Que paient vraiment les croisiéristes quand ils arrivent à Marseille ?
Lors du conseil municipal de ce lundi, l'opposition a proposé de soumettre les croisiéristes à une taxe de séjour. Si la proposition a été rejetée, elle soulève la question de ce que paient les croisiéristes quand ils accostent. Et à qui ? Marsactu fait le point.
Aux pieds des paquebots, jusqu'à 50 cars peuvent attendre les croisiéristes. (Photo: Violette Artaud.)
Ce lundi, l’opposition municipale proposait un amendement pour instaurer une taxe de séjour payée par les croisiéristes qui passent à Marseille. Une proposition destinée à faire entrer un peu d’argent dans les caisses publiques alors même que les croisières sont présentées comme une manne par la municipalité (lire notre article).
“À Marseille tout le monde y va de sa contribution. De 4 euros la nuit en palace, à 0,75 centimes dans un petit hôtel. Tout le monde sauf… les 1,5 millions de croisiéristes qui font escale à Marseille chaque année. Pour eux, c’est cadeau fiscal”, balançait Benoît Payan, président du groupe PS, sur les réseaux sociaux en prévision du conseil. “Aucune raison de justifier l’exonération d’une catégorie de touristes à la participation du budget communal. L’exonération des croisiéristes constitue également un manque à gagner important pour les finances de la Ville”, pouvait-on encore lire parmi les motifs justifiant cet amendement. La proposition n’a pas mis longtemps à être rejetée.
Cinq euros à qui ?
“Les compagnies versent déjà cinq euros par passager au Club de la croisière”, affirme dans l’hémicycle Roland Blum, adjoint aux finances, au budget et au port, pour justifier le rejet de l’amendement. Une assertion plutôt curieuse quand on sait que cette association censée soutenir l’activité des croisières dépend pour la plus grande part des subventions publiques et des cotisations de ses membres. “Je me suis à moitié-planté, confesse Roland Blum à Marsactu dès le lendemain. Les 5 euros ne sont pas versés au club de la croisière mais à la société qui gère le terminal. Il y a ensuite une redevance qui est directement versée au Grand port maritime de Marseille pour contribuer aux financement de ces grands investissements comme l’élargissement de la passe Nord qui contribue indirectement à l’activité croisières”.
Sans surprise, le président du Club de la croisière, Jean-François Suhas s’oppose à l’idée des socialistes : “Cette taxe ne peut s’appliquer qu’aux croisiéristes qui passent la nuit au port et ils ne représentent que 30 000 personnes, a défendu Jean-François Suhas. Cela n’existe nul par ailleurs et serait administrativement infaisable.”
“Le port est chez lui”
Même son de cloche chez l’adjoint aux finances, au budget et au port. “Une taxe, plus une taxe, plus une taxe, cela finit par tuer la taxe. Et puis comme je l’expliquais devant le conseil : il existe deux types de taxe de séjour, celle que paie un touriste qui réside dans un hôtel, un camping. Et celle que paie un plaisancier quand il séjourne dans un port de plaisance. Mais dans le cas du GPMM, c’est différent puisqu’il s’agit du domaine public maritime. Le port est chez lui et je ne crois pas que la Ville puisse percevoir de taxe sur ce qui s’y passe”, s’est expliqué Roland Blum dont la collectivité ne perçoit pas non plus de taxe foncière de la part du port.
Effectivement, le code général des collectivités sur lequel s’appuie le président du groupe socialiste pour justifier son amendement liste les lieux qui donnent droit à la perception d’une taxe de séjour. Parmi les palaces, les campings et les chambres d’hôtes, figurent bien les ports de plaisance. Ceux-ci sont le plus souvent gérés par des collectivités ou par délégation des entités comme une chambre de commerce, voire même un club nautique. Mais l’affaire est différente quand il s’agit d’un Grand port maritime qui gère un espace portuaire dont il est le seul propriétaire.
Ainsi les villes qui accueillent les bassins est et ouest du Grand port peinent à percevoir le moindre centime de ce dernier au titre de la taxe foncière. Aujourd’hui encore, selon le club de la croisière, le sujet “n’est toujours pas tranché”. Si la question s’avère juridiquement complexe elle a le mérite de soulever un débat : que paient vraiment les croisiéristes qui accostent à Marseille ?
Les compagnies de croisières payent en effet des “taxes” à ces deux structures distinctes que sont le port et le MPCT pour Marseille Provence cruise terminal, le terminal de croisière géré par les compagnies Costa et MSC. En ce qui concerne le port Marseille-Fos, celui-ci applique aux armateurs une redevance passager qui s’élève par jour à 2,53 euros. Avec une capacité de presque 5000 places, le Costa Diadema paye par exemple 12 650 euros par jour passé dans le port de Marseille.
Entre 3,20 et 3,60 euros par passager pour le port
L’autre partie des taxes qui s’appliquent aux croisières s’inscrit dans les droits de port. “Les navires ou engins flottants assimilés […] séjournant dans le port sont soumis à une redevance de stationnement déterminée en fonction du volume géométrique du navire”, peut-on lire dans le document déclarant les tarifs 2018 des droits de port de Marseille-Fos. À titre d’exemple, cette redevance s’élève à pratiquement 1500 euros par jour pour le Costa Diadema, soit 0,30 centimes par jour et par passager.
Enfin, dans les droits de port, l’on trouve une seconde redevance passager qui est de 0,73 centimes par passager en escale et de 0,36 centimes par passager en tête de ligne, c’est-à-dire qui embarque ou débarque à Marseille. Ainsi, le Costa Diadema paie à capacité pleine quelques 3500 euros en escale et 1700 euros en tête de ligne. Si l’on fait un total et en gardant notre exemple, on peut donc dire que le Costa Diadema paye entre 3,19 et 3,56 euros par passager et par jour selon que le navire est en escale ou en tête de ligne. À titre de comparaison, c’est moins que la seule redevance sur passager qu’applique aux croisières le port de Nice, cette dernière étant de 4,16 euros.
“Entre deux et quatre euros” pour le terminal
“À la louche je dirais que les droits navire représentent entre 5 et 6 millions d’euros par an pour le port, estime approximativement Jean-François Suhas le président du Club de la croisière. Plus quelques centaines de milliers d’euros pour les frais de concession liés au chiffre d’affaire où le port joue son rôle d’aménageur.” Car le port n’est pas le seul dans l’histoire, le terminal croisière étant géré par les compagnies elles-mêmes.
Le Marseille Provence cruise terminal est donc la seconde structure qui reçoit des taxes de la part des armateurs. “Les compagnies payent un taxe pour les services, c’est une taxe passager qui se situe entre deux et quatre euros selon que le navire soit en escale ou en tête de ligne“, estime encore Jean-François Suhas. Sur ce point, MPCT n’a pas souhaité apporter de précisions à Marsactu considérant qu’il s’agit là“d’informations confidentielles”. Difficile donc de connaître la somme exacte des taxes que les compagnies de croisière versent au terminal. Mais si une chose est sûre, c’est que les collectivités locales elles, n’en touchent pas un centime.
Commentaires
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“Je me suis à moitié-planté”… Quel aveu de légèreté voire d’incompétence de la part de Roland Blum, adjoint aux finances, au budget et au port. Il est en charge de structures qu’il ne connait visiblement pas assez… Nouvel exemple (encore!) de l’incurie ahurissante de cette équipe municipale.
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Merci Violette d’avoir démêlé l’écheveau car cette histoire était effectivement incompréhensible sans explications — et pour cause !
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Oui, merci à Violette et Marsactu!
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Miser sur l’activité de croisière était vraiment un très mauvais choix.
Beaucoup de dépenses bien réelles de la part des collectivités pour un gain largement surestimé et qui bénéficie seulement à certaines entreprises et commerçants.
Les externalités négatives pour les marseillais sont bien réelles, en premier lieu la pollution de l’air et la saturation du trafic entre la Joliette et Notre-Dame de la Garde, et tous les aménagements de voirie et de stationnement faits exclusivement en fonction des bus qui promènent les croisiéristes à la journée. En attendant le fabuleux téléphérique de la Garde.
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Un peu comme le vélodrome, on sait ce qu’il coûte aux citoyens, mais on peine à voir ce qu’il rapporte… sauf à quelques commerçants.
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Une taxe, oui, pour financer un raccordement électrique de ces monstres pollueurs aux quais d’amarrage .
Ils” fument” du fuel durant tout le séjour de touristes qui ne rapportent rien en terme d’économie à la ville , sauf pour quelques commerces, et il serait normal qu’ils payent pour sauver notre air qui devient irrespirable et dangereux .
Si les pollueurs -payeurs peuvent enfin servir à quelque chose c’est bien là !!!
Il ne faut quand même pas demander à nos édiles gâteux et ignares de réfléchir à cette solution , la preuve en est faite !
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