Laissé à l’abandon, le tunnel du Rove inquiète les voisins du dessus
La partie souterraine du tunnel du Rove, qui s'étend de Marignane à l'Estaque pose des questions de sécurité. Le Grand port de Marseille doit réaliser un diagnostic. Mais des problèmes d'accès compliquent la tâche. À Gignac-la-Nerthe, commune traversée en sous-terrain par le tunnel, l'inquiétude se fait pressante.
L'emprise du tunnel, bien visible, n'est pas constructible depuis l’existence du plan local d'urbanisme. Dans l'axe, l'église et la mairie.
Prouesse architecturale du début du XXe siècle, il est devenu un terrain de jeu idéal pour les graffeurs à la recherche de murs abandonnés par leur propriétaires. Le tunnel du Rove et sa majestueuse voûte relie sur sept kilomètres l’étang de Berre à la Méditerranée. Mais il n’est plus que l’ombre de lui-même.
Jadis voie navigable, l’ouvrage a été condamné en 1963, année de l’effondrement d’une partie de sa structure. À son extrémité nord, le mauvais état des berges est criant. 1700 mètres plus loin, au niveau de la commune de Gignac-la-Nerthe, un imposant cratère rappelle en surface, l’effondrement qui obstrue sur une centaine de mètre le tunnel.
“La ville de Gignac est traversée en souterrain par le tunnel, notamment sous l’église et la mairie. Ce qui m’inquiète, ce sont les populations qui vivent là”, n’a de cesse de répéter le maire (divers gauche) de la commune, Christian Amiraty. La complainte pourrait paraître anecdotique, mais sur place, elle prend tout son sens. L’emprise du tunnel se dessine à la surface sous forme d’un terrain vague, inconstructible, dans l’axe duquel se dresse le clocher de Gignac-la-Nerthe.
Dans le centre-ville de cette commune de quelque 9000 habitants, le tunnel n’est pas visible, mais bien présent dans les esprits. Éliane est propriétaire d’un immeuble situé sur l’emprise du tunnel. “S’il y a un risque, et ben je tomberai dedans”, se résigne la riveraine en sortant le plan local d’urbanisme de la commune. L’emprise du tunnel y est signalée par une légende qui correspond à un risque de mouvement de terrain. “Bien sûr que j’y pense à un éventuel effondrement. J’ai cinq familles qui vivent là !”
Il suffit d’emprunter un escalier, dont les marches s’effritent, pour atteindre les berges du tunnel. Les traces de présence humaine ne sont pas celles d’ouvriers et machines venues les conforter. Au sol, des canettes, mégots ou paquets de bonbons témoignent plutôt des passages réguliers de jeunes du coin. Les plus aventureux peuvent même pénétrer sous la voûte spectaculaire du tunnel, en poussant une simple porte en métal.
Dix mètres de haut, 22 de large, l’ouvrage est impressionnant. Si l’obscurité et les bruits d’eau qui résonnent au loin peuvent décourager les moins téméraires, s’y engouffrer est un jeu d’enfant. “L’endroit est complètement laissé à l’abandon, on pourrait en faire une promenade agréable le long des berges mais la structure à l’air de s’affaisser, craint-on du côté de la direction des services techniques de la mairie de Gignac. Il a des gens qui viennent, il faudrait tout grillager.”
Méconnaissance de la structure
Christian Amiraty s’est récemment tourné vers le propriétaire du tunnel, le grand port maritime de Marseille (GPMM), qui lui-même appartient à l’État, pour faire part de sa crainte. La réponse faite par l’établissement public ne l’a pas vraiment rassuré. Dans sa lettre, le port l’informe que l’état de la structure n’est pas complètement connue.
“Aujourd’hui, on reste dans une grande méconnaissance de l’état des piédroits [murs verticaux qui soutiennent la naissance de la voûte, ndlr] immergés, la seule certitude consiste à dire que ceux qui ont été visualisés après éclaircissement de l’eau présentent un aspect extérieur correct”, écrivent les experts du port dans une note de synthèse datée de février 2019. Ou encore : “Les radiers [socles en béton sur lesquels repose l’ouvrage, ndlr] sont eux également méconnus au regard de leur existence et s’ils existent, de leur épaisseur”. Bref, rien de rassurant. Pour y remédier, un diagnostic doit être réalisé. Mais des problèmes d’accès risquent de repousser le calendrier initial. Et d’augmenter la facture.
“Les crédits nécessaires à la réalisation de ce diagnostic sont estimés à 420 000 euros. L’administration centrale a validé l’autorisation à hauteur du montant demandé. Les inspections pourront donc être mise en œuvre courant 2020”, assure le port à Christian Amiraty. Une bonne nouvelle… ou presque : “Cependant, un certain nombre de difficultés techniques se posent et notamment quant à l’accès de moyens nautiques par le canal de la tranchée de Gignac, dont l’effondrement d’une partie du talus obstrue le passage.” Parmi les “moyens nautiques”, des pontons avec échafaudages sont notamment prévus.
Le port a ainsi demandé une seconde enveloppe à l’administration centrale de l’État. Celle-ci s’élève à 2,6 millions d’euros afin d’ “intervenir prioritairement sur la partie sensible aux glissements des talus du côtés de la tête nord du tunnel”, précise le port. Contacté par Marsactu, la direction régionale de l’environnement de l’aménagement et du logement, service déconcentré de l’État chargé du dossier, confirme avoir débloqué le budget demandé :
Le service annexe des voies navigables rattaché au grand port maritime de Marseille a réalisé en 2018 des études relatives au confortement de la berge de la tranchée de Marignane/Gignac (reliant le tunnel du Rove à l’Etang-de-Berre). Les crédits pour faire les travaux ont été accordés par le ministère dans la programmation de septembre 2019 (2,6 M€). Les travaux pour stabiliser les talus devraient être réalisés progressivement à partir de la fin d’année 2019.
“Le port ne nous a même pas transmis le cahier des charges”
“Ce que je comprends, c’est qu’il faut relancer le diagnostic, mais visiblement, ce n’est pas simple”, poursuit le maire de Gignac. C’est le Céréma, centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement sous la tutelle du ministère de la transition écologique et solidaire, qui doit réaliser ce diagnostic.
Mais ses ingénieurs-scaphandriers ne sont prêts à se rendre sur place. “Nous devons effectivement réaliser une inspection subaquatique, informe le service communication du Céréma. Mais ça ne sera pas avant mai 2020. Le port ne nous a même pas transmis le cahier des charges.” Contacté à plusieurs reprises, le port n’a pas répondu aux questions de Marsactu.
Autour de l’étang, nombreux sont ceux qui parlent de rouvrir le tunnel à la circulation de l’eau de mer. Cela permettrait, selon certains scientifiques, de rééquilibrer l’écosystème de l’étang de Berre mis à mal par les rejets en eaux douces de la centrale hydraulique d’EDF (lire notre interview du directeur du Gipreb, syndicat mixte de surveillance de l’étang de Berre). De quoi hérisser le poil de Christian Amiraty. “Ok c’est bien. Mais il faudrait peut-être d’abord penser à mettre les gens en sécurité !”. Et redonner de la vigueur à toutes les expression galvaudées construites sur “le bout du tunnel”.
Commentaires
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Le GPMM, il faudra un jour remettre à plat son utilité et même son existence. Cet état dans l’état fait ce qu’il veut (et que je loue ci et ça à n’importe qui -je fais même raquer la commune qui m’accueille, un comble ! – et que je fais du “bruit et de l’odeur” et de la fumée et que je ne paie pas d’impôts)
Sa pertinence mais aussi ses limites territoriales et ses prérogatives devraient être sérieusement interrogées. Le GPMM est une nuisance pour les riverains. C’est aussi un peu (mais pas tant que ça) d’emplois. Mis si les nuisances ne sont pas compensées par des revenus qui permettent d’améliorer la vie des riverains alors le compte n’y est pas.
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On arrive à entretenir des tunnels ferroviaires vieux de 150 ans, mais un canal, c’est autre chose. Plus le temps passe, plus c’est condamné à s’écrouler, il faut évacuer toutes les habitations au-dessus. Les Suédois l’ont fait à Kiruna.
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