six ans. Ils ne veulent plus de conseils”. C’est effectivement bien l’indifférence qui prédomine chez les résidents de cette cité en mauvais état, des poubelles qui débordent sur le sol à un appartement brûlé au dernier étage. “Je vais éviter de regarder les déchets” rigole à moitié Christine Juste, chargée de la propreté à Marseille. Eva, militante et amie de la candidate, est plus directe. “C’est la fin du monde ici alors que derrière c’est une autre ville avec d’autres gens, un autre monde”, évoque-t-elle, en référence aux quartiers chics plus au sud de la circonscription.

Convaincre à droite

Il faudra également rallier dans ces quartiers plus aisés, acquis à la droite. Christine Juste y adopte une tout autre stratégie. Le lendemain, jeudi matin, en visite à La Rouvière, cité village bien entretenue avec son centre commercial de 75 commerces, elle ne fait plus appel à la Réserve citoyenne, mais à Christophe Madrolle, conseiller régional dans la majorité de Renaud Muselier (Renaissance). C’est désormais une figure de l’écologie centriste malgré un passé chez les Verts, où il a rencontré Christine Juste. Le but de sa présence est clair : “Je suis là pour mobiliser l’électorat de centre droit”. Autrement dit, faire en sorte que les électeurs de Lionel Royer-Perreaut se reportent vers le Nouveau front populaire plutôt que sur le RN.

D’emblée, les deux récusent l’idée d’une alliance de circonstance. “Je suis entourée de collectivités de droite, explique Christine Juste. Si je ne parle pas à la droite, je ne parle à personne. On peut discuter avec ceux qui n’ont pas voté la loi immigration et la retraite”. Même son de cloche chez Christophe Madrolle. “J’ai de la chance, les candidats qualifiés sont écolos”, souligne-t-il en référence à Amine Kessaci candidat dans la 3e circonscription. Malgré l’amitié affichée, quelques tabous persistent. Le tract de la candidate confronte son programme avec celui du RN et de Renaissance.“Il faudrait enlever Renaissance maintenant que Madrolle est là”, lâche un proche de Christine Juste. L’intéressé s’agace : “ça suffit, je suis écolo, ni de gauche ni de droite“.

Un terrain plus hostile

Naturellement, le tractage est bien différent dans cet ensemble où Christine Juste est arrivée troisième alors que le RN dépasse les 40 %. Certains assument sans problème. “Désolé, je vote Rassemblent national depuis 18 ans”, affirme un riverain en précisant : “à cause de l’insécurité et du pouvoir d’achat”. D’autre refusent simplement le tract. La candidate adapte donc son discours : “Vous savez que je suis soutenue par Renaud Muselier ?”. Sans la citer, le président de région (Renaissance) a en effet soutenu les “candidats tenants d’une écologie raisonnable” face au Rassemblement national.

Christine Juste et Christophe Madrolle tractent ensemble le 4 juillet 2024 (Photo : SH)

De son côté, Christophe Madrolle s’attaque à Jean-Luc Mélenchon, repoussoir pointé par plusieurs habitants. “Je n’irai pas tracter avec LFI qui est une gauche réactionnaire”, assure-t-il. “C’est son avis à lui”, tempère la candidate auprès de Marsactu. Face aux électeurs, dans un jeu d’équilibriste pour rassurer le centre droit sans froisser une partie de la gauche, elle considère cependant que l’insoumis “monte des français les uns contre les autres”. Interrogé, le conseiller régional, lui, ne s’inquiète pas de froisser qui que ce soit :“Vous pensez vraiment que les électeurs de gauche vont voter Rassemblement national ?”.

Malgré plusieurs personnes réceptives, la plupart des habitants de La Rouvière disent avoir pris leur décision, sans pour autant la partager. “Ce n’est pas notre cible”, déplore un militant qui ne s’attendait pas à cette réticence. L’adjointe veut tout de même croire en ses chances, après avoir déjà battu une figure du quartier. “C’est un coup de poker […] À la mairie, ils sont contents parce que j’ai dégagé Royer-Perreaut mais moi, je veux virer Fayssat” scande-t-elle. Ce serait une nouvelle surprise.

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