Bolloré tourne autour de Nice Matin, Hersant s'inquiète

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le 24 Fév 2010
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Bolloré tourne autour de Nice Matin, Hersant s'inquiète
Bolloré tourne autour de Nice Matin, Hersant s'inquiète

Bolloré tourne autour de Nice Matin, Hersant s'inquiète

Après la télé niçoise, le quotidien niçois ? La nouvelle est tombée hier au  CSA ( Conseil Supérieur de l’Audiovisuel), le groupe Bolloré vient de gagner l’appel d’offre pour créer une télévision locale privée à Nice. Et ça, ce n’est en réalité pas une très bonne nouvelle pour le Groupe Hersant Média, propriétaire de Nice Matin, de Corse Matin et de La Provence à Marseille.

On s’en souvient, ces journaux régionaux avaient été vendus fin 2007 par le groupe Lagardère aux héritiers de Robert Hersant. Ces héritiers,une dizaine d’enfants et de petits enfants du « papivore » sont aujourd’hui réunis au sein d’ une même société , GHM (groupe Hersant Média). Cette société possède des intérêts dans la presse en Outre-Mer ( Nouvelles de Tahiti, France Antilles…), dans la presse gratuite ( la Comareg avec les journaux Paru Vendu) et dans la PQR ( Presse Quotidienne Régionale) en métropole ( L’Union de Reims, Paris Normandie au Havre…). Ce groupe est dirigé d’une main de fer par Philippe Hersant, un des fils de Robert, qui fuit les médias, réfugié la plupart du temps dans sa somptueuse résidence au bord du lac Léman (coté suisse, sans doute parce qu’il aime le chocolat). L’achat des journaux du sud de la France était pour lui une opération magique, un coup de maître, dont son père aurait été fier, mais qui pourrait vite se transformer en cauchemar.

Par manque de chance tout d’abord. Hersant a acheté La Provence et Nice Matin à Lagardère, en 2007, alors que le marché était au plus haut et que ces journaux étaient à leur apogée. La Provence, notamment, était un des titres les plus rentables de la PQR en France (par l’absence du Syndicat du Livre CGT, un coup de génie de Defferre). Mais première grosse déconvenue pour Hersant, la crise arrive et les recettes pubs de La Provence et Nice Matin, s’effondrent. Les annonceurs du tourisme et de l’immobilier, gros acheteurs de pub,  touchés de plein fouet par la crise, annulent les uns après les autres leurs annonces. Concurrencés par l’internet et la presse gratuite, les ventes en kiosque ne vont pas bien non plus. Dans le reste du groupe, les résultats sont également très mauvais. la Comareg, numéro un des gratuits de petites annonces (Paru Vendu) est passé du statut de vache à lait à celui d’énorme boulet. Cet été, les banquiers qui avaient beaucoup prêté à Hersant pour investir en PACA ont commencé à s’énerver et comme la clause de remboursement n’était plus respectée  (le « covenant » bancaire) ils ont menacé de réclamer la totalité du remboursement anticipé de l’emprunt comme le contrat les y autorise dans ce cas particulier.  Hersant s’énerve et débarque Frédéric Aurand, le PDG d’alors. On raconte que Philippe Hersant n’aurait pas apprécié de voir les banques faire circuler un dossier de vente de ses quotidiens et que son bras droit ait laissé faire.

Un nouveau PDG arrive, Dominique Bernard, dont la mission est de restructurer. En gros, licencier et redresser la barre financière. Premier résultat : la vente des murs du siège de la Provence (avenue Roger Salengro), officiellement pour pouvoir investir dans du matériel informatique (selon le Canard enchaîné, il y a deux semaines), officieusement pour tendre un petit chèque aux banques et les calmer. Car le nouveau métier de Philippe Hersant est devenu celui de son père à l’apogée du groupe : négocier avec les banquiers. Mais là, il ne prennent plus les mêmes gants qu’avec Robert qui a toujours pratiqué la fuite en avant financière, mais pour assurer sa croissance.  Ils attendent un chèque de 150 millions et sauf à vendre une partie de son groupe, Philippe Hersant n’a même plus de quoi les faire patienter. Or que valent La Provence ou Nice Matin ? Ils ne valent plus du tout les 160 millions d’euros lors du rachat à Lagardère en 2007. Ils perdent plusieurs % de lecteurs par an, ils sont passés tous les deux sous la barre des 100 000 exemplaires vendus chaque matin (officiellement ils sont encore au dessus). On est loin d’il y a dix ans, au temps ou le Provençal diffusait 180 000 exemplaires, le Méridional 60 000. La fusion des deux a donné la Provence : le résultat est là : autour de 100 000 vendus. Heureusement à la régie pub Eurosud, il reste les milliers de pages d’appel d’offres annuels achetées par la ville de Marseille, celle d’Aix en Provence mais aussi le Conseil Général, le Conseil Régional, la CCI…

Et c’est le moment que choisit le breton Vincent Bolloré pour débarquer sur la Riviéra. A coté de son groupe industriel (Ports en Afrique, Batteries et voitures électriques…), le « petit prince du cash flow » , a réussi à monter en quelques années un groupe de médias et il commence à compter et à faire peur à ses concurrents, dont… Hersant. A côté du groupe Havas, un des plus grands groupes de communication au monde, il a crée la chaîne de télévision Direct 8 sur la TNT, et lancé des journaux gratuits, Direct Matin et Direct Soir, diffusés tous les jours à près de 1 million d’exemplaires. Premier missile du breton : il lance Direct Matin à Nice, son quotidien gratuit, histoire de déstabiliser et concurrencer un peu plus Nice Matin. Deuxième scud, la future télé locale niçoise. Tellement certain de perdre, le groupe Hersant, pourtant en compétition avec Bolloré sur ce dossier, n’est même pas venu défendre son projet au CSA ! Comme à Marseille avec LCM. Trop cher ! Plus d’argent ! Résultat un nouveau concurrent à Nice, pour un marché publicitaire pas très gros ni en grande forme. Et avec Bolloré, le maire Christian Estrosi, s’entend déjà à merveille. Si Bollo lui demande d’étrangler Nice Matin, il suffira à Estrosi de réduire comme dans un supplice chinois les millions d’euros de pub des collectivités qui dépendent de lui dans les Alpes Maritimes. Et pour couronner le tout, Corse Matin qui dépend de Nice Matin va se prendre d’ici quelques jours un concurrent en Corse lancé par le mensuel Corsica, très bien ancré et enraciné où il faut.
On se doute que Vincent Bolloré ne va pas en rester là. Il a déjà adossé ses gratuits aux principaux quotidiens régionaux et il a déjà eu entre les mains le dossier de Nice Matin, et de La Provence. En tant qu’administrateur de Natixis, un des principaux banquiers de Hersant, il n’a pas eu trop de mal à accéder au dossier… Et en plus, l’été qu’il passe chaque année à Saint-Tropez à recevoir le gotha, s’il pouvait en plus leur servir son journal… Et le tout, sous l’oeil bienveillant du tout puissant ministre de l’Industrie et maire de Nice, Christian Estrosi, qui comme tout bon élu local qui se respecte, est toujours  mécontent de son « traitement » dans « son » quotidien local, pourtant pas dirigé par d’affreux gauchistes…

Un lien la décision du CSA sur l’attribution de la télé de Nice pour Bolloré

Un lien Bolloré est déjà membre du conseil d’administration de Natixis, banque créancière… du groupe Hersant. Regardez.

Un lien Etat du groupe et de son endettement dans Stratégies.

Un lien le remplaçant de Fréderic Aurand à la tête du groupe Hersant s’appelle Dominique Bernard. Il vient de la presse magazine (Marie Claire, L’expansion, les éditions Atlas). Ca va le changer, la PQR ! Ses pertes, ses syndicats, ses élus locaux, ses élus locaux…

Un lien « Fin 2009 nous avons perdu plus de 100 millions d’euros de chiffre d’affaires sur 380 millions enregistrés trois ans plus tôt ». Brrr… Et c’est sur le site officiel (PDF).

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Commentaires

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  1. levetonnezpointcom levetonnezpointcom

    la tele locale, danseuse indéfectible et dévoreuse d’équilibre non attend touche maintenant boloré. on rentre dans un cycle immuable qui verra forcement à court, voir moyen terme le même Boloré chercher un ennième repreneur pour refiler son bébé inutile. (qui lui aura permis quand même de s’établir sur le marché régional de la PQR).La télé locale doit être un service public (nourri de proximité et de service à la personne) ou ne sera pas…ma foi..

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  2. Pluriel13 Pluriel13

    Comme je le disais à un ami, le problème, dans ces affaires-là; est que personne ne parle de ligne éditoriale ou de fond. Comme si c’était secondaire. L’information n’est pas que de l’économie… Non?

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