Les agents d’accueil du Mucem réclament “le respect des valeurs prônées par le musée”
Salaires faibles, sexisme, manque de reconnaissance... les salariés qui assurent les missions d'accueil du Mucem ont fait grève ce mercredi 29 mars. Ils demandent à leur employeur, prestataire choisi par le musée, de meilleures conditions de travail.
Les agents d'accueil du Mucem, en grève le mercredi 29 mars 2023. (Photo C.By.)
Un titre de la chanteuse espagnole Rosalia vibre dans la sono portative et, sous le ciel gris, le vent agite les pancartes en carton. Sur le parvis du Mucem, le piquet de grève est modeste, mais les visiteurs du musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée ne peuvent pas le rater. Ils sont une vingtaine d’agents qui assurent quotidiennement l’accueil, la billetterie, les réservations et la médiation culturelle du musée à avoir fait le choix de débrayer ce mercredi. “Nous sommes les visages, les yeux et les oreilles du Mucem. Et pourtant nous ne sommes absolument pas reconnus”, pose Hélio Levacher médiateur culturel et agent d’accueil depuis 7 ans.
Cette trentaine d’agents en contrats à durée indéterminée que secondent une quarantaine de personnes de manière ponctuelle en contrats à la journée, ne sont pas employés directement par le musée mais par le groupe Pénélope, prestataire retenu pour trois ans via un marché public signé en 2021, auquel le Mucem délègue les métiers d’accueil. Hélène Murer, secrétaire de la section CGT Mucem, est venue manifester son soutien aux grévistes. Elle constate, au gré des passations de marchés, la précarité grandissante de ces agents. Elle est, à ses yeux, le fait de l’externalisation : “Au départ ces missions-là étaient réalisées par des fonctionnaires avant d’être confiées à des entreprises privées.”
Derrière la façade
Il n’empêche, les revendications qu’égrènent les agents grévistes – qu’elles soient d’ordre pécuniaire ou qu’elles aient trait aux conditions de travail globales – s’adressent aussi à la direction de l’établissement au 1,2 million de visiteurs annuels. Hélio Levacher embraye : “Éthiquement, il y a un problème de cohérence entre ce qui est affiché sur la façade d’un musée de société et la gestion, assez schizophrène, des personnels.” Comme d’autres manifestants réunis autour du piquet, il réclame, que les conditions de travail soient en accord “avec les valeurs que prône le musée”.
La première demande des salariés est financière. “Historiquement, nos salaires étaient supérieurs au SMIC. Au fil des années, celui-ci a été revalorisé et c’est tant mieux, mais pas nos salaires”, regrette Hatem Tallédec-Ramdani, agent d’accueil depuis juillet 2022. Avec d’autres collègues, il a pris part à une rencontre organisée lundi avec Xavier Cointement, le directeur des ressources humaines (DRH) de Pénélope, venu à Marseille pour l’occasion. Les salariés réclament une revalorisation de 10 % de tous les salaires, y compris ceux des CDD pour maintenir l’écart initial avec le SMIC ; la direction propose, elle, 3,5%. De quoi faire bondir Victoria* qui travaille ici depuis 8 ans : “Je fais 35 heures par semaine. Je n’ai jamais vu mon salaire net dépasser les 1300 euros ! Mon expérience n’est pas valorisée, mes compétences ne sont jamais reconnues, pourtant on me demande de former les nouveaux…”
Ce sont des gens au Smic qui assurent la représentation du musée. Des gens qui parlent parfois quatre langues…
Hélio Levacher
Les salariés de Pénélope travaillent trois week-ends par mois et voient leurs dimanches majorés de 25 % quand ils le sont à 50 % pour les employés d’autres prestataires du Mucem. “Parfois, on a l’impression de faire la manche, à toujours demander des augmentations ou que les jours fériés soient correctement payés”, s’agace Hélène Taam, représentante syndicale de la CFTC. À ses côtés, Hélio Levacher embraye : “Ce sont des gens au SMIC qui assurent la représentation du musée. Des gens qui parlent parfois quatre langues… Le Mucem répond qu’il ne demande pas ça sur nos fiches de postes. C’est complètement hypocrite.”
“Sujet pris à bras le corps”
Sur le parvis, trois émissaires de la direction du musée sont venus à la rencontre des grévistes. Olivier Donat, administrateur général, Cécile Dumoulin responsable du département du développement culturel et des publics et Alix Boudon, chargée du pilotage de l’accueil, assurent que “le sujet est pris à bras le corps” par la hiérarchie de l’établissement. “C’est très important pour nous, certifie Olivier Donat. Et si nous ne sommes pas votre employeur direct, nous sommes en contact avec le prestataire. Nous cherchons toutes les pistes pour trouver des solutions.”
Le prochain marché pour la délégation des mission d’accueils commencera en 2024. Sa rédaction est donc en cours. “Quand vous passez les marchés, ne prenez pas toujours le moins cher ! Choisissez un prestataire qui paye correctement et traite bien ses salariés”, insiste Hélène Taam, aux membres de la direction du musée. Hatem Tallédec-Ramdani appuie : il y a en France des prestataires qui rémunèrent mieux ces métiers et veillent à ce qu’ils soient réalisés dans un cadre plus éthique.
Sexisme lors des soirées privées
Car la contradiction dénoncée par ces agents ne se cantonne pas aux seules questions salariales. Eléa* la pointe aussi sur un autre plan : celui du sexisme lors des “privatisations” organisées dans l’enceinte du majestueux bâtiment. “Environ une fois par mois, des sociétés privatisent des espaces du Mucem pour des événements : soit le salon VIP en haut ou bien l’auditorium. Dans ce cas, ces sociétés ont recours aux employés du prestataire Pénélope pour assurer l’accueil”, expose la jeune femme qui officie là depuis 3 ans et demi.
Un dress code nous était imposé : robe moulante en taille 36 ou 38 uniquement, collants couleur chair et chaussures à talons.
Eléa
Comme plusieurs salariées, elle déplore un fonctionnement sexiste dans l’organisation de ces soirées : “On a vite remarqué que la très très grande majorité des agents appelés pour travailler lors de ces événements étaient des femmes. Et qu’un dress code nous était imposé : robe moulante en taille 36 ou 38 uniquement, collants couleur chair et chaussures à talons”. Hélène Taam – qui a occupé le poste d’encadrante d’agents d’accueil avant de changer de fonction – témoigne elle aussi d’une gestion discriminante et de paroles déplacées lors de ces privatisations : “Plusieurs fois, j’ai dû remettre des hommes en place et expliquer que les agents ne sont pas des ‘hôtesses’ ou des ‘escortes’, comme il m’est arrivé de l’entendre.”
Lutte contre les discriminations
Une de ces soirées a, dernièrement, eu lieu alors même que le Mucem organisait un de ses “procès du siècle”. Chaque lundi de la mi-novembre à la mi-mars, ces événements traitaient des thèmes “Féminismes, genres et minorités”… Voilà qui marque mal pour un musée qui a soigneusement médiatisé en 2018 son obtention du label Afnor “diversité” saluant sa lutte contre les discriminations. Malgré plusieurs témoignages concordants, la direction du musée affirme par la voix de ses émissaires n’avoir “jamais eu de remontées à ce sujet”. “Si tel était le cas cela nous choquerait beaucoup, car cela ne correspond pas à nos valeurs”, indique Olivier Donat. Contacté, le service des ressources humaines de l’agence Pénélope n’a pas donné suite aux sollicitations de Marsactu.
Comme cela a été le cas par le passé dans d’autres conflits sociaux, ce qui se joue sous les iconiques résilles de béton gris dépasse le strict cadre des conditions de travail des agents. Cette nouvelle grève interroge en profondeur la relation qu’entretient ce musée singulier avec celles et ceux qui y travaillent au quotidien. Eléa pique : “C’est quand même problématique de soulever des questions de société et d’éthique dans ses expos, de se présenter comme un musée ‘éclairé’ auprès de son public mais de ne pas l’être avec ses employés.”
* Les prénoms ont été changés à la demande des intéressées
Commentaires
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“le sujet est pris à bras le corps”! Comme dans les soirées privées si j’ai bien lu?
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Et si l’administration arrêtait de tout refiler au privé?! Elle n’a qu’à embaucher ces gens. D’ailleurs, il n’est pas sûr que ça lui coûterait plus cher car toutes ces sociétés ne sont pas là par pur désintéressement et amour du service public!
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Voir le rapport rédigé fin 2021 par la Chambre régionale des comptes de la région Paca sur les “musées de France” de la commune de Marseille. Faible fréquentation, absence d’objectifs, gestion désastreuse du personnel . Gaudin et Payan mêmes dégâts.
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Patafanari, que vient faire Payan ici ?
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oui, elles en prennent un coup les valeurs du musée….
je fréquente assidument ce musée, et l’ensemble des agents sont disponibles et très aimables.
La question est, évidemment, pourquoi faire appel au privé ?
peut être parce qu’une entreprise privée peut, contrairement aux agents du public, appliquer à la lettre la loi travail el Khomri-macron (49.3 de valls) et rendre ses salariés corvéables à merci…
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Ils ont quand même appliqué la valeur de décroissance aux salaires des agents.
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Il est quand même inquiétant qu’aucun représentant du Mucem ne semble être présent lors des soirées privatisées puisque la direction déclare n’avoir eu aucune remontée de problèmes de comportement des invités. C’est quand même inquiétant de constater que ce bâtiment extraordinaire soit laissé pour une soirée sous les seules responsabilités des organisateurs (privés) et d’une entreprise privée pour l’accueil.
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La honte.
Et c’est bien facile de dire “c’est la faute du prestataire”. C’est même pour ça qu’ils utilisent des prestataires.
Après les mécènes pourris (Lafarge, Total,…), les prestataires pourris. Un bel exemple de “civilisation”.
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Bravo pour l’audace de ces salarié.e.s. Ce musée ne tourne pas rond. Déjà à l’époque ils détournaient le principe des contrats aidés en embauchant à la pelle sans jamais les transformer contrats pérennes. C’est finalement cohérent, pour un musée sociétal, d’en montrer ses dérives néolibérales.
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Et merci à Marsactu de leur donner la parole.
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Le nouveau président du Mucem a pour “qualité” d’être l’ami du couple Macron. Il va déployer ses talents.
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C’est un bel exemple de la lutte des classes version 2023, d’un côté des fonctionnaires avec un régime social avantageux (bien au chaud dans leurs bureaux) et de l’autre des employés (en contact avec le public, en journée en soirée, le week-end) exploités par une société privée dont le seul but est de rémunérer le mieux possible ses actionnaires.
Il faut mettre fin à ce type de sous-traitance, dans un même établissement tous les salariés devraient avoir les mêmes acquis sociaux et le même système de rémunération.
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oui, c’est ce qui me met le plus en colère ; depuis la loi el kohmri-macron, il y a les “accords de branche”, donc on se trouve dans une même boîte à avoir des statuts différents. et les “acquis sociaux” pour ces petites boîtes…. ça donne une idée de l’infiniment petit.
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La lutte des classes c’est contre les décideurs. Sinon c’est tomber dans le panneau qu’ils recherchent.
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La sous traitance : le cancer de l’économie … C’est fou ce qui se niche dans ces recours abusifs à du personnel extérieur. Tout ça parce qu’on est frileux à embaucher directement. Pourtant je ne serais pas étonné que ça coûte un “pognon de dingue” au MUCEM, par rapport à du personnel interne.
Mais les dirigeant du Musée font de la culture, pas de la RH … Qu’ils embauchent aussi un DRH et quelques encadrants alors !
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Tout a l image du Mucem, et ses proposition artistiques, qui n’intéresse personne, sur des artistes obscurs, souvent avec des ramifications avec le continent africain … mais la population africaine de marseille dans son ensemble connais ses artistes , est elle interessée par ces expos ? NON .
Quant je vois dans le nord on propose ,des expos sur les chefs cuisiniers des paquebots , à l’époque de la splendeur commerciale et artistique de ce moyen de transport , remis au gout du jour ces dernières années :Pas pertinent pour marseille ,,??
expo grandiose à la seyne sur mer à la villa Tamaris , sur un des plus grand photographe marin Laurent Ballestra, avec des photos primées dans le mode en entier , et une passerelle éducative sur la wwf et son combat pour préservation des oceans : Pas fait pour marseille non plus ,???
Sans compter les expos des artistes au rayonnement mondial à Aix du musée Granet ou l hôtel de Caumont , non plus pas au niveau de marseille ,??
MUsem est consternant de v acuite et de concepts pseudo intello , pour 4 prof d université . IL TEMPS QUE SA CHANGE …
Et programmer des expos accessibles à tous, ou l’on est pas oblige de connaitre l ‘art et son histoire ,marseille n ‘a jamais été une ville intello … on en reste avec Pagnol et ses artefacts télévisuels .
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