Stéphane Ravier se paie son premier clash culturel
Depuis le 22 février, l'espace culturel Busserine est vide. Les salariés qui faisaient vivre ce lieu doivent désormais travailler à la mairie des 13e et 14e arrondissements. Le maire FN, Stéphane Ravier affirme qu'il ne s'agit pas d'une fermeture mais d'un redéploiement. Le bras-de-fer se durcit avec un collectif d'artistes et d'habitants qui appelle à la mobilisation.
Depuis le 22 février, l'Espace culturel Busserine est fermé. Ses salariés ont été rapatriés en mairie de secteur.
Stéphane Ravier est plus ACDC que The Clash. Son bureau de la mairie de secteur en témoigne, on y retrouve en bonne place le logo du groupe de hard rock. Pourtant c’est un beau clash culturel qui couve ces jours-ci dans ces arrondissements. Pas exactement dans l’ancienne bastide de Saint-Joseph mais à quelques kilomètres de là, au coeur du quartier Saint-Barthélémy où niche l’Espace culturel Busserine, communément appelé ECB.
Équipement décentralisé installé au milieu des tours depuis plusieurs décennies, l’ECB dépend pleinement de la mairie de secteur. Laquelle entend profiter de travaux à venir en 2017 pour remanier largement l’organisation et la programmation de ce lieu culturel. Vécu comme une fermeture, son projet a aussitôt déclenché une levée de boucliers d’un collectif “Nos quartiers ont besoin de l’espace culturel Busserine” qui organisait une conférence de presse, ce lundi 22 février. Plus d’une centaine de personnes, artistes, usagers, élus de gauche du secteur s’étaient donnés rendez-vous au centre social l’Agora pour dire leur refus de voir fermer l’ECB. Pour dire aussi combien le lieu avait compté pour eux dans leurs carrières, dans leurs vies.
Contrefeu médiatique
Quelques heures plus tôt, vers midi, flanqué de sa directrice de cabinet, Chrystel Harms, Stéphane Ravier entendait allumer un contrefeu et faire entendre son refrain déjà connu : “De temps en temps, celui qui paie l’orchestre peut choisir la musique”. Suivant cette feuille de route, Stéphane Ravier a donc clairement remanié les missions de l’ECB. Une partie de l’équipe doit rejoindre le service culturel. Les deux techniciens sont censés rejoindre la mairie de secteur pour opérer sur les évènements qu’elle propose. “Tout cela nous le découvrons, affirme Patrick Loir, le directeur de l’ECB, présent à l’Agora. Les salariés ont reçu vendredi une lettre avec accusé de réception nous enjoignant de rejoindre la mairie de secteur, ce lundi. Mais, pour l’instant, ils sont dans une salle d’attente avec une table et des chaises”.
Concrètement, le lieu est donc bien fermé avec le seul Patrick Loir pour tenir les murs. Mais, encore une fois, le maire refuse de parler de fermeture. Pour lui, la même équipe est appelée à se recentrer sur une programmation uniquement “jeune public” à la fois sur l’ECB mais aussi dans un autre lieu “dans le 13e arrondissement” qui reste encore à trouver mais que le maire entend investir “le plus vite possible”. Et à cela s’ajoute la programmation “hors les murs” qui doit faire essaimer les spectacles dans les centres d’animation.
Budget raboté
Cette programmation redéployée ne bénéficiera plus que 60 000 euros de budget contre 100 000 euros les années passées. “La mairie centrale nous a repris 500 000 euros de crédits non consommés, c’est normal que nous répercutions cela sur nos propres dépenses. La ligne budgétaire qui concerne l’ECB est donc impactée à hauteur de 30%”, se défend Stéphane Ravier.
Le contenu même devrait également prendre un autre tournant dans le sens du “projet politique” qu’entend porter le maire FN. “Nous avons été élu sur une volonté de changement, d’évolution cela passe aussi par la culture. L’ECB doit diversifier son offre. Je ne veux pas qu’on continue à faire de l’entre-soi”. “Diversité”, “entre-soi”, les mots ont leur sens et Stéphane Ravier joue une nouvelle fois la partition du “eux” contre les autres.
“Culture provençale et marseillaise”
Ainsi il annonce qu’il verrait d’un bon œil la mise en avant de la “culture provençale et marseillaise” mais aussi “italienne ou espagnole”. Et algérienne ? “Pourquoi pas ? Mais aussi marocaine et tunisienne. Mais on n’est pas en retard de ce côté “, sourit-il en lançant une œillade à sa directrice de cabinet.
C’est cette volonté politique que le collectif réuni au centre social l’Agora entend combattre. tous étaient là pour dire à quel point le lieu importe pour les enfants des écoles du quartier comme pour les artistes qui y ont pu s’y produire. L’acteur Kamel Boudjellal y a fait ses premiers pas comme la comédienne Louisa Amouche ou le danseur et chorégraphe Jean-Pierre Ega. “Sans la population, ce lieu est une coquille vide, affirme ce dernier. Il ne peut y avoir de dynamique culturelle sans ancrage géographique”. Alors certes, comme lui, beaucoup regrettent le temps où le lieu laissait plus d’espace à l’autogestion, notamment à travers l’association de promotion de l’espace culturel Busserine où les habitants pouvaient avoir leur place.
Et c’est là une autre inconnue de ce dossier : si l’ECB est bien un équipement culturel et les salariés des agents municipaux, une grande partie du matériel appartient à l’association qui assurait jusque-là sa promotion. Anticipant sur la fermeture, elle a déjà basculé une partie de ses activités vers le théâtre du Merlan. Continuera-t-elle a mettre à disposition le matériel scénique si l’ECB cesse d’exister ? Pour l’heure, la question n’est pas tranchée. La guinguette qu’elle organise chaque été dans le parc Font Obscure doit être maintenue affirme Stéphane Ravier. Mais cet accord de principe pourrait ne pas tenir si le bras-de-fer se durcit.
Le sous-marin de la Busserine
Déjà, dans le quartier, certains parlent d’occuper les lieux en leur redonnant un caractère autogéré. D’autres, comme le conseiller municipal PS Stéphane Mari, en appellent au maire de Marseille et espèrent un retour dans le giron de la mairie centrale. Lors du dernier conseil municipal, Jean-Claude Gaudin s’était contenté de réaffirmer que le lieu dans sa gestion comme dans sa programmation relevait de la mairie de secteur.
En matière culturelle, les anciennes mairies dirigées par le Front national ont une longue histoire de clashs avec des établissements établis sur leur commune. À Vitrolles, en 1997, Catherine Mégret faisait murer le café musique Le Sous-marin avant de le transformer en cyber-maison de quartier. À Toulon, l’arrivée de Jean-Marie Le Chevallier avait été suivie d’un long bras-de-fer avec le centre national de Châteauvallon. “Tout ceci remonte à une autre vie. Nous sommes en 2016 même si je reconnais que certains agitateurs s’efforcent de stigmatiser le FN. Mais ce sont eux qui sont dans une démarche politicienne”, affirme le maire de secteur. Si sa mairie a peu de moyens d’agir comme il le regrette souvent, le maire a trouvé là une nouvelle opportunité de faire parler de lui.
Commentaires
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C’est très préoccupant. Très très dommage pour ces quartiers Busserine, Picon, Flamants, Iris….où il n’y a pas trop de lieux de rencontre et de culture.
Mais quand même, ils s’en doutaient un peu les électeurs, non ? En votant ils n’y avaient pas pensé ?
Parce que “celui qui paie l’orchestre peut choisir la musique” c’est pas nouveau !
C’est sorti dans la région sur Vitrolles…et depuis un peu partout ! et pas après les élections municipales, mais bien avant !!
Il est consternant de s’apercevoir qu’il faut recevoir des coups…pour se rendre compte des dégâts que peuvent provoquer des “élus” qui ont un bâton à la main….
Tout mon soutien à l’ECB.
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Il est utile de rappeler qu’un simple conseiller municipal marseillais se voit verser une rémunération égale à 1 856 euros mensuels. L’ancien maire de secteur, aujourd’hui conseiller municipal d’opposition – ne rions pas -, alors qui se savait battu, à préférer se maintenir au 2ème tour des élections municipales pour ne pas perdre cette indemnité. Une rente qui alimente son compte en banque depuis 40 ans. Où sont ses convictions républicaines,notamment celles de gauche? M. Ravier peut le remercier…
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C’est sympa de “répondre” regardneutre, mais je n’ai pas bien compris le rapport ???
Que je sache, l’ancien maire de secteur a normalement soutenu l’ECB.
Tout a déjà été largement dit sur les élections de 2014.
Faudrait peut être demander à Pape Diouf….il était là et a promis qu’il ferait des choses……
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La culture, l’extrême-droite, partout et de tout temps, a toujours commencé par s’en prendre à elle.
Beaucoup d’électeurs potentiels dans ses arrondissements ne sont pas inscrits sur les listes électorales ou ne vont pas voter, estimant, à juste titre certes, qu’il n’y a pas grand chose à attendre des élus.
Si seulement ce scandale pouvait leur rappeler le vieil adage “si tu ne t’occupes pas de politique, la politique s’occupe de toi”, on pourrait alors en parler comme d’un d’avertissement sans frais.
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Je plussoie !
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