MARSEILLE, LA MÉDITERRANÉE ET LA MIGRANCE
MARSEILLE, LA MÉDITERRANÉE ET LA MIGRANCE
Un débat est en cours, en ce moment, à Marseille, autour de la question de l’accueil des migrants de la Méditerranée, de ces habitants des pays méditerranéens qui cherchent à échapper à la violence de la guerre et de la crise économique qui sévit dans leur pays. Cela nous incite à nous poser la question de la signification contemporaine de l’identité méditerranéenne.
Qu’est-ce que la Méditerranée ?
La Méditerranée est une mer. Elle est la mer de Marseille. Et, comme toutes les mers, elle est parcourue de voyages, d’échanges, de transports, de circulation. Mais la Méditerranée présente cette particularité, qui la distingue d’autres mers du monde, d’être, comme nous l’avons déjà écrit ici, à une double frontière, celle qui sépare les pays de l’Ouest et les pays de l’Est, celle qui sépare les pays du Nord et ceux du Sud. En d’autres termes, la Méditerranée est un espace d’échanges et de relations entre les pays riches, industrialisés, développés depuis longtemps, ceux du Nord, et ceux qui le sont moins, ceux du Sud, par ailleurs souvent soumis aux fondamentalismes et aux radicalités liés, justement, aux situations de crise économique. Mais elle est aussi un espace d’échanges entre les pays ouverts sur le monde occidental et ceux qui sont tournés vers les modes de l’Orient. Comme, sans doute, toutes les mers du monde, la Méditerranée a une histoire et une mémoire fondées sur le voyage et, donc, sur la migrance. Toutefois, sa situation de carrefour, de rencontre, donne à la migrance, en Méditerranée, une dimension particulière, car les rencontres y interpellent l’identité des pays et des cultures qui sont les partenaires de ces échanges et qui, en les mettant en œuvre, fondent la culture méditerranéenne depuis des millénaires.
La mer et la migrance
Habiter la mer, c’est habiter la migrance. Habiter la mer, vive d’elle et dans l’espace qu’elle propose, c’est vivre dans le voyage et dans la relation à l’autre. Peut-être, d’ailleurs, la figure du risque en mer, symbolisée, en particulier, par l’image de la tempête, n’est-elle qu’une forme de représentation de la dimension de risque que comporte toujours la rencontre de l’autre car elle comporte une part d’imprévu liée au fait qu’on ne le connaît pas toujours, qu’il échappe toujours à notre culture, à notre langage, à nos représentations. C’est pourquoi habiter la ville par la migrance et par le voyage, c’est fonder, en partie au moins, sa vie sur une dimension aléatoire. Les mythologies méditerranéennes du voyage construisent depuis l’Antiquité une culture dans laquelle les héros et les acteurs de l’histoire sont toujours représentés au cours de l’expérience du risque. Après tout, c’est bien le risque du voyage et de la migrance en Méditerranée que nous raconte Homère dans l’Odyssée, le récit du retour d’Ulysse à Ithaque à l’issue de la guerre de Troie. C’est bien pour cela qu’il importe de ne pas minimiser la part de risque que comporte la migrance méditerranéenne, et c’est aussi pour cela que les acteurs de la Méditerranée fondent leur identité politique sur cette expérience de l’imprévu. Peut-être est-ce la raison pour laquelle, comme Marsactu nous l’expliquait récemment, les associations et les O.N.G. manifestent une certaine réticence à laisser les institutions de Marseille les enfermer dans des espaces sûrs mais clos[1].
Identité méditerranéenne, circulation, échanges
Si l’identité méditerranéenne se fonde ainsi sur la circulation et sur l’échange, sans doute peur-on en dire la même chose de l’identité marseillaise. En effet, comme tout port, Marseille est toujours à la fois dans son pays et sur la mer ; l’identité urbaine de Marseille a toujours été fondée sur l’articulation d’une identité française et d’une identité méditerranéenne. C’est le sens du mythe fondateur de Marseille, qui consiste dans le récit de l’arrivée à Marseille d’un migrant particulier, Pythéas, qui vient de loin. Comme celle de toutes les villes méditerranéennes, l’histoire de Marseille est fondée sur une culture de la circulation, du voyage et de l’échange. Mais il importe de ne pas concevoir l’échange dans sa seule dimension économique, il ne faut pas réduire la culture de l’échange à celle du marché, mais avoir sur l’échange une approche fondée sur la rencontre des cultures et sur l’identité un regard fondé sur la relation à l’autre. Pour cela, il importe de conserver à l’identité de l’autre la signification d’une culture de la différence et de pérenniser la logique de l’échange fondée sur ce que nous avons appelé l’alientité.
[1] J. Vinzent, Marseille ouvre son port aux migrants sauvés en mer : les ONG disent merci mais non merci (Marsactu, 2 09 20).
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