Le Forum mondial de l'eau jette son programme dans la mare

Le Forum mondial de l'eau jette son programme dans la mare

A J-13, la machine est désormais bien lancée. Des affiches et encarts publicitaires diffusent la campagne pour le Forum mondial de l'eau (FME) de Marseille signée Publicis (une statistique de l'Unicef accompagnée du message "il est temps de trouver des solutions"). Vendredi, dans ses bureaux de la Canebière envahis de cartons contenant les ballons et bracelets qui investiront la ville dans deux semaines, le comité d'organisation a dévoilé le programme de ce 6e FME. Un lourd pavé (virtuel) consultable en ligne, dont Martine Vassal (adjointe au maire qui suit le dossier) et le directeur exécutif Jean-Marc Lacave ont profité pour distiller une subtile com' au fil de l'eau.

De Sarko à Albert de Monaco

Premier gros angle d'attaque : le nombre et la qualité des intervenants. Et c'est parti pour une séance de name dropping. A commencer par l'ouverture par le président "et pas le candidat" Nicolas Sarkozy, aux côtés du maire UMP de Marseille Jean-Claude Gaudin et du président du Conseil mondial de l'eau (et de la Société des eaux de Marseille) Loïc Fauchon. Pas un mot sur la visite du candidat socialiste François Hollande en revanche.

Suivront en vrac le président de la commission européenne José Manuel Barroso accompagné de quatre commissaires, Mikhail Gorbatchev, le prince Albert II de Monaco et peut-être Ban Ki-Moon, le secrétaire général des Nations unies. Pour montrer que tout ce petit monde ne viendra pas là pour profiter du soleil, l'accent est rapidement mis sur la journée ministérielle du mardi, qui réunira 113 délégations. Le lendemain marquant "la journée des engagements", dixit Martine Vassal, autour d'une déclaration commune.

Les chefs d'Etat annoncés n'étant cependant pas si nombreux (Tadjikistan, Palestine, Tchad, Niger, Maroc, les premiers ministre de Tunisie et de Corée du Sud…), si l'on compare par exemple au sommet sur le climat de Copenhague, du temps où la question était encore en haut de l'agenda politique international. Signe que malgré son officialisation par l'Onu comme droit fondamental, le sujet "ne fait pas partie des priorités mondiales", comme le reconnaissait ce lundi matin sur Radio Dialogue le vice-président du conseil mondial de l'eau Guy Fradin.

A "bras ouverts"

Se pose aussi la question de l'efficacité. "C'est difficile de dire comment les engagements seront suivis, mais si on ne pose pas la question c'est sûr qu'on n'a pas de réponse", réplique Martine Vassal. Jean-Marc Lacave complète : "le Forum est une instance unique en son genre : faire que les gens se parlent, regardent comment ils peuvent adapter à leur contexte les expériences des autres et repartent en ayant évolué". Bref, il y a "une diffusion à l'échelle micro, des choses qu'on ne comptabilise pas forcément comme "grâce au Forum"".

Autre point clé pour Martine Vassal : "montrer que c'est un forum où on accueille tout le monde les bras ouverts". Il s'agit là de faire pièce à l'une des principales critiques des organisateurs du Forum alternatif mondial de l'eau (Fame), qui se déroulera dans la même période autour du Dock des Suds. Organisateurs que l'élue UMP a régulièrement qualifiés ces dernières semaines, lorsqu'il s'agissait de leur refuser des subventions, d'"activistes hautement politisés, clairement de gauche, qui ne se battent pas pour résoudre la crise de l’eau".

Vendredi, le discours oscillait entre rejet critique et opération séduction. Piquée au vif par les affiches parodiques du FME, renommé Forum de la marchandisation de l'eau (la critique majeure du Fame), elle dénonce "un irrespect par rapport aux populations, quand on sait qu'un enfant meurt toutes les 15 secondes d'un problème lié à l'eau et l'assainissement". Et réaffirme l'idée selon laquelle les alternatifs "ne prennent aucun engagement, ne cherchent aucune solution". Comprenez contrairement aux participants du FME.

Mais Jean-Marc Lacave "leur dit : venez vous exprimer, on ne fait pas un Forum pour être entre amis". La preuve : certaines des 150 ONG présentes animeront leurs propres sessions. "Il y a des personnes avec des points de vue différents qui vont s'affronter", notamment sur "un débat qui nous tient à coeur en France qui est celui du public/privé", glisse Martine Vassal. Quand on est le seul pays où le secteur privé gère 80% de l'eau et l'assainissement, la tendance étant plutôt au rapport inverse dans le monde, on comprend que le débat tienne à coeur… (n'oubliez pas de lire la suite en cliquant à droite…)

Certes, Martine Vassal indique que "le samedi matin on ouvre au public pour faire participer un maximum de citoyens qui pourront voir les engagements et les solutions" (saurez-vous retrouver les éléments de langage ?). Mais une demi-journée sur une semaine, c'est peut-être un peu léger comme "ouverture"…

Arthus-Bertrand, M Pokora et l'OM…

Alors les "citoyens" auront droit les autres jours à un florilège d'événements estampillés "grand public". Le mardi soir, un film de Yann Arthus-Bertrand sera projeté. On imagine bien qu'on n'allait pas assister à Water Makes Money, le pamphlet traîné devant les tribunaux par Veolia… "Le maire nous a demandé d'insister sur une particularité de la ville qui est Marseille Espérance", poursuit Martine Vassal. Le jeudi sera donc placé sous le signe de l'"eau et la spiritualité", journée thématique conclue par des musiques sacrées.

"Des problématiques inhabituelles dans les forums traditionnels", note l'adjointe. Qu'on ne contredira pas sur ce point au vu de la suite : "pour le vendredi, on s'est fait plaisir avec un concert au Dôme très grand public", vraisemblablement le rappeur connu grâce à l'émission Popstars M Pokora. Marseille Espérance, le rap, que manque-t-il ? "Un clin d'oeil à l'OM : le match du samedi 3 mars contre Toulouse sera dédié à l'association Wash United".

"On tiendra les 20 000 personnes"

On n'ose imaginer que l'organisation espère gonfler le nombre des participants impliqués dans le FME avec les spectateurs du Vélodrome. Mais force est de constater qu'elle patauge toujours sur cette question. Mi-février, elle avait sorti sa table de multiplication pour expliquer que 4000 inscrits fois 6 jours, ça fait bien 24 000 personnes. Vendredi, c'était le signe plus qui était de mise : 6200 congressistes + 600 à 1000 membres de délégations ministérielles + 1800 jeunes "concernés de près ou de loin" par exemple via les écoles ou les assemblées + 600 bénévoles + 500 "sponsorisés" des pays du Sud à qui on paye le billet d'avion.

Ça ne fait jamais que 10 000 un brin tirés par les cheveux, mais "on remplira les objectifs d'avoir plus de 20 000 personnes, assure Jean-Marc Lacave. On est dans une phase d'accélération extrêmement sensible. A Istanbul, c'était pareil : on a eu des inscriptions exponentielles les trois dernières semaines". En tout cas les 30 000 un temps pronostiqués sont derrière nous. Et que, comme sur Radio Dialogue, la tendance est à minorer le nombre de participants des derniers FME. En même temps, ce n'est pas le seul point sur lequel l'organisation a du mal avec les chiffres : vendredi, elle maintenait mordicus que grâce au FME les Marseillais allaient profiter du métro jusqu'à 22h30. C'était donc ça l'extension appliquée par la RTM depuis… 2008 !