Au procès des Oliviers A, la filière cocaïne expliquée par ses travailleurs de l’ombre
Ce mercredi, le tribunal correctionnel de Marseille a entendu quatre anciens conditionneurs de cocaïne du réseau des Oliviers A. Tous ont reconnu leurs responsabilités, ainsi que la polyvalence de leurs missions.
La 7e chambre du tribunal correctionnel de Marseille, dédiée à la délinquance organisée. (Photo : CMB)
Après avoir abordé les personnalités des 25 prévenus renvoyés pour trafic de stupéfiants aux Oliviers A, le tribunal correctionnel de Marseille a commencé les interrogatoires, regroupés par “thématiques”, explicite la présidente, Patricia Krummenacker. Et ce mercredi 13 mars, la thématique, c’est la cocaïne. Non pas son importation, ni sa vente, mais toutes les tâches intermédiaires : approvisionnement, stockage, conditionnement et comptabilité. Quatre hommes ont été entendus, à commencer par Sabri.
Sabri, 27 ans, bac L, coupe militaire et dos carré, travaille aujourd’hui dans la Marine nationale. C’était son rêve depuis toujours. Lorsque le Covid arrive et que les confinements s’enchainent, il attend un retour de sa candidature. Il passe le temps aux côtés de ses amis du quartier, dont trois d’entre eux ont la particularité de travailler pour le compte du puissant réseau des Oliviers A. “Au départ, vu que j’avais le permis, je les conduisais d’un point à un autre, je rendais des services. Typiquement, on sortait, et dans notre sortie il fallait faire un crochet aux Oliviers, je le faisais, et voilà”, explique-t-il distinctement au tribunal.
Mais petit à petit, Sabri, “commence à comprendre”. Et rentre dans le jeu. Il épaule ses amis, qui sont parfois débordés par la quantité de produit à conditionner (“un kilo par semaine”, soit 60 000 euros de produit). La mission s’opère toujours dans le même appartement. Ce dernier ne dégage pas une odeur de cannabis, mais “une odeur un peu piquante”, qui permet à Sabri de comprendre qu’il est entièrement dédié au stockage de la cocaïne. Pour ses services, le jeune homme estime avoir touché en moyenne 150 euros par semaine. La somme est aléatoire, comme son temps de travail. Quelques heures plus tard, l’un de ses collègues le qualifiera de “simple sous-traitant, pas vraiment intégré au réseau”.
En réalité, Sabri est tout simplement rémunéré par ses amis. “J’avais pas l’impression de faire vraiment partie du truc, mais aujourd’hui, je regrette”, dit-il. Un magistrat le laissera avec cette interrogation : “vous savez que ça peut avoir des conséquences sur votre carrière de militaire ?”. Aujourd’hui, il le sait.
Logisticiens de la cocaïne
Le tribunal entend ensuite deux cousins germains, Owens et Greg, deux grands introvertis de 23 et 24 ans aujourd’hui. Owens passe en premier. “À l’époque je travaillais pas, et ma mère est invalide et ne peut pas travailler. Donc en 2020, je suis devenu nourrice avec ma mère”, résume-t-il à voix basse. L’appartement familial sert alors au conditionnement de la cocaïne. Il est situé à la Citadelle, dans le 14ᵉ arrondissement. Il faut ensuite qu’un membre du petit groupe se charge de livrer les ballots de cocaïne jusqu’au point de vente des Oliviers A. Owens assume uniquement “une ou deux livraisons”. Il ne reconnaît absolument aucun autre membre du réseau. Lors de l’enquête, Owens et son cousin avaient évoqué leur peur des “représailles”.
Greg, le grand cousin, se montre tout aussi silencieux, même si un certain ascendant semble se dessiner. “Owens et moi, nos mères sont sœurs. Un jour, j’ai appris que ma tante avait plus de solution pour vivre”. C’est comme cela qu’il a recruté son petit cousin. “Vous reconnaissez que vous lui donniez des directives parfois ?”, demande la présidente. De très nombreuses écoutes téléphoniques attestent de l’implication des prévenus dans le réseau. “On était un peu… On va dire, on était une équipe de bras cassés”, lâche Greg. “C’est vrai que vous êtes ceux qui avaient été le moins prudents”, conclut la présidente.
Le dernier personnage du trio, surnommé Gato, 27 ans, passe de longues heures à soupirer en écoutant le récit obscur et timide de ses deux anciens collègues. Lorsque son tour arrive, il sourit, parle très vite et promet de “tout expliquer”. Son rôle ? “Récupérer la cocaïne, la stocker dans l’appartement nourrice, la détailler, et la livrer au détail aux Oliviers. On travaillait en trio avec Greg et Owens, on sous-traitait quand on avait besoin, et on se partageait 1500 euros par semaine.” Plusieurs fois interrogé sur le rôle précis de chacun des protagonistes, il répète aux magistrats : “faut pas imaginer qu’on a un tableau précis avec les postes de tout le monde ! C’est plus aléatoire que ce que vous pensez”.
Aléatoire, mais toujours organisé. Le trio se partage un téléphone. Les instructions sont envoyées “sur le bleu”, c’est-à-dire, l’application cryptée Signal. “On nous disait où récupérer la cocaïne. Parfois l’église Sainte-Marthe, parfois le Carrefour le Merlan, parfois ailleurs…” Une fois le produit conditionné, il est livré aux Oliviers A, sous la supervision des gérants de terrain. Le soir, Owens stockait chez lui le “SF”, le “sac de fermeture”, explicite Gato, qui contient les ballots invendus de la journée. Et ainsi de suite. “Qui vous donnait des ordres ?”, demande la présidente. “Un peu tout le monde. Le ravitailleur si c’était pour le ravitaillement, l’approvisionneur si c’était pour l’approvisionnement…” La greffière demande au prévenu de ralentir le débit.
Enfants du quartier et vies hachées
Son avocat, Julien Pinelli, lui demande : “quelle est votre posture à l’époque ?”. Gato répond : “j’étais jeune, insouciant, j’avais besoin d’argent. Et les trois mélangés…” Le jeune homme, aujourd’hui détenu pour une autre affaire, explique avoir “claqué tout l’argent dans la fête, l’alcool et les ballons [de protoxyde d’azote, ndlr]“. En prison depuis deux ans, Gato assure “avoir tiré une bonne leçon”. Au premier jour du procès, il avait ri lorsque la présidente avait énuméré les incidents survenus en détention : des vols de nourriture, principalement.
Avant cela, Gato a “toujours travaillé”. Vendeur de formations pour les professionnels de santé, commercial dans un magasin Geox, employé de boulangerie… “J’ai toujours travaillé, sauf en 2020.” “Et ça vous a été fatal”, commente la présidente. “C’est ça”. Quant à Owens et Greg, qui comparaissent libres, le premier travaille dans un snack Subway “depuis une semaine et demie”, le second fait “des intérims à La Poste”.
Ce jeudi, le tribunal entend cinq autres hommes. De “placier des guetteurs” à “gérant de terrain”, tous sont soupçonnés d’avoir eu des responsabilités sur le point de vente. Plus extravertis que leurs homologues dédiés au conditionnement, ils se rejoignent sur des éléments de parcours. Plus ou moins tous du quartier, avec des carrières plus ou moins hachées, par les licenciements, par le Covid, par les séjours en prison, ou par les problèmes de santé. L’un d’eux a reçu une balle dans la jambe. Mais l’enquête pour “tentative de meurtre” a été classée sans suite.
Commentaires
L’abonnement au journal vous permet de rejoindre la communauté Marsactu : créez votre blog, commentez, échanger avec les autres lecteurs. Découvrez nos offres ou connectez-vous si vous êtes déjà abonné.
Vous avez un compte ?
Mot de passe oublié ?Ajouter un compte Facebook ?
Nouveau sur Marsactu ?
S'inscrire
Sur la photo, le tract collé sur la porte d’entrée :
“Je ne suis pas considéré, je suis épuisé et sous-payé” à côté de la photo d’un
Greffier, ne doit pas donner envie aux délinquants d’exercer un métier honnête.
Se connecter pour écrire un commentaire.
Toutes ces années de procédure d’un gang à l’autre laissent prospérer la foule des consommateurs … Il y aurait largement de quoi faire un peu plus de comm’ sur les méfaits des produits et du trafic lié.
Se connecter pour écrire un commentaire.
Et on ne parle que d’un point de vente. Faut croire que la moitié de la ville est camée !
Se connecter pour écrire un commentaire.