JOURNAL DE DÉCONFINEMENT N°1 – 7 avril, au soir
Photo Michea Jacobi
Voilà maintenant 22 jours que nous sommes confinés, 22 jours que je me confine dans le confinement. En reprenant paresseusement des projets littéraires laissés à l’abandon, en scrutant des courbes morbides, en épluchant Facebook (le fameux réseau asocial) où chacun se confine dans ses convictions. Voilà 21 jours et c’est aujourd’hui seulement que, d’un balcon à l’autre, j’ai parlé à mes voisins. Il faut dire que ceux ci y sont allés fort. Ils ont tendu dans le ciel de notre rue une banderole qui proclame :
TUONS LE CAPITALISME QUI NOUS TUE
Comme je suis un gros porteur d’actions et que l’esprit de contradiction m’habite quoiqu’il se passe, je me suis aussitôt indigné. Quoi, le capitalisme nous tue ? Mais en Corée, où l’on teste à tout va, le labo qui fournit fait des bénéfices considérables. Mais l’Allemagne, qui n’est pas précisément socialiste, semble se débrouiller bien mieux que nous. Les voisins ont pris avec grand calme mes intempestives remarques. On m’a dit qu’on allait y réfléchir, on m’a signalé que le camion d’Emmaüs des Réformés avait besoin de petites bouteilles d’eau et de bananes et que ce serait agréable de se parler à nouveau. Et quand j’ai demandé, toujours maussade, comment il fallait s’y prendre pour tuer le capitalisme, un voisin m’a doucement suggéré : « être moins capitaliste nous mêmes. »
Bon je vais y penser. Mais pas tout de suite. C’est à présent l’heure de regarder les courbes du jour. Ces fameuses courbes à propos desquelles, mon frère Daniel a écrit dans un site savant ces quelques lignes :
« Les mathématiques, affirme Cédric Villani, sont la poésie des sciences . Je ne sais pas si les courbes exponentielles (ou simples) qui paraissent quotidiennement le sont réellement. N’est-il pas paradoxal qu’un ministre-médecin vienne sur un plateau de télévision en direct muni d’une courbe et dise qu’il espérait l’aplatir et/ou la décaler ? En tout cas cette omniprésence de ces courbes (Le sémiologue Jacques Bertin les appelait des « chroniques ») prouve qu’elles renferment un puissant ressort narratif. D’abord parce qu’elles nous permettent de mesurer notre infortune en regard de celles des autres : allons-nous suivre le même chemin que l’Italie ou celui de l’Espagne ? Ensuite parce que nous guettons, non sans angoisse, le fameux plateau (désignation métaphorique du ralentissement de la croissance de la courbe). Ou mieux sa redescente et donc la chute. La chute n’est-ce pas précisément ainsi que l’on nomme la fin d’un récit ? »
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