Loïc Fauchon, Empereur des Eaux de Marseille : l'humaniste incompris ?

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le 17 Juin 2010
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Loïc Fauchon, Empereur des Eaux de Marseille : l'humaniste incompris ?
Loïc Fauchon, Empereur des Eaux de Marseille : l'humaniste incompris ?

Loïc Fauchon, Empereur des Eaux de Marseille : l'humaniste incompris ?

«Je tiens à insister sur ce qui est la base de tous vos engagements : l’humanisme profond qui vous anime». Mercredi soir à l’Alcazar, Claude Valette, adjoint au maire chargé de l’urbanisme, ne tarissait pas d’éloges sur Loïc Fauchon, invité à donner une conférence sur le thème de l’eau. A sa suite, le directeur de l’Agence d’urbanisme de l’agglomération marseillaise, organisatrice de l’événement, se prenait même à philosopher : «Dans la tradition bouddhiste, on dit que les chats ont plusieurs vies. Quand je vois le CV de Loïc Fauchon, je me dis qu’il doit être un chat pour passer de la fonction publique à la tête d’une très grande entreprise privée, avec en même temps un engagement humanitaire et des responsabilités internationales»

Pas le monopole du coeur

Pour rappel : Loïc Fauchon c’est l’ancien maire de Trets, ancien bras droit de Gaston Deferre et de Robert Vigouroux, le fondateur de l’association Trans-Sahara, le président de la Société des Eaux de Marseille (Sem), le président du Conseil Mondial de l’Eau (CME) et à ce dernier titre l’organisateur du fameux Forum mondial de l’eau (FME) que Marseille accueillera en 2012. Ouf. Avant d’expliquer pourquoi « le temps de l’eau facile est révolu », Loïc Fauchon n’a pas esquivé cette cinglante question sur l’étanchéité entre toutes ses vies. « L’humanisme dont vous parlez et qu’il faut revendiquer sans complexe est permis par un parcours varié. Je suis toujours étonné de l’acharnement qu’ont certains à opposer le public et le privé. Nul n’a l’apanage du service au public.» Mais s’il a sorti l’artillerie d’un débat d’élections présidentielles (merci Valéry Giscard d’Estaing), c’est aussi parce qu’il «a eu les oreilles qui sifflent lundi lors d’une réunion dans une salle du centre-ville».

Noyé sous les critiques

Loïc Fauchon serait-il troublé par une obscure réunion de militants altermondialistes ? Un peu plus que ça : c’est la secrétaire nationale des Verts Cécile Duflot qui était venue expliquer au Théâtre Mazenod que le CME « est une escroquerie. Ce que l’on fait passer pour un forum de l’eau est un grand marché où l’on essaie de contaminer le reste de la planète avec notre soi-disant génie français. C’est comme si les dirigeants de Nestlé organisaient un forum sur la faim dans le monde ! En faisant en plus payer les collectivités locales.» Bouillant. D’autant plus que Patrick Mennucci, vice-président du Conseil régional, s’est invité à l’improviste rue d’Aubagne pour venir privilégier un soutien financier de la région à l’organisation d’un forum alternatif au lieu du FME, pour lequel elle est priée de débourser 2 millions d’euros. Ne manquerait plus que Jean-Claude Gaudin ne trouve pas les 4 millions d’euros demandés à la Ville…

Peut-être est-ce d’ailleurs son Scud qui a sifflé aux oreilles du PDG de la Sem : «depuis 40 ans, on nous explique que s’il n’y avait pas la Sem on boirait dans les rigoles. Alors qu’on sait depuis que depuis toutes ces années on a surtout fait remonter les bénéfices et les cours de Bourse des sociétés propriétaires» (comprenez la Générale des Eaux, la Lyonnaise des Eaux et leurs descendantes successives)

Fauchon en militant altermondialiste

Pas de doute : pour Loïc Fauchon, le temps de l’eau facile est révolu. Lui, qui se considère pourtant «plus comme un militant associatif qu’un président d’entreprise privée» et qui considére Danielle Mitterrand (l’une de ses plus ferventes adversaires sur la question de l’eau) comme «sa marraine».

Un représentant d’Attac s’étonne dans le public de ne pas le voir faire le pas entre la dénonciation de notre mode de vie «hydrovore» et le changement de notre modèle économique ? «Bien sûr que l’on passe facilement» de l’un à l’autre, assure-t-il, «mais ce n’est pas le rôle du président du CME» de le dire. Un peu plus et il se prononçait pour la décroissance «qui est une idée intellectuellement très brillante».

Il rappelle d’ailleurs qu’il est «un des plus vieux actionnaires du Monde Diplomatique» et qu’il «lis ce qu’écris Attac sur l’eau, pas toujours avec sympathie, mais il y a beaucoup de choses que je partage.» Etre accusé d’être le lobbyiste en chef des multinationales de l’eau dans les pays du Sud, y’a plus de justice…

Les pieds dans les poubelles

Il est donc temps de doucher les critiques de Cécile Duflot et Patrick Mennucci. « A l’échelle de la planète, ce débat franco-français sur le public et privé est complètement déplacé. Quand vous amenez l’eau en Afrique Subsaharienne, ils ne vous demandent pas si vous êtes une association ou une entreprise, on nous dit merci », lance-t-il. Mais les faits sont coriaces : « 90% de l’eau dans le monde est confiée au public », décochait Cécile Duflot deux jours plus tôt.

Revenons à notre bonne vieille ville alors. « Regardez ce qui s’est passé mardi : avec un comportement complètement irresponsables certains (le syndicat FO, ndlr) se sont permis d’empêcher les Marseillais de circuler, de se soigner… Nous n’avons pas eu un seul jour de grève à la SEM, vous imaginez si on coupait l’eau ? Si c’est ça le débat public privé je l’attend la tête haute.» Mais, Bronzo, artisan d’une grève des poubelles dantesque il y a quelques mois n’est-elle pas une filiale du groupe Eaux de Marseille ?

Bon, Loïc Fauchon ne peut pas tout régler… Mais espérer par-dessus le marché « que les éboueurs ne fassent pas grève pendant le FME », n’est-ce pas un peu se prendre les pieds dans les poubelles ? On verra ce qu’en dit Eugène Caselli, président de MPM, qui a sur son bureau une demande d’audit pour alimenter le débat sur la fin de contrat en 2013 de la SEM.

Un lien A quelques mois du renouvellement de son contrat la SEM fait baisser le prix de l’eau, magique, non ? par Marsactu.fr

Un lien Marc
hé de l’eau à Marseille, après Yalta, la guerre ?
par Maractu.fr

Un lien Forum mondial de l’eau, Nicolas Sarkozy présente les ambitions de la France sur actu-environnement.com

Un lien Eau : Europe Ecologie réclame le retour en régie d’un bien commun sur lepoint.fr

Un lien L’eau, bien commun de l’humanité, sur l’association France-Libertés de Danièle Mitterrand

Un lien Le site de la Société des Eaux de Marseille

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Commentaires

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  1. céhère céhère

    Merci pour cet article intéressant et complet sur des sujets aussi importants. Je n’ai pas trouvé de telles informations ailleurs.

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  2. charlessxx charlessxx

    Quand certains parlent d’humanisme hors de prospos et à tout propos, les loges ne sont pas très lointaines:. 😉

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  3. fabrice fabrice

    L’Alterforum de l’eau à Marseille se tiendra fièrement face aux marchands du Forum mondial de l’eau, et face au président Sarkozy, en 2012.
    Tous les citoyens sont invités à se rassembler pour l’Alterforum Mondial de l’Eau, qui débattra du retour de la gestion de l’eau à Marseille dans le giron public, pour une baisse de plus de 30% de vos factures comme cela s’est déjà fait dans les municipalités qui, en France, on choisi de ne plus se faire taxer indûment par les marchands d’eau. L’eau est un droit, qui a un prix certes, mais celui-ci doit être pris en charge par la collectivité citoyenne et donc les municipalités. Et c’est SIMPLE ET MOINS CHER. Lire : L’EAU N’A PAS DE PRIX, de Gabriel Amard, Ed. Bruno Leprince.

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  4. chauffeur en détresse chauffeur en détresse

    Comment une société aussi importante que la SEM peut elle laisser une société de son groupe arrêter une activité de transport au nom du profit. Avec pour conséquences 3 chauffeurs qualifiés qui vont se retrouver au chômage et d autres à qui on propose un emploi sous qualifié avec bien sûr une baisse de salaire et donc du pouvoir d achat.
    Est il vraiment possible que dans une entreprise de cette taille tout ne soit pas fait pour garantir un emploi à des employés qui ont plus de 5 ans d ancienneté?
    En espérant que la recherche du profit ne soit plus un jour la seule priorité de notre société et que les hommes retrouvent enfin une place légitime.

    Un salarié du pôle FMA (SILIM)

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