Pollution de l’air au port de Marseille : deux poids, deux mesures

Billet de blog
par Le Sonar
le 18 Mar 2019
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Alors que le grand port maritime de Marseille (GPMM) met en avant des initiatives vertes innovantes, notamment avec l’achèvement prochain du démonstrateur Jupiter 1000, France Nature Environnement et les associations de riverains s’inquiètent d’un manque de mesures concrètes pour lutter contre la pollution de l’air.

Le port de Marseille en 2016. / BY Georges Seguin

 

Et si l’on transformait les fumées industrielles en biocarburants ? L’électricité, en gaz vert ? Au cœur du Grand port de Marseille, scientifiques et industriels planchent sur des procédés innovants pour amorcer la transition énergétique. Le dernier en date : Jupiter 1000, un projet censé “transformer des excédents d’énergie électrique d’origine renouvelable en gaz vert”, et dont les premiers résultats doivent voir le jour cet été.

Le transport maritime serait responsable de 5 à 10% de la pollution de l’air dans la métropole, selon Air Paca. Une proportion toute relative, mais qui tend à augmenter dans les quartiers situés à proximité du port, par exemple l’Estaque, la Joliette, ou Mourepiane. “On peut penser que dans ces zones, il y a quelques cas de maladies liées à une mauvaise qualité de l’air”, s’inquiète Richard Hardouin, vice-président de France Nature Environnement Bouches-du-Rhône.

“C’est une urgence de santé publique, insiste-t-il. En raison de la pollution atmosphérique, l’espérance de vie est réduite de 7 mois et demi à Marseille“.

Une stratégie globale d’innovation

“Jupiter 1000 doit contribuer à décarboner le secteur des transports. Il y a pas mal d’enjeux à ce niveau-là”, explique Sylvain Pichon, manager transition énergétique au sein du GPMM. À terme, cette innovation développée à plus grande échelle devrait alimenter les réseaux de transport et de chauffage. Avec à la clé, un impact limité sur l’environnement : “utilisé pour alimenter une voiture, l’hydrogène ne rejette que de l’eau”, précise le responsable de Jupiter 1000.

Via la technologie “power to gas”, Jupiter 1000 transforme l’énergie électrique en gaz vert, soit sous forme d’hydrogène, soit sous forme de méthane de synthèse. “L’avantage, c’est de pouvoir stocker l’énergie solaire, ou éolienne, qui est intermittente”, précise Sylvain Pichon.
Les premières molécules d’hydrogène devraient voir le jour cet été, et le processus de méthanation, d’ici la fin de l’année. Même si la plupart des équipements sont déjà sortis de terre.

D’autres projets d’envergure sont nés ces dernières années au sein du port de Marseille (GPMM). Parmi eux : l’installation d’un parc éolien offshore flottant (EOOS), et la plateforme innovante PIICTO, sur laquelle se développent Jupiter 1000 et Vasco 2 – un système de recyclage des fumées industrielles en biocarburant, par l’intermédiaire d’algues.

Ces initiatives s’inscrivent dans la stratégie 2014-2018 du port de Marseille Fos, “sur la mutation industrielle et la transition énergétique”. Pour Sylvain Pichon, elles “préfigurent une solution, un vecteur énergétique vertueux. Elles participent indirectement à la dépollution, en limitant les impacts de l’activité industrielle sur l’environnement”.

“Le port ne met pas en route des choses simples”

Mais pour le moment, ces programmes restent à l’état de démonstrateurs. Vasco 2 arrive à terme, et sa poursuite reste en projet. Quant à Jupiter 1000, le programme lancé fin 2017 accuse déjà plusieurs mois de retard.

Pour Richard Hardouin, “le GPMM met en avant des choses un peu “méga”, mais il ne met pas en route des choses simples”, en particulier pour limiter la pollution de l’air. “Oui pour avoir une vision à 40 ans, mais commençons à réaliser ce qui peut l’être immédiatement”, appuie-t-il.

“À Marseille et dans les Bouches-du-Rhône, on est hors-limite en dioxyde d’azote, on est très tangents sur les particules fines”, s’inquiète Richard Hardouin, également président du Collectif Anti-Nuisances Environnement (CAN), une association de riverains. 250 000 personnes sont exposées quotidiennement à un taux d’émissions polluantes supérieur à la limite européenne, d’après Air Paca.

Des navettes électriques pour réduire la circulation

Pour améliorer la qualité de vie des riverains, FNE propose “des actions concrètes”, de court terme. Par exemple : la mise en place de navettes électriques entre l’entrée du port et la zone d’embarquement. “On en est encore à ce que les taxis arrivent au pied du bateau”, déplore le vice-président.

“Concerter avec les citoyens, pour la mise en place de mesures de court terme, permettrait d’instaurer un climat de confiance, pour crédibiliser les actions à moyen et long terme”, conclut Richard Hardouin qui regrette l’absence de concertation entre le port et les riverains. “Le député Saïd Ahamada a tenté d’instaurer un dialogue. Une réunion s’est tenue, mais le port a présenté son projet industriel, plutôt que de parler de concertation”, déplore le vice-président de FNE.

Pour le moment, l’engagement du port en faveur de la transition énergétique ne convainc pas les associations de riverains. Sur ce point, la direction n’a pas souhaité réagir. Le plan 2019-2023 est en cours de finalisation, il verra le jour prochainement.

Inès Guillemot

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