Entre tensions et vétusté, le collège Versailles respire toujours l’abandon
Pour la troisième fois, le recteur était ce mercredi au collège Versailles. Secoué par plusieurs agressions, le personnel était en grève la semaine dernière. Si un audit a été promis, le collège Versailles se débat toujours dans un quartier à l'abandon.
Photo : Clara Martot
Quelques rats se baladent sur le trottoir. Les collégiens galopent sur la route. Une mère de famille vient à eux, ils la surnomment “la séparatrice” : c’est elle qui tente de désamorcer les conflits lorsque les médiateurs ne sont pas là. Quelques minutes plus tôt, deux camions de marins pompiers occupaient la chaussée. Ils viennent d’emmener à la Timone une jeune élève victime d’un grave malaise en cours. Les grilles se sont refermées derrière eux, laissant apparaître un panneau décoloré avec le logo du conseil général, titré : “Extension et reconstruction partielle du collège Versailles.” À gauche, un permis de construire daté de décembre 2017 rappelle qu’entre-temps, le département a opté pour une démolition totale des bâtiments.
Mercredii 11 avril, 10 heures, les élèves quittent le collège Versailles. Le reste de la matinée est banalisé pour accueillir le recteur de l’académie d’Aix-Marseille, Bernard Beignier. Sa venue répond à la demande des enseignants, en grève la semaine dernière. Depuis sa prise de fonction, c’est la troisième fois que le recteur se rend dans cet établissement de 500 élèves classé REP+ (réseau d’éducation prioritaire renforcé). Il se situe au fond d’une impasse du 3ème arrondissement de Marseille, quartier “effrayant”, selon les mots du recteur.
Face aux insultes, le rectorat pourrait envisager “une réponse pénale”
Vendredi 6 avril, les enseignants grévistes bloquent la grille d’entrée avec une chaîne. La grève a débutée la veille, au milieu d’une semaine, en raison de deux agressions. Deux anciens élèves s’en sont pris à un membre du personnel en charge de la sécurité. Un autre accrochage impliquait une élève et un professeur. Cette dernière agression aurait exacerbé le conflit entre la direction et les enseignants, explique l’un d’eux : “la direction a rédigé un rapport sur notre collègue que nous avons jugé calomnieux.” Plus globalement, les enseignants déplorent une “banalisation” des faits de violence. Résultat, des conseils de discipline non-tenus, et un climat de “défiance”. “À la moindre insulte à notre égard la hiérarchie remet notre comportement en question”, explique Sylvain Pierredon, professeur d’histoire-géographie.
En témoigne les larmes d’une enseignante traitée de “sale pute”, le “burn-out” qu’une de ses jeunes collègues a récemment traversé, ou la désertion d’une remplaçante, après seulement deux heures de cours. Interrogés, les collégiens rapportent des pertes de contrôle régulières de certains professeurs. Avec la conscience d’un malaise partagé.“C’est le manque de dispositifs et de moyens qui met les profs sous tension”, raisonne le jeune Djibril, élève de 3e. “C’est tellement plus tenable, qu’on finit par se taper dessus”, déplore Mélanie Carratu, une enseignante.
Tragique constat du recteur Bernard Beignier, après deux heures de discussion avec les enseignants et parents : “on nous a fait part d’insultes très violentes allant jusqu’à la menace de mort.” En guise de réponse, il énonce le besoin de “davantage de discipline, voire parfois d’une réponse pénale”, sans être en mesure de préciser la forme des sanctions. Une quatrième visite de l’établissement est fixée au vendredi 20 avril, pour traiter l’ensemble des revendications énoncées par les professeurs. Ces derniers ont constitué une intersyndicale pour le jour de sa venue, et énoncé huit revendications. Deux d’entre elles ont été approuvées sans délai par le recteur : la mise en place d’une réunion plénière d’une journée sous sa direction, suivie d’un audit de l’établissement.
“Cela fait quinze ans, que l’on repousse les travaux de six mois !”
“Nous sommes satisfaits des mots du recteur”, se réjouit timidement Anne Lebrec, professeur d’espagnol. Comme d’autres collègues, elle garde un souvenir amer de la visite de représentants de l’inspection académique vendredi dernier, durant la grève. “Ils se sont montrés méprisants. Ils nous ont laissé 45 minutes pour formuler nos demandes, avant de s’en aller. Ils ont repris un enseignant, pour le sommer de se tenir debout pour s’adresser à eux.” Mélanie Caruttu se remémore une visite précédente : “face à la vétusté, l’inspecteur nous avait simplement répondu qu’il s’agissait de l’état normal d’un collège, et que si c’était sale, c’était peut-être parce que c’était mal nettoyé. Dans les jours qui ont suivi, trois agents d’entretien s’étaient mis simultanément en arrêt maladie.” L’une d’elles explique : “de ma vie, je n’ai jamais vu ça. Tout est tellement à jeter que même en frottant, rien ne part !” Les élèves acquiescent, et énumèrent : les fourmis par terre, les rats dans les couloirs, la moisissure aux murs. Les fenêtres ne s’ouvrent plus, ou restent bloquées, ouvertes à la pollution de l’autoroute. En ce jour de pluie, l’eau s’infiltre dans les six salles de classe du bâtiment en préfabriqué.
Le début des travaux, annoncé par le prestataire du Département pour l’été 2018, est repoussé de six mois, selon le rectorat. Anne Lebrec n’y croit plus : “cela fait quinze ans, que l’on repousse les travaux de six mois !” Un autre enseignant avance qu’en réunion pédagogique, la direction a mentionné un retard d’un an. Lors de sa visite précédente, Bernard Beignier rencontrait l’équipe de l’établissement dans l’urgence : des flèches en métal de 60 centimètres avaient été retrouvées.
Ce mercredi, il s’est engagé à rencontrer rapidement la présidente du département Martine Vassal, en charge du projet annoncé depuis plusieurs années : le lauréat en charge des travaux est connu depuis 2014. Contacté mercredi soir, le département a confirmé le retard, avec un début des travaux, prévu fin 2018. L’ouverture du nouveau bâtiment est fixée à fin 2021. Les travaux d’aménagement du parvis, destiné à sortir l’établissement de l’impasse où il est situé sont prévus dans les mêmes délais. Quant à la rénovation des bâtiments insalubres qui entourent le collège, elle n’a même pas de calendrier.
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Ce collège est situé dans une zone de non droit , arrière cour de la façade MUCEM .
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