Municipales : le grand bar tabac n’a pas tremblé

Le moins que l’on puisse dire, c’est que les résultats du premier tour ont surpris, je pense que Gaudin ne s’attendait pas à être autant devant, Mennucci autant derrière, et Ravier autant au milieu. Et pourtant, une fois le moment passé, je reste écœuré mais moins étonné. Depuis que l’on avait les candidats à la primaire socialiste et que l’on savait que Gaudin se représenterait, il était clair qu’il ne se passerait rien de positif dans ces élections. Pour ma part je l’avais refoulé, attendant je ne sais quelle surprise, et c’est en fait un gros retour du refoulé que je me suis pris en pleine gueule : j’habite dans une ville en plein naufrage.

Écœuré de voir un parti qui fait de la politique de bar tabac faire plus de 20% et pouvoir prétendre à une mairie de secteur. Hier soir, j’avais du mal à y croire, mais en réfléchissant mieux  : dans une ville où le taux de chômeurs rivalise avec celui de non-diplômé, où l’on a soigneusement alterné du petit pavillon pour illettré tendance plan de campagne et du grand ensemble d’immigrés qui fait peur, où le rapport inter-décile est le plus élevé de France et où l’on organise la ségrégation urbaine depuis 20 ans…  Bref, dans une fabrique à précaires sous diplômés, c’est même étonnant qu’ils ne fassent pas mieux ! Mais ça viendra sans doute, et à voir le sourire vicieux de leur chef hier soir, on devine qu’ils sont confiants.

Les listes Mennucci paient sans doute leur attitude ambigüe avec le grand chef Sioux (Guérini) : pas assez avec pour bénéficier des réseaux, pas assez sans pour crédibiliser un discours de changement. Je me suis dit que c’était bien fait pour eux (coucou Masse, coucou Hovsépian, coucou Zéribi), mais quand on voit qui est la seule qui s’en sort, on peut douter que le désastre du PS amène à une refonte plus démocratique et ouverte de la gauche marseillaise. Enfin, en tous cas, ceux-là ne me manqueront pas.

Reste le vieux qui s’en sort presque mécaniquement, qui a même l’air triomphant grâce à l’abstention des électeurs de gauche après une non-campagne et un coup de pouce du chef Sioux. Il aura vraisemblablement six ans de plus pour ne pas toucher au système FO, pour laisser les employés municipaux ne pas respecter leurs contrats de travail, pour développer une économie de ville varoise et faire tourner le petit train. Grâce à une politique qui n’est pas vraiment de droite (ou alors une droite-province, une droite-lions club… mais merde, protéger FO et cantonner l’économie aux croisières, ça peut pas être de droite !), on continuera de prendre du retard sur les autres métropoles européennes mais on aura sûrement un Casino plus grand qu’à Cassis, on remettra un coup de vernis  sur la misère de la Canebière, la connerie continuera de fleurir autour des palmiers et on pourra tout juste se consoler en se disant qu’en 2020 ce sera pire avec Ravier !

Finalement, il n’y a rien d’étonnant dans les résultats d’hier soir. Marseille n’est ni Lille, ni Bordeaux, ni Lyon. C’est peut-être aussi l’occasion de faire un point gentrification (arrivée de populations dotées de plus de capital culturel et économique dans un quartier populaire) : la timide arrivée de quelques bobos en centre-ville, même boostée par une année capitale de la culture, ne suffit pas à transformer une ville pleine de misère en copié/collé de Lyon ou Lille. Ça pourra toujours faire plaisir à ceux qui avaient peur que les bobos envahissent la ville, rassurez-vous, il y a encore beaucoup de pauvres désespérés, le grand bar tabac n’a pas tremblé !