Le resort ressort
Rudy Ricciotti veut son hôtel au cœur des calanques
L'ancien site militaire du Mont-Rose a fait l'objet d'un appel à projets de la Ville pour le transformer en site "éco-touristique" au cœur du parc des Calanques. Une société parisienne a choisi Rudy Ricciotti pour en faire un hôtel bucolique. L'urbanisation du site suscite toujours l'opposition de riverains. Quant à l'État, il réserve sa réponse.
Vue d'architecte. Projet de réaménagement du Mont-Rose HD©Agence Rudy Ricciotti
Sur la route des Goudes, l’éperon rocheux du Mont-Rose domine la rade marseillaise. Porte d’entrée du parc national des Calanques, l’ancien site militaire fait l’objet d’une discorde depuis des années. Les bâtiments désaffectés couvrent 2600 m² – répartis sur un peu plus de deux hectares. Ils sont toujours la propriété du ministère de la Défense en attendant que la Ville trouve un nouveau destin au lieu. Or, une timide fumée blanche pointe à l’horizon : le site a séduit la société Thed international, déjà retenue lors d’un appel d’offres pour la restauration de l’Hôtel-Dieu de Marseille. Ce consultant hôtelier qui assure le développement des projets est arrivé avec un grand nom dans ses cartons : Rudy Ricciotti, l’architecte-phare du Mucem.
C’est là le résultat de l’appel à projet lancé en 2013 (lire notre article) pour une “reconversion éco-touristique” du site. Loin, très loin du complexe hôtelier présenté en 2007 par la municipalité et que le maire avait dû retirer face à des opposants qui criaient à la spéculation. L’appel à projets faisait référence à “une structure hôtelière douce, avec des contraintes urbanistiques et écologiques sévères”, détaille Yves Moraine, maire de secteur. “Le cahier des charges (voir ci-dessous, ndlr) a été fait dans une volonté de retour à l’aspect naturel du site, et nous avons sélectionné l’équipe la plus respectueuse de cet esprit. Nous avons également demandé un avis aux architectes des bâtiments de France”, ajoute l’adjointe à l’urbanisme Laure-Agnès Caradec.
Préserver le Mont-Rose est aussi la conclusion avancée par une étude d’impact environnemental qui déconseille toute construction nouvelle sur le site, notamment en raison de son impact supposé sur la faune et la flore. Justement, le projet de Thed International serait particulièrement respectueux de son environnement, aux dires de Laure-Agnès Caradec. L’architecte lauréat décrit un projet “fait pour les randonneurs, pas pour les séminaires de notaires. Il n’y aurait aucune construction nouvelle mais un respect de la surface existante, une réhabilitation des bâtiments datant de la fin XIXe / début XXe. Les propositions des autres équipes qui se sont présentées, plus envahissantes, ont été jugées irrecevables”.
“Rien d’écologique”
Ces affirmations ne parviennent toutefois pas à convaincre des opposants farouches au projet de réhabilitation du Mont-Rose, a l’instar de Marie-Françoise Palloix, élue du Front de gauche dans la mairie du 6e et 8e arrondissements. Tout en effectuant l’ascension du promontoire avec des habitants du quartier Saména, elle s’explique sur ses craintes : “Jean-Claude Gaudin, sous prétexte qu’il ne peut acheter le site parce que le ministère de la Défense le vend trop cher, souhaite en faire un hôtel avec parking et restaurant ouvert au public. Il n’y a rien d’écologique là-dedans. Nous voudrions plutôt y installer un parcours de connaissance des lieux, dédié au bucolique, avec table d’orientation au sommet”. L’élue pointe notamment la flore exceptionnelle du site et notamment l’Astragale, ou “coussin de belle-mère”, plante très rare. “De plus, ajoute-t-elle, le Mont a été classé en cœur de parc, il faut le préserver”.
Justement, le projet Ricciotti prévoit de dégoudronner les sols pour créer un chemin forestier avec plantation de pins “pour être dans la logique du parc”. Ce chemin mènera à des petites chambres de l’ordre de 15 ou 18m2 “à un tarif économique” et quelques bâtiments dédiés à un restaurant, le seul qui pourrait avoir vue sur mer. “Il ne s’agit donc pas du tout d’hôtellerie de luxe, là on parle de séjours écolo avec des gens qui boivent leur tisane le soir en rentrant de leur balade”, plaisante l’architecte. Il rappelle que “compte- tenu des contraintes très fortes, peu de candidats se sont présentés. On n’est pas dans un régime spéculatif, c’est même miraculeux que quelqu’un accepte d’investir ! Franchement, c’est un patrimoine qui s’abîme, un site mort pour l’instant, le fossiliser ne sert à rien.”
“Point de rendez-vous”
Quant à l’hypothèse d’y implanter une maison du parc dédiée à informer le public, elle a été rejetée par les élus, car jugée “peu judicieuse”. Laure-Agnès Caradec résume : “L’endroit est peu accessible, peu visible et c’est un site en cul-de-sac”. Déjà, une étude de 2010 de l’Agence d’urbanisme de l’agglomération de Marseille (Agam) évoquait l’idée, mais avait abouti aux mêmes conclusions, ajoutant que se posait le problème du stationnement, la création d’un parking en haut de la colline étant impossible. Malgré cela, Rudy Ricciotti souhaite maintenir une partie publique : “Il faudrait que le lieu reste un point de rendez-vous et d’informations sur le parc pour les randonneurs, un lieu ouvert au public”.
En dépit de l’opposition d’une partie des riverains, la Ville envisage donc d’acquérir le terrain en vue d’une location par bail emphytéotique au promoteur parisien. Mais le site étant placé au cœur du parc des calanques dans une zone Natura 2000, l’avis de l’État est indispensable. Or, c’est lui qui traîne les pieds pour donner sa réponse. Une situation qui met également le parc des calanques dans une position d’attente.
“Le dossier est entre les mains de la ministre de l’Écologie. Ségolène Royal a dit qu’elle souhaitait se saisir elle-même du dossier, explique Laure-Agnès Caradec. Peu de temps avant l’été dernier, des inspecteurs généraux envoyés par le ministère ont auditionné tous les acteurs pendant une heure, et depuis, plus rien. Plus de son, ni de lumière”. Face à cette situation, Rudy Ricciotti ne cache pas son pessimisme : “D’ici à ce que ça tombe à l’eau, il n’y a pas des kilomètres”. Contacté, le ministère de l’écologie n’a pas donné suite à nos demandes. Si l’État finit par valider le projet, il reste que Thed International devra encore trouver des partenaires financiers. Le mont du chevalier Roze, héros de la peste de 1720 attend encore un nouveau destin, un peu moins guerrier.
Actualisation à 14 h. Thed International qui a remporté l’appel d’offres n’est pas un promoteur comme nous l’avions écrit mais une société d’experts hôteliers qui intervient notamment dans la promotion et le développement des projets.
Commentaires
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Cela fait des années que ce site est à l’abandon. Avec risque de squatt et de morts. On a créé un parc naturel national sur un territoire repli de bunkers, usines, sémaphores, carrières,….. Les sols pollués pullulent. Je trouve très bien qu’un investissement vienne dépenser son argent pour créer de l’hôtellerie et des emplois dans un tel endroit. Sous respect de conditions environnementales draconiennes.
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Le Mont rose ? A l’abandon ?! Il suffit de s’y rendre à la belle saison pour constater que ses plages de rochers sont bondées. De nombreux habitués, de touristes, de toutes les générations. S’ajoute à cela plusieurs caractères bien spécifiques: les plages du Mont rose sont les seules plages naturistes urbaines de Marseille. Qui plus est, les seules plages où des hommes, des femmes ou des trans peuvent bécoter leurs partenaires de même sexe sans risquer de se faire noyer. Pour sûr que ce lieu sulfureux et en marge doit titiller les esprits étroits de certains dirigeants…
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