L’écologie urbaine à Marseille et dans sa métropole
LA POLITIQUE ENVIRONNEMENTALE DE LA MÉTROPOLE DU GRAND MARSEILLE
Dans plusieurs articles publiés dans Marsactu, nous avons évoqué la question de l’écologie et de la politique environnementale à Marseille. Mais sans doute ne peut-on pleinement penser l’écologie urbaine et la politique de l’environnement à l’échelle de la ville, mais importe-t-il de changer de dimension et de s’interroger sur la politique environnementale à l’échelle de la métropole. C’est ainsi qu’un article de C. Vaysse, paru dans Marsactu le 13 février évoque un accroissement des diabètes, des cancers et de l’asthme à Fos sur Mer et à Port-Saint-Louis, sans doute liés, selon une étude du Centre Norbert-Elias, à Marseille, à la pollution industrielle.
Fos sur Mer : un aménagement du territoire imposé
Fos-sur-Mer pourrait servir de symbole à la politique aberrante de l’espace élaborée et imposée par les autorités nationales de l’aménagement du territoire dans les années soixante, quand l’économie de notre pays était dans une phase d’expansion, quand l’industrialisation se mettait en œuvre sans le moindre souci des populations et de l’environnement, quand, enfin, les pouvoirs politiques, en pleine centralisation, étaient tous concentrés à Paris, sans aucune considération pour les acteurs politiques en région. C’est ainsi que, comme bien d’autres communes de notre pays, il y a, en quelque sorte, deux Fos : le Fos ancien, classique, petit village situé sur les rives de l’étang de Berre, et le Fos nouveau, complètement artificiel, fait d’installations industrielles, sans souci du patrimoine local et de l’environnement du site sur lequel il s’était construit. L’E.P.A.R.E.B., Établissement public d’aménagement des rives de l’étang de Berre, était, en quelque sorte, le bras armé de l’État pour élaborer les politiques nationales d’aménagement local, pour les mettre en œuvre et pour les imposer aux populations, qui, si on leur avait demandé leur avis, en toute démocratie, n’en auraient sans doute pas voulu.
La pollution industrielle
Si on étudie attentivement la pollution industrielle dans un site comme celui de Fos-sur-Mer, on peut remarquer qu’elle prend trois formes, qu’il convient sans doute de distinguer pour mieux les comprendre. La première est celle sur laquelle notre attention est attirée par « l’étude participative en santé environnement » évoquée par Marsactu. Il s’agit de la pollution sanitaire et des risques de maladie que peut faire courir une activité industrielle mise en œuvre sans souci de la protection des populations. Il s’agit des maladies que peuvent contracter les habitants du site et ceux qui y travaillent car ils y son exposés sans retenue. La pollution industrielle montre, en ce sens, le peu de cas de la santé publique que faisaient les entreprises et les aménageurs, en particulier dans les années soixante. Sur ce plan, la politique contemporaine a résolument tourné le dos aux préoccupations sanitaires que manifestaient les pouvoirs publics dans les années d’après-guerre en engageant de véritables politiques de prévention sanitaire. La deuxième forme de la pollution industrielle est la dégradation de l’espace et du paysage. On pourrait parler d’une pollution esthétique de l’espace. Mais ne nous y trompons pas : même si une telle dimension de la pollution peut sembler de moindre importance et de moindre urgence, elle n’en est pas moins considérable, car elle engage une perte de l’adhésion des habitants à l’espace dans lequel ils vivent, une perte de l’appropriation de cet espace par ceux qui, de cette manière, y vivent sans l’habiter. Une troisième forme de pollution est à prendre en considération : ce que l’on peut appeler la pollution du travail et de la vie quotidienne, ce que l’étude de l’EPSEAL appelle la « pollution ordinaire », celle à laquelle on est tellement habitué que l’on finit par ne plus y prendre garde. Cette « pollution ordinaire » est la pollution de la vie quotidienne, qui ne se signale pas par des symptômes de maladie ou de souffrance, par des formes d’urgence, mais qui fait son chemin sournoisement, sans prévenir, dans le temps long, pour se manifester, parfois sous la forme de conséquences imprévisibles, dans un avenir qui peut être éloigné. Il s’agit, ne nous y trompons pas, d’une forme particulièrement grave d’aliénation du travail, au sens plein du terme « aliénation » : les travailleurs ne disposent plus de leur propre vie, qui est aliénée par les pouvoirs et par les dirigeants qui se l’approprient.
L’imposition de la politique industrielle et le chantage à l’emploi
C’est sur ce plan que l’on peut se demander, alors, comment il se fait que les populations se laissent faire, se laissent imposer de telles formes d’aliénation, alors qu’elles pourraient manifester leur opposition et leur rejet de ces politiques. Surtout dans une région comme la nôtre, les entreprises et les pouvoirs mettent en œuvre une forme de contrainte, une forme particulière de pouvoir et d’autorité, qui se fonde sur ce que l’on peut appeler le chantage à l’emploi. « Si vous n’acceptez pas de vous soumettre » disent ces dirigeants aux habitants de ces espaces, « nous fermons les entreprises et nous les délocalisons ; de cette manière, vous n’avez plus d’emplois ». Le chômage est devenu un risque tellement important qu’il finit par fonder une forme de chantage, à la fois à l’échelle locale des villes et des sites, à l’échelle des régions et, dans une économie mondialisée, à l’échelle des pays entiers, dans une confrontation entre les pays riches et les pays pauvres, soumis à une forme mondialisée de l’aliénation.
S ans doute est-ce cette forme d’urgence qui permet de prendre la mesure de l’importance d’éveiller les opinions publiques et les citoyens à l’importance de manifester une force de résistance à ces politiques économiques qui ne sont plus qu’un aspect des politiques d’austérité : des politiques d’aliénation économique, une telle aliénation comportant une dimension environnementale, une dimension salariale et une dimension d’emploi.
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