L’évacuation sans retour du campement à l’ombre de la gare Saint-Charles
Depuis plusieurs années, une cinquantaine de personnes dormait sous les escaliers de la gare. La préfecture a procédé à leur évacuation ce mardi 11 octobre. La moitié d'entre elles a été prise en charge pour être relogée temporairement.
Les tentes et les affaires des personnes sans domicile fixe sont jetées par les agents du nettoiement. (Photo SL)
Un drapeau du Royaume-Uni, un panier en osier et une guitare pendent sur les murs gris en guise de décoration. Ces objets sont les dernières traces de la présence quotidienne d’une cinquantaine de personnes qui dormaient dans des tentes, à même le trottoir, parfois depuis plusieurs années. Sous les escaliers de la gare Saint-Charles, ce mardi 11 octobre, un tractopelle s’active depuis 10 heures du matin. Une évacuation du campement, diligentée par la préfecture, est en cours.
Yaw, un Ghanéen âgé de 28 ans, est assis sur les marches, avec comme seul objet en sa possession, son enceinte de musique. Arrivé à Marseille en 2018, cela fait maintenant deux ans qu’il vit dans ce tunnel niché sous les escaliers. Comme Okofoaddo qui l’accompagne, il vit à la rue, et sans-papiers : sa demande d’asile a été rejetée en appel. “Les policiers étaient là à 8 heures”, expliquent les jeunes hommes avec une certaine lassitude. Ils n’en sont pas à leur première évacuation et regardent les CRS sans surprise. Derrière eux, les agents de nettoiement de la métropole ramassent à la pelle les abris de fortune et les effets personnels laissés sur place.
Des parcours d’exil différents
Si les deux Ghanéens ont été déboutés du droit d’asile, ce n’est pas le cas de tous ceux qui vivaient là. Dans un communiqué, les associations Médecins du monde, les Usagers du pont et les Usagers de la Pada (plate-forme d’accueil des demandeurs d’asile), estiment qu’“un quart de cette cinquantaine de personne est en attente de leur demande d’asile”. Dans ce cas, l’État a, en théorie, la responsabilité de leur trouver un toit. Mais les demandes s’élèvent à plus de 5000 à Marseille, un chiffre bien supérieur aux places disponibles.
À l’abri du regard des touristes qui foulent chaque jour le hall de la gare centrale et descendent ses majestueux escaliers, le lieu était devenu le carrefour où se croisent des primo-arrivants et ceux qui, faute de place d’hébergement, errent dans la rue depuis des mois, dans l’attente de la régularisation de leur situation. “Beaucoup sont des migrants, mais deux personnes ont des papiers français et touchent le RSA“, indique un travailleur social.
Déplacement incessant
Taputu, l’une des seules femmes, regarde l’emplacement, désormais vide, qu’occupait sa tente bleue. Venue de Tahiti, elle se présente comme “la maman des Africains“, celle qui les “gronde quand ils font des bêtises“. Elle raconte avoir vécu dans un squat à Bougainville avant de rejoindre un foyer aux Réformés. Son parcours illustre le déplacement incessant de la misère, après chaque évacuation. Elle venait régulièrement sous les escaliers de la gare et témoigne du turn-over du campement. “C’est toujours le même système, quand des gens partent, d’autres arrivent“, assure-t-elle.
Vêtus de dossard verts, des travailleurs sociaux de l’Addap 13, association départementale de prévention, font le tour pour aller à la rencontre des occupants évacués. “Certains ont peur de la présence policière, explique Hachim. On est là pour les rassurer“. Même s’ils ont été prévenus de l’évacuation, une compagnie de CRS est présente pour “sécuriser les lieux”.
“Beaucoup ont des pathologies lourdes. Il y a des infections, des troubles psychiques et des risques d’hépatite”
Une travailleuse sociale
Sous les escaliers, la circulation automobile est dense. L’ouverture des tentes se situait au même niveau que les pots d’échappement des voitures. Ces conditions d’hygiène très précaires ont aggravé le risque de développer des maladies des habitants du campement. Des équipes de Médecins du monde intervenaient depuis neuf mois pour faire le lien entre les occupants et la permanence d’accès aux soins de santé présente dans le quartier. Sur place, Tanina Ouadi, coordinatrice du programme squats et bidonvilles pour l’association, est inquiète. “Beaucoup ont des pathologies lourdes. Il y a des infections, des troubles psychiques et des risques d’hépatite, égraine-t-elle. Le mois dernier, une personne est passée trois fois aux urgences.”
Blocs de béton
D’après la responsable de l’Addap 13, 25 personnes sur la cinquantaine qui vivait là ont accepté d’être accompagnées jusqu’à un gymnase du 13e arrondissement pour y être prises en charge. Là-bas, elles seront orientées par une autre association, Saralogisol, vers deux centres d’hébergements d’urgence : Forbin et Mazargues. Dans ces centres, la durée d’un séjour est estimée à une quinzaine de jours. Ensuite, les anciens habitants du campement devront à nouveau chercher un lieu où dormir. Faute de quoi, ils retourneront à la rue.
Yaw et Okofoaddo, eux, n’iront pas dans les centres d’hébergement d’urgence. Les deux jeunes hommes sont déjà passés par l’unité d’hébergement d’urgence de la Madrague-ville. “Même s’il pleut dehors, ils nous obligent à partir à 7 heures du matin. C’est pire que de vivre dans la rue“, insistent-ils. Il leur faudra trouver un nouvel abri. Mais ils ne pourront plus s’installer à Saint-Charles. À la demande de l’État, la métropole doit y installer des blocs de béton sous le pont des escaliers.
Commentaires
L’abonnement au journal vous permet de rejoindre la communauté Marsactu : créez votre blog, commentez, échanger avec les autres lecteurs. Découvrez nos offres ou connectez-vous si vous êtes déjà abonné.
Vous avez un compte ?
Mot de passe oublié ?Ajouter un compte Facebook ?
Nouveau sur Marsactu ?
S'inscrire
“Dans ces centres, la durée d’un séjour est estimée à une quinzaine de jours. Ensuite, les anciens habitants du campement devront à nouveau chercher un lieu où dormir. Faute de quoi, ils retourneront à la rue”. Donc rien n’est réglé, le manège va recommencer, ailleurs, indéfiniment… 😑😑😑
Se connecter pour écrire un commentaire.
La dernière phrase est terrible : plutôt que de construire des blocs en béton, utilisez donc cet argent pour trouver des solutions viables pour ces personnes !
Se connecter pour écrire un commentaire.
Une dame qui vient de Tahiti, la seule femme qui vit de squat en foyer. Pourquoi venir de Tahiti à Marseille et comment ? Quelle histoire personnelle derrière cette personne qui doit avoir la nationalité française ??? Le destin de Marseille a toujours été d’accueillir les voyageurs/travailleurs/errants pauvres du monde entier, en ce 21em siècle cela devient compliqué, car là où il y avait du travail, et un peu d’espace pour faire sa place, il n’y en a plus ou presque plus …quelles issues possibles ?
Se connecter pour écrire un commentaire.