La délicate ligne de crête de Laure-Agnès Caradec, en campagne pour Les Républicains

Actualité
le 19 Juin 2024
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La présidente de la fédération des Républicains des Bouches-du-Rhône est candidate dans la 2e circonscription de Marseille. Mardi 18 juin, devant ses militants, elle est entrée en lice au Cercle des nageurs, en tentant de préserver la cohérence d'une formation politique morcelée entre les ralliements à la majorité présidentielle et l'envie de sa base de tester l'extrême droite.

Laure-Agnès Caradec et Ludovic Perney, candidats aux législatives de 2024, lors de leur lancement de campagne, en compagnie de Didier Réault et Stéphane Le Rudulier. (Photo : C.By.)
Laure-Agnès Caradec et Ludovic Perney, candidats aux législatives de 2024, lors de leur lancement de campagne, en compagnie de Didier Réault et Stéphane Le Rudulier. (Photo : C.By.)

Laure-Agnès Caradec et Ludovic Perney, candidats aux législatives de 2024, lors de leur lancement de campagne, en compagnie de Didier Réault et Stéphane Le Rudulier. (Photo : C.By.)

“Ça donne envie d’aller se baigner, non ?” Dans un petit sourire, Sylvain Souvestre maire Les Républicains des 11e et 12e arrondissements marseillais, désigne le décor en contrebas. La terrasse du Cercle des nageurs de Marsseille – où Laure-Agnès Caradec et son suppléant Ludovic Perney, candidats LR, lancent ce 18 juin 2024 leur campagne pour ces législatives dans la 2e circonscription de Marseille – surplombe les piscines du Cercle, la mer et ses heureux nageurs. Le panorama est somptueux et invite à l’été. Mais pour les militants LR, les joies estivales devront attendre.

Il faut d’ailleurs quitter la terrasse baignée par la brise du soir et rentrer à l’intérieur du restaurant le temps des discours, “pour ne pas déranger les baigneurs”, glisse celle qui est aussi la patronne de la fédération Les Républicains des Bouches-du-Rhône. Ils sont entre 200 et 300, sympathisants et élus, rassemblés là pour soutenir les deux candidats aux législatives anticipées des 30 juin et 7 juillet, dans une circo qui a longtemps été la place forte du centre droit local. Cette fois, malgré les sourires et les embrassades, l’ambiance n’est pas à la liesse des campagne d’autrefois. Pour la droite locale, cette circonscription du littoral sud, malgré quelques redécoupages, a longtemps été le cœur du réacteur. Ici, Jean-Claude Gaudin est élu trois fois en 1978, 1981 et 1988. Ici en 2002, Jean-François Mattei, son successeur, s’offre le luxe d’une élection au premier tour. Ici en 2012, Dominique Tian totalise 23 700 voix pour l’UMP.  Ici, aux élections européennes de dimanche 9 juin, Les Républicains s’effondrent à 9 % soit 4300 suffrages.

Une boussole dans la tempête

Alors lorsque Ludovic Perney lâche aux militants que “[leur] présence fait chaud au cœur”, sa sincérité n’est pas feinte. À 28 ans, l’avocat et vice-président de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, chargé notamment de la jeunesse, revient sur “la crise politique sans précédent” que traverse le pays, fustige “celles et ceux qui se sont vendus, celles et ceux qui ont été achetés”, à droite comme à gauche. Et fait de son binôme avec Laure-Agnès Caradec “le seul vote utile” dans cette 2e circo. Ils y affronteront la sortante Claire Colomb Pittolat (Renaissance), l’adjoint à l’économie du maire de Marseille, le socialiste Laurent Lhardit, pour le Nouveau front populaire et surtout le Rassemblement national qui a réalisé là pas loin de 27 % aux européennes. 

À la suite de son suppléant, la candidate en titre file la métaphore maritime : “C’est dans le gros temps que nous avons besoin d’amis”, dit-elle. Devant les affiches barrées du slogan Marseille républicaine, la candidate LR fixe ainsi “un cap, une boussole” pour “le navire Marseille, le cuirassé France.” Elle rejette les “trois choix qui n’en sont pas” : le RN, la macronie et “le pire du pire, la France insoumise”. Elle déroule ensuite un discours de politique générale où se croisent la réindustrialisation et la remise en ordre des comptes publics. Mais aussi et surtout “la sécurité” et “l’immigration” dont il faut, dit-elle, “maîtriser le flux incontrôlé et ses dérives”. Dans la roue du RN et sans savoir s’en démarquer, la droite a fait sien son argumentaire depuis des lustres. Et rendu le discours d’extrême droite parfaitement tentant pour sa base électorale. La ligne de crête sur laquelle se tient la candidate est mince et délicate.

“Les sincères et les renégats”

À 56 ans, Laure-Agnès Caradec a gravi les échelons politiques en bonne soldate de la gaudinie. Vice-présidente du département, élue métropolitaine à la planification et à l’urbanisme, présidente d’Euroméditerranée, elle est restée encartée chez LR. Sur la terrasse du CNM Jean-Claude, militant octogénaire “aux idées claires” lui en sait gré : “Il y a ceux qui sont sincères et les renégats.” Clairement, au sein des troupes militantes les plus anciennes, les défections des ex-LR Renaud Muselier et Martine Vassal vers la majorité présidentielle ne sont toujours pas digérées.

Quant à la candidature pour le RN face au tandem Caradec-Perney d’Olivier Rioult, proche collaborateur de Martine Vassal au département et à la métropole, elle ne passe pas beaucoup mieux. “C’est vraiment le bouquet : Vassal soutient des macronistes d’un côté et le RN qui sera face à nous sort de ses rangs, de l’autre. Non mais on rêve !”, ne décolère pas un trentenaire qui ne veut pas donner son nom. “Ce n’est pas une prise de guerre du RN, mais une décision opportuniste”, tempère Ludovic Perney.

Il n’empêche, la présidente du département et de la métropole n’est pas présente. “Mais elle nous assure de son soutien”, la remercie-t-il. Les autres élus du parti sont présents en nombre : Didier Réault, Julien Ruas, Dominique Tian, Jean Roatta, José Allégrini, Bruno Genzana, Gérard Chenoz, Sabine Bernasconi, Thierry Santelli, Catherine Chantelot, Sylvie Carrega, Stéphane Le Rudulier “Laure-Agnès est une femme courageuse qui a repris la fédération quand personne ne voulait le faire, cadre Roland Blum, l’ancien adjoint aux finances de Jean-Claude Gaudin. Et elle repart dans une candidature personnelle, alors que ça ne se bousculait pas pour y aller, dans un contexte très chahuté.” Un vieux routier des mandats Gaudin évalue les chances du binôme dans la 2e. Il ne veut pas les hypothéquer, mais ne se fait pas de faux espoir non plus : “Expliquez-moi pourquoi en trois semaines les électeurs changeraient d’avis et de bulletin ?”

 

“Vous savez, les gens ne voient pas très bien la différence entre [le RN] et nous.”

Une militante

Entouré de Denise, Alix et Françoise, Jean-Claude, le militant octogénaire remonte le passé, au temps où il a commencé à militer à l’UDF avec Gaudin à la fin des années 70. Tous ont entre 40 et 50 ans de militantisme à droite dans les jambes. “On a connu un âge d’or”, sourient-ils à l’évocation des “grandes fêtes avec 2000 personnes autour de Dominique Tian” et “des réunions chaque mardi à la permanence de la rue Paradis”. Mais “tout cela est loin”. Aujourd’hui, le parti s’est émietté, morcelé, a perdu de sa substance. Et beaucoup sont partis voir ailleurs. “Il y a plein de gens de chez nous qui votent pour Bardella, bien sûr”, regrette Jean-Claude. “Je leur fais la leçon. Mais bon, ils doutent.” À quelques pas, une femme hoche la tête au dessus de son verre de vin blanc lesté d’un glaçon : “Vous savez, les gens ne voient pas très bien la différence entre eux et nous.”

Tester le temps d’un mandat

Le soleil décline derrière l’archipel du Frioul. Autour des tables blanches sur lesquelles on picore verrines et mini-sandwiches, le psychodrame sur une alliance de LR avec le parti à la flamme, et ce “bordel monstrueux qu’a mis Ciotti”, sont sur toutes les bouches. Léopold, Louan et Noé ont entre 23 et 25 ans, les deux premiers œuvrent dans la finance, le troisième dans la promotion immobilière. Encartés LR, ils sont sûrs de leur fait : “Il faut résister à cette vague [RN] et s’il y a un endroit où faire entendre notre voix, c’est bien ici.”

Pourtant dans ces quartiers littoraux cossus, comme partout ailleurs, les idées et les votes de l’extrême droite progressent. Et pas nécessairement chez les plus âgés. Un jeune homme à chemise blanche rayée de bleu confesse en regardant l’assemblée : “Personne n’ose dire ce qu’il pense vraiment alors qu’au fond on est tous d’accord.” Il précise que “s’il n’y avait pas Ludo [Perney],” il irait au RN. Puis ajoute : “Sur les questions d’immigration et de sécurité on est raccord. Mais on ne peut pas le dire sans se faire traiter de fachos. Le programme économique du RN ne tient pas. Mais est-ce que ça ne vaut pas le coup de les avoir pendant un mandat pour remettre de l’ordre et reprendre la main après ?”  À se tenir trop longtemps sur une crête fragile, le risque, c’est la bascule.

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Commentaires

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  1. Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

    Je vote dans cette circo où le résultat semble pour le moins incertain.

    De mon point de vue, il n’est pas sûr que lancer une campagne au CNM, symbole de l’entre-soi bourgeois, soit la meilleure façon de (re)conquérir des électeurs dont la quasi totalité n’est pas en mesure de payer les droits d’entrée de ce cénacle élitiste.

    Quant à s’entourer de Ruas, mis en examen dans l’affaire tragique de la rue d’Aubagne, Le Rudulier, mis en cause dans le train de vie de la mairie de Rognac, Carrega, poursuivie pour escroquerie, Tian, condamné pour fraude fiscale, comment dire ? Ca donne vachement envie.

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    • Alceste. Alceste.

      👍👍👍👍👍

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    • Richard Mouren Richard Mouren

      Ah!Ah!Ah!Ah! Sans compter Monsieur Roland Blum, un peu dépoussiéré et dénaphtaliné, mais qui met les pieds dans le plat: “Expliquez-moi pourquoi en trois semaines les électeurs changeraient d’avis et de bulletin ?”

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    • vékiya vékiya

      cette dame ne serait-elle pas en train de nous dire, vous êtes des veaux mais votez pour moi ?

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  2. julijo julijo

    oui, Electeur du 8e ©, le symbole est fort, le cercle des nageurs….
    finalement ça lui va bien à caradec.
    sa brochette d’invités vip est très intéressante aussi.
    nul doute qu’au second tour le candidat fn aura toutes ses chances.

    en conclusion ces propos :
    ” Le programme économique du RN ne tient pas. Mais est-ce que ça ne vaut pas le coup de les avoir pendant un mandat pour remettre de l’ordre et reprendre la main après ?”
    sont bien la preuve qu’il sont totalement hors de la réalité ! constatant que le programme ne tient pas, ils sont capables de prendre le risque…au secours !

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    • Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

      Ils sont tellement hors de la réalité que Mme Caradec, rappelons-le, participait à cette fameuse “soirée chocolat” organisée à la mairie du 6-8 pendant que quelques centaines de mètres plus loin, les pompiers tentaient de dégager d’éventuels survivants dans les décombres de la rue d’Aubagne.

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  3. Richard Mouren Richard Mouren

    Monsieur Didier Réault plongé dans son portable (Tik-Tok?) dont l’avant bras est tapoté par Madame Caradec: “Lève la tête et souris aux caméras”……..

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  4. Richard Mouren Richard Mouren

    Si Madame Caradec a raison sur le transfuge Mr Muselier vers Renaissance, elle se goure sur Mme Vassal qui s’est bien gardé de lever l’ambiguïté de sa position ni, ni ni afin, je le pense, de se fermer aucune porte.

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  5. vékiya vékiya

    J’attends avec impatience leur passage dans mon immeuble.

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  6. ruedelapaixmarcelpaul ruedelapaixmarcelpaul

    Un véritable festival. La Gaudinie à l’agonie. `
    – le lieu, le CNM, symbole de l’entre-soi marseillais, le plaisir des Catalans sans la populace vulgaire qui s’y masse en bas, sur la plage.
    – le vocabulaire d’officier de quart : ordre et discipline
    – les mauvais choix (RN, majorité présidentielle) mais le plus mauvais de tous les choix : LFI. Manque de pot le candidat de gauche est PS. Laure-Agnès Caradec est bien au courant de qui elle doit affronter.
    – l’immigration incontrôlée. Beau comme du Boyer dans le texte. Ou du Bardella.
    – Vassal absente mais “assure de son soutien”. Peut-être était-elle au lancement de la campagne de Pitollat ? ou de son membre du cabinet passé RN ?
    – la liste des invités de marque prête à rire : un mis en examen dans le cadre de la rue d’Aubagne, un condamné à 5a d’inéligibilité pour blanchiment de fraude fiscale, un propriétaire de taudis, une accusée d’escroquerie, enfin un sous le coup d’une enquête en détournement de fonds public, abus de bien social et diffamation publique (sans parler du plagiat). Belle brochette. A laquelle s’ajoutent d’autres noms qui n’ont pas eu affaire à la justice mais dont le palmarès n’est guère plus glorieux. Plus le fait d’arme le plus remarquable de la candidate (cité par un autre commentateur) : parader sur Twitter en train de manger des chocolats avec son ami Yves Moraine pendant qu’on déblaye les gravats de la rue d’Aubagne.
    – le vieux de la vieille, celui qui a connu l’âge d’or, le seul réaliste, qui prédit une défaite
    – les jeunes LR : finances, immobilier. Même plus la peine de caricaturer, ils le font d’eux-mêmes.
    – et le dernier jeune militant qui espère une victoire RN pour reprendre le pays en 2027 tels des chevaliers blancs (blancs, le cas de le dire).

    Digne de Salò ou les 120 journées de Sodome. La parfaite illustration d’un monde en plein écroulement.

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    • julijo julijo

      tout à fait ça : ils font “fin de race” !
      en plus avec leccia qui les accueille, la boucle est bouclée.

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  7. Pitxitxi Pitxitxi

    Les “invités de marque”, je suis mort de rire. Entre les affairistes, les voleurs et les résidus de la Gaudinie, quel tableau flatteur ! Ça donne envie

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