La difficile éclosion du grand centre LGBT+ de Marseille
L’ouverture du premier centre LGBT+ de Marseille a déjà plusieurs mois de retard. Malgré le soutien des institutions, les militants qui portent le projet éprouvent la lourdeur de la tâche. Et les attentes sont grandes, pour ce lieu qui doit rassembler une communauté locale dispersée depuis plusieurs décennies.
Le local en chantier du futur centre LGBT+. (Photo : LC)
Derrière le bar du centre LGBT+ de Marseille, des montagnes d’écocups empilées attendent de prendre du service lors des soirées futures. Près d’un an après l’annonce officielle de sa création, le local, situé rue du Chevalier Roze, dans le deuxième arrondissement, reste presque vide. “Le projet va sortir”, rassure Noémie Pillas, coordinatrice du centre et seule salariée à porter le bébé. L’ouverture, initialement annoncée pour le printemps 2023 annonce un retard de plusieurs mois. Elle nous reçoit dans un décor encore en chantier, et sort quelques chaises pour discuter entre les murs fraîchement repeints. “Il reste des travaux et les meubles à commander et installer”, poursuit la jeune femme qui n’en est pas à son coup d’essai en termes de grand projet militant. Elle est notamment coordinatrice de la marche des fiertés locale, qui a rassemblé 10 000 personnes cette année.
Pour le centre, l’équipe qu’elle mène a vu grand. Outre la hauteur des plafonds de l’impressionnante surface, 380 m2 répartis en trois espaces indépendants, il y a un éventail d’activités pensé pour répondre à tous les besoins de la communauté à mettre en place. Un bar qui pourra aussi accueillir des spectacles, un centre de santé équipé d’une douche et d’une bagagerie pour les personnes en situation de précarité et un espace de travail destiné aux associations partenaires ainsi qu’un centre de documentation. “On a voulu ouvrir un lieu qui ressemble aux luttes actuelles”, résume Noémie Pillas.
Ce n’est pas un centre paillettes, mais un espace de solidarité, de socialisation et d’éducation
Théo Challande Névoret, adjoint au maire chargé de la lutte contre les discriminations
Une ambition soutenue par les collectivités : “Ce n’est pas un centre paillettes, mais un espace de solidarité, de socialisation et d’éducation”, abonde Théo Challande Nevoret, adjoint (EELV) chargé de la lutte contre les discriminations à la mairie de Marseille. La Ville a mis près de 100 000 euros sur la table pour soutenir le projet. La région, le département et la délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (Dilcrah), ont aussi accordé des subventions. Au total, le centre dispose de 250 000 euros pour fonctionner sur les deux prochaines années.
Le soutien financier des institutions était un passage obligé pour lui donner vie, mais il ne fait pas tout. Les dépenses de démarrage, 45 000 € de loyer annuel et 50 000 € pour les travaux, ont réduit le pécule. “Nous n’avons pas de problème de subventions, mais des problèmes de trésorerie”, précise Noémie Pillas, qui indique par exemple attendre le versement d’une subvention déjà accordée avant de pouvoir lancer la commande des meubles ou envisager de recruter un deuxième salarié.
“Épuisement militant”
Jongler avec les versements de subvention est une contrainte que rencontrent beaucoup d’associations. D’autres sont plus propres à l’engagement personnel, voire politique, qu’implique un tel projet. C’est le cas de l’“épuisement militant”, un terme dont l’usage s’est développé ces dernières années et que reprend Maximilien Degonville, qui a coordonné la création du centre jusqu’à il y a un an.
“Souvent les militants sont des gens qui travaillent à côté, et nous, les salariés, on a l’impression d’être les petites mains”, déplore-t-il. Il estime ainsi avoir cumulé des semaines de 70 heures quand il était encore actif dans le projet. Quand le local a été trouvé, il a pris sa “retraite militante” et donné les rênes à Noémie Pillas. “Je dois tout gérer, de la création de la carte des boissons du bar à l’organisation d’une offre en santé qui répond aux besoins des personnes LGBT”, complète la coordinatrice qui a elle aussi dû lever le pied après avoir fait l’expérience d’un burn-out.
Camille Dutta Gupta, bénévole au centre depuis janvier en est témoin. Assise à côté de Noémie, elle acquiesce quand celle-ci parle de ses difficultés. “Tout repose sur les épaules de Noémie, même si un noyau de bénévoles s’est créé”. Seule une dizaine de personnes sont régulièrement actives d’après Noémie Pillas. Semaines après semaines, l’ouverture est repoussée. Initialement prévue pour le printemps, il semble désormais plus probable qu’elle ait lieu à la fin d’année. C’est en tout cas le nouvel horizon que la coordinatrice s’est fixé.
On s’est presque trop construits chacun de notre côté (…) On n’a pas fait l’apprentissage du travail collectif.”
Christian de Leusse, spécialiste de l’histoire des communautés LGBT+ à Marseille
Comment expliquer une telle situation alors que 30 associations ont participé à l’élaboration du centre ? Cette solitude fait écho à l’histoire de la communauté LGBT+ à Marseille, où des groupes construits autour d’approches politiques communes ont coexisté. “On s’est presque trop construits chacun de notre côté”, observe Christian de Leusse, collecteur des archives des communautés LGBT+ de Marseille à l’origine du projet Mémoires des sexualités. D’après lui, des espaces portés par de petits collectifs ont déjà vu le jour depuis la fin des années 70. Il cite en exemple le groupe de libération homosexuelle (GLH) situé rue Fongate jusqu’en 1987 et les locaux de l’association Aides qui gère encore un centre de dépistage boulevard Longchamp. “Les autres associations comme Le refuge, Aides ou SOS homophobie sont prises par leurs activités ; on n’a pas fait l’apprentissage du travail collectif”, analyse-t-il.
La crainte du retour au placard
Les fondateurs du centre déplorent enfin “un climat de retour au placard”. “Il y a un contexte d’attaques contre les personnes LGBT”, soutient Noémie Pillas en référence notamment au jet d’explosifs contre le centre LGBT de Tours au mois de mai. Elle dit aussi avoir entendu des passants proférer des injures en voyant les affichages sur les vitres du centre. Récemment, lors d’un apéro militant, elle explique que quelques voisins se sont indignés de voir des femmes torse-nu, considérant que la vue d’une poitrine féminine était choquante. Là où une partie de la communauté LGBT+ considère que le choix de montrer ses seins en public relève de la lutte politique.
Ce jour-là, le décalage leur a sauté aux yeux. “Des voisins nous ont dit qu’on n’était pas au Cours Julien, mais on n’a pas à être assignés à un endroit”, s’insurgent les trois militants toujours installés sur leurs sièges de fortune. L’acclimatation au quartier sera-t-elle un défi supplémentaire ? Une jeune femme croisée dans l’immeuble situé en face du centre assure ne pas avoir d’a priori “tant qu’il n’y a pas de bruit”. Dans l’atelier collectif d’artisan mitoyen du centre, Mathilde et Augustina, les plus proches voisines, sont, elles, enthousiastes : “c’est trop cool, on est contentes que le centre s’installe là”.
À la fin de la discussion, Noémie Pillas et Maximilien Degonville proposent de quitter le bar pour montrer l’avancée des travaux dans les deux autres espaces. Un sourire de contentement éclaire leur visage devant la faïence éclatante des sanitaires tout neufs. Dans la pièce qui devra servir de salle de réunion aux associations, un tas de gravats attend d’être ramassé. L’ambiance chantier ne semble pas ébranler la conviction de la coordinatrice. “Ça va être quelque chose de grand, lance-t-elle en parcourant la vaste pièce du regard. Il y a dans la communauté des gens isolés. Parfois l’identité LGBT est un sujet tabou dans les familles ; on a besoin de créer du lien et des lieux de sociabilité”. Christian De Leusse partage ce constat : “Je crois que tout le monde attend un comptoir où aller boire un verre sans dire : je suis de telle ou telle association”, se réjouit l’archiviste. L’inauguration est, à ce jour, espérée pour la première quinzaine de décembre. L’ouverture des différents espaces devrait ensuite se faire de manière graduée.
Commentaires
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Arrêtez d’évoquer des “communautés” qui ne font que déliter le lien social. Il n’existe en France qu’une seule communauté : celle des citoyens. Peu importe qu’ils soient gros ou maigres, petits ou grands, bronzés ou pas, homme ou femme…
Sauf les roux, bien entendu. 😉
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Si les lgbtqi+ n’avait pas ete persécuté et humilié deouis toujours il n y aurait pas de communauté.
C’est d’ailleurs curieux que dans la communauté des citoyens, il ne soit question que d’apparence😄
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je comprends bien le besoin des lgbt qia+ de se retrouver plutôt ensemble, car ils subissent généralement les mêmes difficultés. ensemble ils trouveront certainement davantage, des solutions proposées par les personnes traversant les mêmes soucis, ou de simples échanges de propos.
mais je reste dubitatif. aujourd’hui une partie d’entre eux est plutôt tranquillement intégrée dans la société, alors qu’une autre partie subit souvent un obscurantisme délirant et une violence imbécile.
et je suis d’accord avec Leloup, l’idée de « communauté » me désespère. notamment à l’heure actuelle ou ce mot revêt un caractère plutôt discriminatoire que fédérateur.
parle-t-on de communauté de mal entendant…communauté de mal voyant ? communauté de roux !! il y a des associations de défense dédiées, mais des lieux d’accueil et de partage spécifiques, je ne crois pas.
si il est vrai que les “aveugles” ou les “sourds” ont vraiment d’un accompagnement particulier, comme beaucoup de personnes “à mobilité réduite”, il est où le “handicap” pour les lgbtqia+ ?????
j’aurai l’impression de hurler avec les loups si j’acceptais le concept. de communauté dans ce cas là
est-ce que des « citoyens », sans adhérer à cette communauté pourront éventuellement aller boire un coup avec eux.
mes interrogations ne m’empêchent pas de leur souhaiter vraiment la meilleure réussite possible pour tous leurs projets.
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Je vous propose de devenir lgbtqi+ et ensuite vous reviendrez nous parler de votre handicap. C’est exactement votre raisonnement qui crée la communauté. Alors pas la peine de râler après
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Un beau projet, indispensable pour mener la lute anti-LGBT+, en recrudescence aujourd’hui, renforcer une dynamique locale collective et offrir un espace de paroles et d’accueil “safe” pour toutes les personnes LGBT+ en situation de précarité et/ou victimes d’ostracisme. Bravo aux initiateur.trice.s de ce projet pour leur engagement et leur ténacité !
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Je voulais dire la lutte contre les violences anti-LGBT+, bien sûr
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Marrant toutes ces personnes non concernées qui donnent leur avis sur comment devraient s’identifier, se proclamer ou se comporter les personnes concernées par ces problématiques (discriminations, agressions, insultes, rejet, etc.). Renversement de culpabilité, en somme.
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