Mes châteaux d’If: Au loin le ciel du sud

Mes châteaux d’If: Au loin le ciel du sud

Plainard et trotskyste.

Levé dés potron-minet à l’heure où blanchissent les draps des vils, marchant d’un pas alerte vers le cours Julien, je croise un éméché qui m’apostrophe: ” Té, je te reconnais me dit-il, tu joues dans la série Marseille.. (de Netflix) tu ressembles à…

Pour l’aider et ne pas mourir alcoolique, vu ce qu’il dégage par la bouche et étant donné son amour pour ma personne, je lui souffle respectueusement: “Benoit Magimel?” ne ressemblant absolument pas au personnage sauf pour l’accent contrefait quand je parle le marseillais et que tout le monde reconnait alors du gascon.

Étant donné ma corpulence, ce n’est pas Depardieu non plus, alors j’abandonne essayant de rejoindre mon paysan de Stéphane au rayon fromage. Mais à ce moment là, je me dis qu’il m’a fait un beau cadeau ce matin en me prenant pour un marseillais. Enfin, un marseillais de Netflix, c’est déjà pas mal après 20 piges sur les pentes de la Plaine.

A la terrasse du Jaurès ( fidélité oblige à la grande figure), j’ai commencé avec les dessins de la première page du Canard Enchainé et j’ai repris mon Joseph Andras. Je l’aime bien lui. Il fait des livres sur la Kanaky, Fernand Iveton, guillotiné en Algérie, des anticolonialistes comme Nguyen Ai Quôc dit Hô Chi Minh. Le chef des vietcongs n’est autre qu’au centre de son livre nommé Au loin le ciel du Sud. Ce n’est pas seulement une  biographie mais Andras n’écrit pas pour ça: Il écrit pour poétiser la lutte des pauvres, des insoumis, de quelques personnages qui le touche. On se balade dans le Paris des luttes, entre la Commune de Paris et les chambres rudimentaires de notre révolutionnaire si touchant dans ce Paris d’après guerre. Rapport de police du 29 juillet: ” L’agitateur annamite Nguyen Ai Quoc a définitivement déménagé de la villa des Gobelins N°6 pour aller habiter en hôtel impasse Compoint 9 où il occupe une petite chambre d’un loyer mensuel de 40 Frs par mois payable d’avance.” Annamite, comme dans la chanson que chante alors Joséphine Baker.

On trouve un passage sur le congrès de l’Internationale communiste à Petrograd en 1920 auquel assiste Hô Chi Minh. Trotsky prit alors la parole après que Lénine ait prononcé un discours très émouvant où il invoque les souffrances des peuples colonisés. Sans être léniniste, on ne peut être que touché par la période. Donc Trotsky clama que “Nous tiendrons bon. Au nom des masses à genoux en Europe, en Asie, sous les méridiens. Puis il conclut ” Enfoncez-là dans le dos du capital mondial” la lame de la révolution.

Après avoir essuyé une larme et ma lame, étant donné les douloureux événements qui se sont produits durant des décennies en URSS et ailleurs, j’ai relu désespéré le Point du 12 mai 2022 consacré à M.Mélenchon, “L’autre Le Pen” et une chronique de Sébastien le Fol intitulée “Pourquoi tant de gens intelligents sont mélenchonistes?”

Ce chroniqueur cite Eric le Boucher qui a cette phrase : “L’État, ayant choisi le nombre de ses effectifs plutôt que leur rémunération est un employeur pauvre devenu une grande usine de trotskistes.” L’attaque est sournoise, et fausse mais rassure le lectorat du Point qui s’insurge à chaque déclaration d’impôts. Eric le Boucher qui touche très correctement sa vie au journal Enjeux les Echos, ramasse aussi quelques émoluments pour ses conseils en siégeant dans des commissions comme le CODICE, le CEPII ou la commission Attali, ces lieux bien payés où l’on réfléchit,en touchant l’argent de L’État, à comment supprimer des postes d’infirmières ou de postiers.

Gageons encore, qu’il y a donc peu de trotskistes dans cette officine de la Région appelée AREA dont parle le probable anti-colonialiste Benoit Gilles, aujourd’hui.

Joseph Andras, Au loin le ciel du sud, Récit, Actes Sud, 2021.

P.S/ pour les historio-linguistes, vous remarquerez que Trotski est tantôt avec un Y , tantôt sans.