L’ÉVEIL DE LA BELLE ENDORMIE

Les élections municipales ont lieu aujourd’hui

L’ÉVEIL DE LA BELLE ENDORMIE

Cette fois, c’est aujourd’hui : le premier tour des élections municipales a lieu ce dimanche. À Marseille, cela représente, en quelque sorte, l’éveil d’une belle endormie

Sortir d’un long sommeil politique

Ce sommeil, dont Marseille doit sortir, n’est pas une courte sieste, mais il s’agit bien d’un sommeil long et profond. En effet, ce qu’il importe de remarquer, c’est qu’à Marseille, la vie politique est dominée par deux figures politiques depuis 1953. De 1953 à sa mort, en 1986, c’est Gaston Defferre qui dominera la vie politique à Marseille, en exerçant le pouvoir municipal, et, depuis 1995, c’est Jean-Claude Gaudin qui exerce ce pouvoir. Finalement, si l’on observe avec attention l’histoire des municipalités de Marseille, on peut remarquer que, même si l’on prend en considération les neuf ans au cours desquels R. Vigouroux aura été maire, de 1996 à 1995, tout se passe, à Marseille, comme si la vie politique n’avait pas changé depuis 1953 – voire, si l’on réfléchit bien, depuis la Libération. Si nous parlons d’un sommeil dont il importe que la ville s’éveille, c’est que la vie politique aura été dominée par les mêmes figures depuis la Libération, c’est que, finalement, la vie politique, aujourd’hui, date des années cinquante. C’est pourquoi il importe que la ville s’éveille, c’est pourquoi il importe que la vie politique, à Marseille, se mette en œuvre, s’engage, s’exprime, avec les mots, les projets, les identités politiques d’aujourd’hui. Si la belle doit s’éveiller, c’est qu’on a le sentiment que la dynamique politique s’y est suspendue depuis la Libération. Mais cet éveil de la vie politique et des pouvoirs, à Marseille, porte sur plusieurs points.

L’éveil des engagements

C’est le premier éveil qui a lieu aujourd’hui : celui des engagements des acteurs politiques de la ville, celui des projets, celui des intentions. C’est qu’à partir d’aujourd’hui, et, bien sûr, plus encore à partir de dimanche prochain, la ville passera des engagements à leur mise en œuvre. L’éveil des engagements signifie, à Marseille, la mise en œuvre d’une politique municipale qui réponde pleinement aux exigences d’une ville contemporaine, qui réponde aux aspirations de celles et ceux qui l’habitent aujourd’hui. En parlant de l’éveil des engagements, nus souhaitons parler de l’exigence que la municipalité s’engage, que la municipalité ait des engagements, qu’elle exprime, qu’elle verse au débat, qu’elle soumette à l’adhésion de celles et de ceux qui vivent dans la ville. L’éveil des engagements, c’est, notamment, l’éveil d’une politique municipale qui réponde à trois exigences de notre temps. La première exigence est celle d’un paysage urbain, celle de ce que l’on pourrait appeler un engagement esthétique pour la ville. La ville est trop peu entretenue, la politique de l’environnement y est pratiquement inexistante, alors que l’environnement est devenu une exigence politique contemporaine majeure. Le second engagement qu’il importe de manifester aujourd’hui, à Marseille, est une véritable politique de la circulation et de la mobilité. Les quartiers sont trop enclavés, trop séparés les uns des autres, la mobilité qui devrait les réunir n’est pas assez développée, et, de ce fait, l’identité municipale ne se manifeste pas dans l’espace. Enfin, il existe, à Marseille plus peut-être que dans d’autres villes, une exigence, une urgence, celle de l’emploi et de la formation. La municipalité issue des élections prochaines devra mettre en œuvre une véritable politique municipale de la formation, à la fois dans le domaine de la formation universitaire et dans celui de la formation professionnelle, et engager une réflexion, une concertation, un débat associant tous les acteurs économiques dans un travail sur les nouveaux métiers et les nouvelles qualifications qui peuvent trouver leur place à Marseille, en particulier dans le domaine de la mer et dans celui de la culture, qui sont deux champs dans lesquels Marseille dispose d’atouts qu’elle ne met pas assez en valeur aujourd’hui. Et puis, bien sûr, nous nous trouvons devant la nécessité d’un autre éveil, celui du sommeil que les pouvoirs tentent de nous imposer en utilisant pour cela l’événement du coronavirus, avec cette forme de contradiction qu’il y a à interdire, d’un côté, les rassemblements de plus de cent personnes et, de l’autre, à maintenir la date des élections municipales. Pour tous les citoyens de ce pays, ces élections sont une occasion de manifester l’éveil d’une résistance à la contrainte du sommeil politique.

Engager une dynamique politique réelle

Sans doute s’agit-il de la signification la plus importante de ces élections municipales pour Marseille : elles marquent le moment où s’engage une dynamique politique réelle pour la ville. L’absence de renouvellement de la vie politique de la ville, trop lourdement dominée par un nombre trop restreint d’acteurs, rend urgente la mise en œuvre réelle d’une dynamique politique nouvelle, fondée sur des identités encore à construire. Deux orientations pourraient situer cette dynamique politique nouvelle : la première est l’engagement d’une véritable politique tournée vers la Méditerranée, faisant de Marseille une véritable métropole méditerranéenne ; l’autre devrait être la mise en œuvre d’une politique de la solidarité et des échanges être les quartiers de la ville, qui devaient ne plus être fermés mais, au contraire, s’ouvrir pleinement les uns aux autres, notamment par l’élaboration et la mise en œuvre d’une politique de la circulation et d’une politique culturelle associant l’ensemble des quartiers de la ville et mettant fin aux situations de fermeture et d’isolement de certains quartiers et de certaines cités. C’est de cette manière que la dynamique politique engagée par la prochaine municipalité pourra instituer une véritable citoyenneté urbaine à Marseille.

Les élections municipales et la pandémie du coronavirus

Reste à s’interroger sur la signification du refus de l’exécutif de reporter les élections municipales de cette année en raison de la survenue de la pandémie du coronavirus. Ce qui est grave, dans ce refus, c’est le risque qu’il fat courir d’une abstention massive lors de ce scrutin en raison du risque de contracter le virus – et, par ailleurs, il apparaît une contradiction majeure entre le fait de fermer les établissements d’enseignement et de maintenir les élections qui ont lieu dans des lieux publics, et qui sont l’occasion de concentrations massives de population.  Mais peut-être justement la signification de ce refus du report est-elle de frapper d’une forme d’illégitimité les conseils municipaux issus de ces élections, en raison de l’abstention qui risque de se produire. Quoi qu’il en soit – il est trop tôt, ce dimanche matin, pour évoquer les résultats de ces élections, sans aucun doute ce refus du report, cette forme d’obstination à maintenir le premier tour ce dimanche malgré l’expansion du virus, aura pour incidence des risques majeurs de remise en question des pouvoirs issus de ces élections.

Note, ce dimanche matin : Bien sûr, il est encore trop tôt, car on ne sait pas grand-chose, pour réagir à la « cyberattaque », liée à un « rançongiciel », dont auraient été victimes la Ville de Marseille, la métropole et la Région, mais tout de même, cela a lieu la veille de ce premier tour des municipales…