Marseille et sa métropole
Significations de la métropole marseillaise
« Marsactu » a annoncé, le 21 décembre, dans un article de J.-M. Leforestier, que le gouvernement envisageait la prochaine fusion entre le département des Bouches-du-Rhône et la métropole de Marseille, sur le modèle de la fusion instituée entre le département du Rhône et la métropole de Lyon. Mais que signifie une telle modification de nos collectivités locales ?
La première remarque que l’on peut faire est une sorte d’évidence qui saute aux yeux quand on regarde la carte. Si la législation a pu instituer, en 1964, la réforme de la région parisienne en faisant, en faisant de Paris un département, en intégrant à la région Ile-de-France les nouveaux départements de la région parisienne, et en rendant possible l’identification de la région et d’une métropole du Grand Paris, c’est en raison d’une longue histoire, celle de la Paris et de sa banlieue, mais aussi en raison de l’importance particulière de la capitale de notre pays. Surtout, c’est pour marquer dans la loi la forme de dépendance à laquelle sont soumises l’une à l’autre la ville de Paris et sa périphérie, dépendance tant économique que sociale, culturelle et environnementale. De la même manière, si l’on observe la situation de Lyon et du département du Rhône, on peut observer que la surface de ce dernier est très restreinte et qu’il se confond presque, dans l’espace avec la ville de Lyon, au point que même l’aéroport de Lyon se situe dans un autre département. On peut, ainsi, observer, dans la géographie une identification, comparable à celle de l’Ile de France, entre la ville et le département. Il n’en va pas de même dans la situation des Bouches-du-Rhône, qui, au contraire, fait partie des départements les plus étendus du pays. Cela implique l’existence de différences extrêmement fortes entre une ville comme Marseille et des régions comme la Camargue, la région d’Arles, ou celle de la Ciotat. Il y a plusieurs pays dans l’espace des Bouches-du-Rhône, et, ainsi, plusieurs modes de vie, plusieurs cultures, mais aussi plusieurs modes de rationalité économique qui ne sauraient se confondre. C’est ainsi, par exemple, que nous avions pu relever, dans une chronique récente de « Marsactu », la pluralité des modes de transports et de déplacements qui se manifestent dans la ville et dans le département.
Marseille et la région dans la culture provençale et l’histoire marseillaise
Cette différence entre Marseille et le département se trouve illustrée, dans la culture, par le fait, finalement très simple, que Marseille n’appartient pas, dans l’histoire, à la région de la Provence. C’est Aix qui était la capitale de la Provence, pour la raison simple que Marseille n’en faisait pas partie. Ville-port, ville ouverte sur le commerce et les échanges avec le monde, en particulier, mais pas seulement, avec le monde méditerranéen, Marseille, dans son histoire, a toujours eu des logiques de développement et des logiques culturelles qui n’étaient pas celles de la région provençale. De la même façon, Marseille est devenue une grande ville, portant, en elle, les germes d’une métropolisation, à partir du dix-septième siècle, et, surtout, à partir du dix-neuvième, à la fois quand le fait urbain a commencé à s’imposer dans histoire et quand les logiques du développement ont fait, en quelque sorte, échapper la ville à son environnement pour l’inscrire dans ne histoire propre – urbaine et réellement métropolitaine. C’est bien dans une sorte de refoulement de cette histoire que Marseille a été désignée comme le chef-lieu du département, ce qui, à la fois, faisait échapper le pouvoir local à Aix et manifestait l’expression d’une nouvelle histoire de l’espace politique régional – désormais départemental. Confondre le département et la métropole marseillaise, c’est, ainsi, ignorer cette histoire politique et culturelle, c’est ignorer les expressions du temps long dans le temps court de la vie politique et institutionnelle. En même temps, confondre la métropole urbaine et le département, c’est ignorer ou refouler les particularités de la vie économique de ces deux espaces, mais aussi les identités de ceux qui les habitent. Il s’agit encore d’une de ces idées issues de la capitale dans la logique centraliste qui caractérise notre pays, sans prise en considération des spécificités et des identités locales, régionales et, ici, urbaines.
Le refoulement de la question urbaine et de la politique de la ville
Parlons, à présent, d’un autre refoulement qui nous semble caractériser cette initiative du gouvernement, celui de la politique de la ville et de ses nouvelles exigences. Finalement, en confondant la métropole marseillaise et le département où elle se situe, la loi envisage une forme de dénégation des particularités de la politique de la ville. Ce sont des siècles de tensions, de contestations, de confrontations, parfois violentes, par lesquelles la ville de Marseille, et, pour commencer, encore récemment, ses quartiers que l’on appelle « les quartiers Nord », que la loi envisage de méconnaître, d’ignorer, de passer sous silence. Peut-être est-ce ici, à Marseille, que s’est imposée plus qu’ailleurs, l’urgence d’une politique particulière de la ville et du fait urbain, trop longtemps ignorée dans le doux confort de la prospérité et subitement rappelée à notre conscience dans l’urgence de la crise de l’emploi, de l’économie et de l’environnement urbain. La confusion entre le département des Bouches-du-Rhône et la métropole marseillaise est une forme de dénégation de la politique de la ville, une forme de refoulement de la question urbaine et de ses particularités. Trois éléments, en particulier, semblent, ainsi, ignorés par une telle confusion entre métropole urbaine et département. Le premier est la différence entre le fait d’habiter un espace urbain et celui d’habiter un espace rural. Le second est la différence entre une économie portuaire d’échanges, d’économie et d’industrie et une économie rurale et touristique. Le troisième, enfin, est la différence entre une économie métropolitaine tournée vers le monde et une économie provençale tournée vers l’intérieur de la région.
Repenser l’économie métropolitaine
C’est qu’au-delà du débat sur la réforme institutionnelle, sans doute y a-t-il urgence à repenser l’économie de Marseille et de sa métropole. Quatre points semblent essentiels aujourd’hui. Le premier est la régulation du marché du logement et de l’immobilier. Dans une économie urbaine pleinement articulée aux impératifs de la vie sociale, il importe que le marché de l’immobilier, tant dans le domaine de la location que dans celui des ventes, soit pleinement maîtrisé et qu’une réelle régulation empêche la mainmise sur ce marché des opérateurs immobiliers et fonciers. À cet égard, sans doute importe-t-il aussi que liée à une réelle politique de l’environnement, la maîtrise de l’immobilier empêche la multiplication des tours et des gratte-ciels qui est un risque sur le devenir du paysage urbain, à Marseille. Le deuxième point qu’il importe de penser dans l’économie métropolitaine est l’engagement d’une réelle politique de l’emploi et de la répartition des emplois et des activités dans l’ensemble de la métropole. La disparition des activités industrielles n’a pas servi à la régulation environnementale de la ville, mais elle a entrainé la disparition des emplois, et, en ce sens, il est urgent que la ville et la métropole retrouvent des domaines d’activité inscrivant de nouveau l’économie métropolitaine dans une orientation de croissance. Un troisième point de l’économie métropolitaine est l’évolution des logiques de transport et de déplacements que nous avons évoquée dans une précédente chronique. Enfin, la question de la formation et de la recherche donne aux universités une place majeure dans le développement de l’économie métropolitaine. Qu’elles aient été de tout temps partagées entre Aix et Marseille était l’anticipation de l’institution d’une métropole, mais, aujourd’hui, c’est sur le plan de l’économie que les universités ont un rôle majeur à jouer.
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