Barcelone étouffée : quand on parle des Ramblas comme de la Canebière
[Ce billet fait partie d’une série de trois, voir détails ici : Barcelone étouffée par le tourisme, quels enseignements pour Marseille ?]
Le premier point qui m’a frappé dans le documentaire Bye Bye Barcelona, ce sont les mots utilisés par les Barcelonais pour parler des Ramblas et du centre-ville. Il y a un parallèle évident entre Ramblas et Canebière, et pas pour les raisons que l’on croit. Les deux avenues sont emblématiques de la ville où elles s’étendent, certes, mais c’est le discours d’exclusion suite à une invasion qui a attiré mon attention.
Depuis quelques années que j’ai commencé mes recherches sur Marseille, j’ai souvent eu l’occasion de vérifier que le discours de certains membres de ma famille sur la Canebière était généralisé à toute une partie de la population qui a l’expérience ou la mémoire de la ville d’avant les années 60. Questionnez quelqu’un comme ça, il vous parlera irrémédiablement des cafés, des cinémas, des théâtres, de la déambulation, de se faire prendre en photo, des beaux habits du dimanche, de la glace… Cette nostalgie de la Canebière d’avant est mise en opposition à la Canebière que nous connaissons aujourd’hui, principalement utilisée par les habitants du centre-ville. Le discours des premiers sur les seconds varie sensiblement en fonction des personnes plus ou moins décomplexées sur les propos racistes mais il y a un fond qui ne varie pas : l’espace a été perdu, les “marseillais” n’y vont plus, une “autre population” s’est installée, les beaux magasins et cafés ont fermé au profit de snacks et “vendeurs de bordilles”. D’où les opérations obsessionnelles de reconquêtes du centre-ville par la Mairie, on en a déjà parlé, je vous renvois aux panneaux de l’ilôt des feuillants “Une Canebière pour tous les marseillais”.
Dans le nouveau schéma, les touristes doivent jouer leur rôle et participer à la reconquête, avec les marseillais, qui, si je suis la Mairie, doivent aussi venir d’autres quartiers que le centre-ville. Mais que nous dit l’exemple de Barcelone ?
On retrouve exactement les mêmes mots (maux?) mais dirigés contre les touristes. “On a perdu la ville”, “c’est une invasion”, “on se prostitue”, “j’ai honte”… Les mots d’occupation et d’exclusion sont aussi employés. Les habitants, qui se sentent propriétaires de l’endroit se sentent exclus de leur quartier par une population qui les envahi et les oblige à partir, on pourrait avoir eu le même discours tenu par des membres de la bourgeoisie marseillaise installé aux Réformés et devant fuir vers St Giniez. Comment les fait-on fuir ? A Barcelone comme à Marseille, les commerces sont au centre des revendications. Ici la multiplication des snacks, là-bas des magasins de souvenirs, et dans les deux cas, la disparition d’un environnement qui était familier et l’inconfort.
Cet exemple nous apprend d’abord à relativiser la situation marseillaise, qui comme toujours, n’est pas unique, les mêmes phénomènes se passent ou se sont passés ailleurs. Il nous indique aussi que la rénovation de la Canebière, et plus largement du centre-ville ne satisfera pas les nostalgiques des années 50 si elle passe uniquement par le tourisme. Car les “marseillais” risquent de trouver à la place des occupants actuels, de nouveaux “envahisseurs” (j’utilise les mêmes mots exprès). Certes, les kebabs auront été remplacés par des Starbucks, mais à quel point est-ce un progrès ?
J’entends déjà “oouh la la mais on a de la marge !” comme une excuse au développement touristique le plus sauvage, ce qui nous emmène au second point que je voulais aborder : la gestion. Car tout ça me semble être un problème de gestion.
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