Au lycée : "je suis homophobe et je veux comprendre pourquoi"
Au lycée : "je suis homophobe et je veux comprendre pourquoi"
Pénétrer dans le lycée professionnel René-Caillié en lisière du boulevard Saint-Loup, revient à plonger dans un bain ultra-testostéroné. Les métiers du bâtiment et des travaux publics n’attirent toujours pas les jeunes femmes. Répartition sexuée du travail et non mixité, deux aspects d’un même ingrédient qui, à l’heure de lancer la séance de sensibilisation aux discriminations dont sont victimes les homosexuels, bisexuels et trangenre, n’incitent pas forcément à l’optimisme.
Au compte-goutte, une quinzaine d’élèves de seconde rejoint la salle 18. Il y a là “des Fi” et “les Mav”, comprendre les Bac pro Finitions (peinture, carrelage, etc.) et les “métal-alu-verre” (fabrication et pose de pièces). Pour casser la routine, les deux intervenants de l’association SOS homophobie invités dans le cadre de la semaine prévention santé ont disposé les chaises pour former un arc de cercle propice à la discussion. Première étape pour les deux hommes : établir les bases du dialogue en testant les connaissances de jeunes interlocuteurs, beaucoup moins loquaces quand les points d’interrogation s’accumulent : “qu’est-ce que l’homophobie ?”, “vous connaissez d’autres phobies ?” et autres questions ne reçoivent dans le meilleur des cas que de timides réponses. Pas facile de motiver ces jeunes qui ont pour certains, tel ce colosse avachi sur sa chaise qui persiste à conserver ces écouteurs, ostensiblement décidé de s’en désintéresser.
“Mais tu craques toi”
“Qu’est-ce qui différencie la femme de l’homme ?“, tente Romain Donda. Silence dans l’assistance déconcertée. “C’est le ménage“, tente quelques lycéens mi-sérieux mi-goguenards. La seule fille du groupe, Caroline, finira par penser à l’enfantement. En piquant la curiosité, en ressortant des thèmes qui d’habitude appartiennent au non-dit, l’intérêt semble aller grandissant mais les élèves ne participent toujours pas. Seuls Caroline et Soufiane, un pion venu assurer la police autant que jouer les bons élèves, font avancer la discussion.
Ces premières avancées permettent d’entrer dans le vif du sujet. L’autre intervenant, Christophe Léger, pousse les élèves à formuler les causes de l’homophobie. “Contraires à la nature”, “ils arrêtent la croissance humaine” (sic), “dégueulasses” : un à un, il faut démonter les clichés et mettre les points sur les i. Parfois, les élèves entre eux se reprennent à coup de “mais tu craques toi” : non, une fille qui a les cheveux courts n’est pas forcément lesbienne, non un garçon qui porte des pulls en V n’est pas nécessairement gay.
A contrario, tout le monde répond “oui” quand on leur demande si homos et hétéros ont les mêmes droits dans la France de 2012. Tant pis pour l’adoption, le mariage ou le don du sang… Très peu semblent semblent d’ailleurs sensibles à ces revendications. Personne ne dit côtoyer des homosexuels sans que l’on n’en connaisse la raison.
Coming out
Cette réalité que la plupart ne veut ni voir ni entendre, les militants la leur mettent pourtant sous le nez. L’annonce de leur propre homosexualité paraît en remuer certains. La diffusion d’un court-métrage mettant en scène deux jeunes hommes de cité obligés de cacher leur amour pour ne pas subir de pressions familiales ou sociales renforce le message. Quand ceux-ci échangent un long baiser pourtant filmé avec pudeur, la moitié de la classe, au bas mot, baisse la tête pour ne pas le voir.
Surgit alors le coup de grâce, celui qui va scier jusqu’aux deux compères, pourtant rôdés à l’exercice. “Que feriez-vous si votre fils était gay ?” Quatre élèves, qui sûr de son fait, qui bravache, répondent : “je le tue”. Le tour de table continue : quelques-uns estiment que “ça change rien”, d’autres ne savent pas. Leurs voisins veulent “le fracasser et le renier” ou encore l’envoyer “en cure”.
“Semer quelque chose”
La sonnerie ne retentira que dix minutes plus tard mais la séance a déjà trouvé sa conclusion sur ces sentences. Brutes, définitives. Un léger abattement se lit sur le visage des intervenants comme sur celui des organisateurs, l’infirmière scolaire et le prof d’éducation physique. Avec sa blouse blanche aux boutons multicolores, Marie-Christine Cachou en a vu d’autres à René-Caillié : “J’exerce ici depuis sept ans. C’est représentatif de ce que l’on entend au quotidien mais je sais qu’ensuite, certains reviendront vers nous pour en parler. L’important, c’est d’avoir semé quelque chose.” Comme en écho, un des élèves se confie d’une voix triste. Omar, 18 ans passés, a cet aveu assez désarmant : “Je suis homophobe. Ça m’a intéressé car je veux savoir pourquoi je suis comme ça”.
“À un moment donné, ils sont obligés d’avoir deux gays en face d’eux pendant deux heures”, reprend comme pour se rassurer Christophe Léger. Tous évoquent l’atmosphère pesante qui entoure ces jeunes : précarité, poids des traditions et de la culture. A l’image du prof de sport, Olivier Ricard, ils en sont convaincus: “C’est dans ces classes-là qu’il faut intervenir car c’est une des rares fois où ils en entendront parler.”
Les deux intervenants repartent. Sur le chemin du retour, ils confient que ce genre de comportement est inhabituel. “D’habitude, il y a un retournement qui se passe. Là, rien”, témoigne Léger avant d’ajouter : “Ce ne sont pas les pires trucs que j’ai entendus. Le pire, c’était par des bourgeois, propres sur eux, bien cathos”. Histoire de ne pas stigmatiser toujours les mêmes…
Commentaires
L’abonnement au journal vous permet de rejoindre la communauté Marsactu : créez votre blog, commentez, échanger avec les autres lecteurs. Découvrez nos offres ou connectez-vous si vous êtes déjà abonné.
Vous avez un compte ?
Mot de passe oublié ?Ajouter un compte Facebook ?
Nouveau sur Marsactu ?
S'inscrire
C’ets vraiment lamentable que des lieux publics, qui devraient rester neutres sur ce genre de sujet, permettent de tels dérives.
Si l’Education Nationale croit que c’est comme cela qu’elle va redorer son blason, ou voire son budget augmenté….
Se connecter pour écrire un commentaire.
Interessant… Pourquoi deux des eleves sont-ils identifiables sur la photo, et deux autres ont-ils le visage flouté?
Se connecter pour écrire un commentaire.
Quel titre choquant Jean-Marie!
Il aurait été plus logique:”Je suis homosexuel pouvez vous me comprendre”.
Alors on peut commencer à discuter.
Et puis pourquoi utiliser homosexuel,il y a d’autres mots dans la langue française.
Pourquoi les héteros devraient se culpabiliser pour un comportement qu’il leur est étranger.
Pouquoi toujours présenter ces aspects du comportement humain de cette façon.
Le monde à l’envers…!
Que les homosexuels fassent leurs vies et basta.
Se connecter pour écrire un commentaire.
Anne Onyme! En quoi cela pose un problème de lutter contre les discriminations et les problèmes de santé dans les écoles e si on vous écoute : plus d invertion sur le racisme, la xénophobie, l’égalité Homme/Femme, les problèmes d’alcool, de drogues. Plus de cours sur l’éducation sexuelle… Elle serait belle l’école républicaine !
Se connecter pour écrire un commentaire.
Anonyme,c’est vraiment du grand bricolage.
Nous sommes tous des bricolés.
Peut-être le début de l’explication.
Coluche au secours,ils veulent nous envoyer tous chez Casto.
Se connecter pour écrire un commentaire.
Quel courage pour ces intervenants et intervenantes. Grace à ce reportage, il parait plus que nécessaire de continuer. L’objectif n’est pas de convaincre d’aimer ou pas les LBGT mais de tous se respecter et de vivre ensemble.Et pour celà, il faut arrêter d’être dans l’ignorance et la peur irraisonnée! Et ceci fait bien parti du role de l’éducation nationale!
Se connecter pour écrire un commentaire.
Rien d’étonnant mais ces jeunes , écartés du vrai système scolaire sont plus fermés que les autres D’ où l’ utilité de l’école très tôt pour finir très tard .. Vrai : faut voir les réflexions des gens assez aisés , bourgeois et rétrogrades mais bon vieux .. ce qui explique .. ils sont d’ un autre temps .. merci pour le reportage .
A force de faire des moments de “réflexions” ils peuvent changer ..
Se connecter pour écrire un commentaire.
“”Qu’est-ce qui différencie la femme de l’homme ?”, tente Romain Donda. La seule fille du groupe, Caroline, finira par penser à l’enfantement.”
C’est tout ? Et si jamais une femme n’enfante pas, elle est quoi, un homme, une chèvre, une pute ? Quelqu’un a repris cette jeune fille ? Voilà la femme encore une fois liée à la maternité ! Femme = maman ! C’est bien de lutter contre les préjugés mais faudrait voir que ça ne serve pas à en renforcer d’autres ! Le sexisme sévit bien plus fort que l’homophobie, et ce dans tous les milieux ! D’ailleurs l’homophobie est le plus souvent lié au sexisme.
Se connecter pour écrire un commentaire.
Cher liseron,
Non, nous ne faisons pas de prosélytisme! Notre combat ce n’est pas l’homosexualité, c’est faire reculer les préjugés et déconstruire les stéréotypes. On ne choisit pas davantage d’être grand, petit, noir, blanc, homme ou femme qu’on ne choisit d’être hétéro, lesbienne, gay, bi ou trans et voilà pourquoi notre combat contre l’homophobie est légitime, tout comme le combat contre le racisme ou le sexisme. Avec une nuance, rares sont ceux qui osent encore contester la nocivité du racisme ou du sexisme (ou leur existence) et nombreux sont ceux qui nient l’homophobie, formatés qu’ils sont par l’hétéronormalité. Notre “combat” est pacifique et n’a d’autre objet que de promouvoir un plus grand “vivre ensemble” sans exclusion, sans jugement hâtif et définitif. La sexualité est de l’ordre du privé, vous avez bien raison, et nous ne racontons pas ce que nous faisons en privé, mais le rejet des personnes LGBT est bien, lui, de l’ordre du public. Pour conclure, je suis bien de votre avis, les lois sont indispensables mais insuffisantes, il faut vraiment déconstruire stéréotypes et idées reçues qui n’ont rien, mais absolument rien à voir avec l’instinct!
Se connecter pour écrire un commentaire.