UNE POLITIQUE URBAINE DE DÉMOLITION
Une vague de démolitions touche le centre de Marseille
UNE POLITIQUE URBAINE DE DÉMOLITION
Cela a pris la forme d’une information brève, dans « Marsactu », jeudi, le 31 janvier. « Ladéconstructiondes immeubles de la rue de la Palud démarre mardi ». Ce qui commence à ressembler à une épidémie amène à se poser des questions.
C’est qu’il ne s’agit plus des deux immeubles de la rue d’Aubagne, par lesquels tout semble avoir commencé. Rappelons-nous : il y a déjà un siècle, c’était au début du mois de novembre, les deux immeubles s’étaient effondrés. Depuis, la municipalité a entrepris des études sur le logement « indigne et insalubre » à Marseille, des arrêtés ont été pris, des démolitions envisagées, puis mises en œuvre. Bien sûr, les premières protestations s’exprimaient alors, devant ce qui semblait l’incurie de propriétaires laissant se dégrader des immeubles où, tout de même, logeaient des familles, devant, aussi, ces familles forcées de quitter leur appartement et de se séparer de leurs affaires personnelles, obligées de vivre dans des logements provisoires, devant ces enfants obligés de changer d’école, et cela sans doute plusieurs fois au cours de l’année.
L’incurie de la municipalité
Bien sûr, cela aura été la première logique adoptée par les victimes de ces démolitions programmées et par ceux qui suivaient ces événements d’un œil critique. Bien sûr, c’est l’imprévoyance de la municipalité qui aura été dénoncée, son absence de souci de l’entretien des immeubles de la ville. Bien sûr, peu à peu, une autre logique aura été dénoncée : celle des inégalités. En effet, ces immeubles détruits et ces familles à la rue faisant face aux immeubles vides de la rue de la République, propriétés de fonds de pension et dont les appartements sont vides. Tout le monde commençait à se die que, tout de même, il y avait, là, largement de quoi loger les familles dépossédées de leur habitation dans le quartier de Noailles. C’est ainsi cette double signification de la politique municipale engagée par les pouvoirs locaux et la municipalité dirigée depuis 1995, bientôt un quart de siècle tout de même, par J.-C. Gaudin et son équipe. En même temps, tout le monde aura été frappé par ce qui aura semblé une sorte d’indifférence de la part des autorités municipales, à tout le moins une absence d’empathie à l’égard de ces familles. Un peu comme si commençait à se former un vague sentiment dénonçant, tout de même, ces familles pauvres habitant au cœur de Marseille. En écrivant cela, une pensée me vient, une association se forme dans mon esprit : je pense à l’air de Rossini, dans Le Barbier de Séville, qui montre comment la rumeur commence par unventicello, par un « petit vent », pour s’achever par un coup de tonnerre. C’est l’impression que nous donne cette situation du logement « indigne et insalubre » au centre de la ville : cela commence par deux petits immeubles, pour s’achever par une étude faisant apparaître la quantité immense de logements non entretenus et pour se poursuivre par les démolitions de la rue de la Palud.
S’agit-il d’une politique ?
C’est ainsi que l’air de Rossini laisse, peu à peu, la place au retour des questionnements politiques sur le patrimoine immobilier du centre de la ville. La question commence à se former : et s’il ne s’agissait pas d’une incurie, mais d’une politique concertée, destinée à vider le centre de ses occupants pour remplacer les immeubles anciens qui construisent le paysage par des immeubles neufs, destinés à une autre population ? Les propos du directeur général des services de la Ville, M. J.-C. Gondard, laissent peu de place au doute : « On démolissait déjà, dit-il, dans des propos cités par B. Gilles, dans Marsactu, le 31 janvier. « Cela prenait du temps. On a envie d’aller plus vite en mobilisant plus de moyens. Nous allons vers une transformation des quartiers anciens qui ne vont pas plaire aux habitants sensibles au charme de ce type de bâti. Cela passera forcément par des démolitions au vu de l’ampleur des signalements ».
De tels propos nous amènent à nous dire qu’il s’agit, sans doute, d’une sorte de nouvelle édition de ce qui s’était passé pendant la deuxième guerre mondiale, quand les immeubles anciens de la rive Nord du Vieux-Port avaient été remplacés par des immeubles neufs destinés, au passage, à une autre population ? On a connu une telle politique plus près de nous, à Paris, quand la démolition des Halles avait laissé la place à un quartier central fait d’habitations neuves et d’aménagements nouveaux, destinés à une population bourgeoise qui avait remplacé les milieux populaires qui habitaient ce quartier depuis toujours. Alors, forcément, on se pose des questions. On en vient à se demander si tout cela n’était pas une politique. On finit par se demander s’il s’agit véritablement de l’issue d’une incurie ancienne de la municipalité ou d’une entreprise de spéculation immobilière. On en vient à se demander si la municipalité n’était pas en train d’attendre que le quartier de Noailles, et, avec lui, d’autres quartiers du centre de la ville, soient assez mûrs pour tomber et pour être remplacés par de nouvelles constructions et de nouveaux aménagements destinés à une autre population. Il est temps que les acteurs politiques de la ville répondent à une telle politique, parviennent à l’empêcher de se mettre en œuvre, parviennent rendre son identité au centre de Marseille. C’est cela, une véritable politique de la ville.
Et une autre question se pose, devant cette sorte de frénésie de la municipalité à vider les immeubles du centre, en vue de les démolir et de les remplacer par d’autres : on se demande s’il n’y a pas, dans cette politique urbaine de démolition, une sorte d’urgence, à l’approche des élections municipales de 2020. On se demande s’il ne s’agit pas, finalement, de changer la population de ces quartiers pour en changer l’électorat, s’il ne s’agit pas, pour la municipalité de droite, de chercher à s’assurer une sorte de pérennité en faisant habiter ces quartiers par une population qui lui serait acquise.
C’est enfin, samedi, le 2 février, dans les rues de Marseille, en particulier sur la Canebière, qu’une manifestation populaire est venue parcourir la ville en exprimant haut et fort le mécontentement des habitants de la ville, réclamant « un centre-ville pour tous », c’est-à-dire la restitution du centre de la ville à ceux qui en sont les propriétaires légitimes, qui refusent de le voir démoli. Cependant, sans doute faut-il regretter l’absence des partis en tant que tels qui semblent se tenir à l’écart de ces mouvements. C’est toute une conception de la politique qui est à revoir.
Cette foule de questions et l’expression du mécontentement populaire par la manifestation de samedi font pleinement apparaître la dimension politique de cette entreprise de démolition du centre engagée par la municipalité.
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