LA VILLE ET LE CORONAVIRUS

Billet de blog
le 29 Mar 2020
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LA VILLE ET LE CORONAVIRUS

 Depuis que le coronavirus a commencé à sévir en France, et, en particulier, à Marseille, la réflexion politique est presque obnubilée par cette figure de l’inquiétude sanitaire. Mais nous devons tout de même continuer à réfléchir, et, en particulier, à réfléchir sur la relation entre la peur de la maladie et la ville, avec l’identité urbaine, avec ce que l’on peut appeler l’urbanité à Marseille.

 Le coronavirus à Marseille

À Marseille, le coronavirus et les discours sur la maladie que tiennent les médias et les acteurs politiques suscitent une véritable peur, comme dans toutes les villes, comme dans tous les lieux qui sont habités par des populations qui sont inquiètes. Dans une ville comme Marseille, deux facteurs viennent, sans doute, accroître cette peur et ce sentiment de menace. D’abord, la maladie survient, ainsi, dans une ville qui a longtemps été habitée par des faits divers liés à de l’insécurité, par des confrontations violentes entre des bandes, par l’existence de trafics en tous genres développant des activités peu ou prou liées à du gangstérisme. La peur devant le coronavirus succède, ainsi, en quelque sorte, à des sentiments d’insécurité suscités par des activités violentes. Mais un autre facteur peut, peut-être paradoxalement, contribuer à cette montée de la peur et de l’insécurité liées à la maladie : le développement de la recherche médicale et de l’activité des médecins. Alors que la médecine devrait manifester une identité politique réelle en inscrivant son savoir dans des discours et des figures de sécurité et de réduction des inquiétudes, la diffusion des discours médicaux dans une ville comme Marseille vient, au contraire, accroître le sentiment d’insécurité. Il y a un lien entre une très ancienne culture médicale à Marseille et la montée de l’imaginaire de la peur, aujourd’hui, dans la situation liée au coronavirus.

La diminution de l’activité économique

Un autre facteur accentue, à Marseille, le sentiment d’une menace : ce que l’on peut appeler l’insécurité économique. Les risques de fermeture d’entreprises, les risques de diminution des emplois et de perte des emplois que l’on occupe, font partie aussi de la figure globale de la peur. La diminution de l’activité du port, ou, à tout le moins, la diminution des échanges avec des pays qui sont confrontés au coronavirus, contribue aussi à la montée d’un sentiment d’insécurité économique. À cet égard, la situation du port, à Marseille, rejoint aujourd’hui, des épisodes comme la venue de la peste, en 1720, comme nous en parlions récemment ici. Aujourd’hui, comme en 1720, la volonté des acteurs économiques et financiers de ne pas risquer de perdre leurs profits les empêche de prendre de véritables mesures de sécurité autour de l’activité du port.

Mais, comme toute figure de peur et d’insécurité, ce sentiment empêche la mise en œuvre d’une véritable activité de réflexion et de débat. Comme celui de nombreuses villes, l’activité critique et de débat de l’espace public de Marseille finit par être paralysée par la montée de la peur devant la maladie.

Le coronavirus et la citoyenneté

Cette sorte de paralysie du débat liée à la peur suscitée par la figure du coronavirus prend des formes particulières dans l’activité politique de la ville. D’abord, il s’agit de l’incertitude sur la date à laquelle aura lieu le second tour de l’élection municipale – si tant est qu’il y ait un second tour et que l’élection municipale ne soit pas reprise depuis le commencement, et qu’une sorte de second premier tour ait lieu. Cette incertitude même empêche le débat politique de se tenir autour de l’élection. Cela, par ailleurs, prolonge le mandat du maire sortant, J.-C. Gaudin, et affaiblit la légitimité des décisions qu’il va prendre désormais. Au-delà, dans cette incertitude, c’est la citoyenneté même qui est affaiblie par la menace de la maladie. Ne pouvant pas s’exercer pleinement lors de l’élection, et ne pouvant s’exprimer dans des débats et des réunions publiques qui sont interdits, la citoyenneté est elle-même en quelque sorte suspendue.

Mais il faut aller plus loin : dans cette incertitude, c’est la ville même qui est menacée, car ceux qui y vivent ne peuvent plus manifester la dimension politique de leur appartenance à la ville, ne peuvent plus exprimer le lien social qui fait de la ville un espace pleinement politique. À Marseille comme dans toutes les villes, le confinement est l’adversaire du débat. C’est ainsi l’identité urbaine même qui est suspendue, voire menacée. Sans doute la véritable menace se trouve-t-elle là, dans le risque de l’extinction du politique et de la citoyenneté.

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