NON
Photo : Violette Artaud (Marsactu, 2 05 23)
Lundi, c’était le 1er mai. Marseille s’est, de nouveau, retrouvée dans la rue pour dire son refus. Il y avait beaucoup de monde dehors, beaucoup de personnes engagées, militants ou seulement motivées, pour dire leur colère et leur refus des mesures prises par l’exécutif, contre la réforme des retraites voulue par le pouvoir, mais aussi contre toutes les mesures destinées à briser la liberté et l’égalité dans notre pays. Plus de cent mille personnes étaient là, pour protester, pour dire « non ». Le départ de la manifestation se situait à la porte d’Aix. Beau symbole, d’abord parce que, justement, c’est une porte. Une porte vers la dégradation sociale pour le pouvoir, une porte vers la liberté et vers le retour de l’égalité pour celles et ceux qui étaient là, avec leurs banderoles, leurs drapeaux et leurs paroles. Mais la porte d’Aix, ce n’est pas seulement cela, car c’(est une autre porte, celle qui relie les quartiers populaires de la ville et les quartiers plus favorisés. À la porte d’Aix, lundi, il n’y avait pas de différences, tout le monde était réuni, toutes et tous étaient venus ensemble des quatre coins de la ville, mais aussi des villes situées autour de Marseille.
LA MANIFESTATION ET LES MOTS
Les mots, bien sûr, ont été ceux de la colère et de la détermination. Marseille n’est pas décidée à être vaincue par les mesures du pouvoir. À l’entêtement de l’exécutif, répondait, lundi, à Marseille, la détermination de la population. Les mots étaient ceux de la décision , les « on lâche rien » d’un peuple décidé, les mots de la détermination, les tracts de toutes les organisations qui étaient là, les paroles des acteurs politiques présents parmi le peuple rassemblé. C’est toujours dans les défilés et les manifestations que s’inventent les mots de la politique, c’est toujours dans les moments de protestation que le peuple imagine les mots nouveaux qui expriment sa volonté en disant son identité. Pour cette raison, on ne parlait pas seulement de la réforme des retraites, lundi, dans les rues de Marseille, on parlait aussi le comorien, cette langue nouvelle de protestations contre les formes nouvelles d’une colonisation qui ne dit pas son nom et contre les violences exercées par la puissance colonisatrice à Mayotte. Le peuple de Marseille se rappelait, lundi qu’il n’y a pas plusieurs peuples, mais que le peuple rassemble fonde sa force sur son union et sa parole sur une seule voix. Ce 1er mai 2023, la rue de Marseille retrouvait, associés, les mots de la politique, ceux de la colère, ceux de la fête et ceux du peuple. Le peuple de Marseille a dit qu’il en avait assez de se voir censuré ; en se débarrassant du masque qui l’empêche de parler, le peuple de la ville a rendu sa voix à la rue.
LE DÉFILÉ ET LA FÊTE
Mais le 1er mai est aussi le jour de la Fête du travail. Il s’agissait donc aussi de faire la fête, lundi. Entre les mots et les discours, il y avait les chansons et la musique de la fête, il y avait les pas de danse des femmes et des hommes qui, ensemble, n’oubliaient pas que seule la fête peut faire retrouver la force. Le temps de la fête, c’est un autre temps, c’est un temps qui échappe à la loi, c’est un temps qui se libère du temps imposé ,par les contraintes. Alors, on parlait, lundi, dans la rue, mais, en même temps, on chantait, on criait, on hurlait même, pour dire une colère joyeuse et enhardie, pour chanter des paroles et des chansons politiques, car la politique, ce sont aussi des airs et des chansons. La chanson des Gilets jaunes se retrouvait avec des chansons plus classiques, dans une sorte de symphonie des travailleuses et des travailleurs décidés, des marseillaises et des marseillais engagés, qui inventaient les « Marseillaises » d’aujourd’hui. C’est cela, la rue : c’est ce qui vient rappeler au monde de la politique que le monde du peuple ne veut pas réduire l’engagement à des mots, mais qu’il est décidé à parler aussi la langue de l’imaginaire, qu’il est bien décidé à faire aussi la politique avec la fête, à dire la politique avec les voix de la musique et de la chanson, avec ces airs qui habitent notre tête au point que l’on ne peut pas s’en débarrasser et qu’une petite voix continue de chanter l’air des Gilets jaunes en nous, bien après la fin du défilé.
LA COLÈRE DU PEUPLE DE MARSEILLE
Et puis nous sommes à Marseille, en 2023. À la colère contre la réforme des retraites et contre son projet de détérioration des conditions de vie, venait s’ajouter une autre colère, la colère de celles et de ceux qui habitent cette ville contre l’impossibilité, justement, de l’habiter sans avoir peur de perdre la vie à habiter Marseille. Le 1er mai 2023 était juste après l’accident de la rue de Tivoli, qui venait nous rappeler les effondrements de la rue d’Aubagne. Certes, cet accident n’était pas dû à la même raison, mais tout de même, la rue de Tivoli venait rappeler à celles et à ceux qui habitent la ville que la sécurité et la tranquillité ne sont pas assurés dans notre ville. À côté des mots de la colère sociale et politique, on pouvait lire dans colère du 1er mai, même s’ils n’étaient pas toujours dits, la colère politique contre les conditions du logement dans la ville. Le peuple de Marseille est venu dire, le 1er mai, qu’il veut retrouver sa ville devant, qu’il entend retrouver la ville qui était la sienne avant d’être livrée au commerce de l’immobilier, aux insuffisances de l’urbanisme, aux difficultés du logement populaire, au manque métropolitain des transports en commun. Surtout, le peuple de Marseille était venu à la porte d’Aix pour que disparaisse la frontière sociale entre les quartiers du Nord de la ville et ceux du Sud. Le peuple marseillais a affirmé à la porte d’Aix qu’il était décidé à ce qu’il n’y ait plus de ségrégation sociale entre les lieux de Marseille entre les quartiers de l’a ville, entre ses habitations et ses constructions riches et bien aménagées et celles qui le sont moins.
Lundi, le 1er mai, le peuple de Marseille a dit qu’il ne voulait plus d’une politique qui le défavorise.
Lundi, le 1er mai, le peuple de Marseille a, une fois encore, retrouvé sa voix.
Lundi, le 1er mai, le peuple de Marseille, a dit « non ».
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